Extraits

Au début, ça y allait, les beignes, les coups de pied, les engueulades, puis Gabelou a dit à ses sbires: foutez la paix au Vieux Léon, vaut mieux le ménager, après tout, c'est le seul témoin... Tout le monde s'est marré.

"Je suis là, tassé dans mon coin, assis dans un fauteuil à côté du bureau de Gabelou qui est parti en vadrouille je ne sais où. Je moisis ici depuis cinq jours..."

"Le dimanche, je la voyais, du balcon, partir pour la messe, avec son petit chapeau couvert de raisins en bois et de feuilles d’églantine en tissu, son livre de prières sous le bras, sa démarche rapide, les fesses bien serrées, des fois qu’on allait lui mordre l’arrière-train !"

"Ainsi se termine l'histoire.

Personne ne se maria, personne n'eut beaucoup d'enfants.

Le crapaud resta crapaud, aucune jeune fille ne s'étant proposée pour lui donner un baiser, en dépit des nombreuses annonces parues dans les revues spécialises.

Le Petit Poucet, perdu dans la jungle des villes, devint contremaître chez Citroën.

Les sept nains terminèrent leur vie dans un centre de gériatrie.

Le petit canard ne devint jamais cygne : il retourna au pays avec le million pour les immigrés.

Le Chat Botté fut capturé par les rabatteurs d'un laboratoire pharmaceutique où l'on pratique la vivisection...

Tout fout le camp."

Je rentrais chez nous, avec nos deux steaks, c'était les seules courses que je faisais : à Carrefour, il y a plein de lumières, des tas de rayons, des chariots à roulettes, des étiquettes partout, de la musique, plein de monde, enfin, bref, comment voulez-vous que moi, Léon, j'aille acheter quelque chose là-dedans ?

Ah ça, parole de paysan, il faut se méfier des cancans, des on-dit, des mécréants qui jacassent, toujours prêts à s'exciter contre celui qu'est pas comme eux.

Les citadins, ce sont de gros nigauds, dressés par la télé.

Tu voudrais savoir où elle est, hein ? Vieux salaud de Léon ? Il a fait un geste avec son pouce, en arrière, pour montrer la cuisine. J’ai jeté un coup d’œil, mais il n’y avait rien.

Dans le congélateur, a-t-il dit, elle est dans le congélateur. C’était un gros, presque aussi gros que celui de l’Altay-Club, où ils mettent les gigots, et les poulets…

Pour être soufflé, j’étais soufflé ! Du coup je me suis assis. Il avait nettoyé toutes les traces de sang, c’était propre, et là, au moins, dans le congélateur de la Camif, elle nous foutrait la paix, la garce !

« Il était une fois, dans une forêt profonde, un palais merveilleux où vivait une Bête, amoureuse d'une Belle. Et ce palais, le plus merveilleux qu'on puisse imaginer...

H-A-L-T-E !!!

… ça ne s'est pas ex-ac-te-ment passé comme dans l'histoire. Pas du tout, même !

Il y a bien :

- 1) une Bête.

- 2) un Palais.

- 3) une Belle...

Mais des trains sillonnent dans la forêt, arasent les collines, éventrent les sous-bois. La Belle minaude, la Bête ricane. Le Palais ? Ah, n'en parlons pas !

Tout était là pour réussir un joli conte. Seulement voilà : on s'est emmêlé les pieds e rajoutant un petit page, une sorcière et un boucher ! Quand ce n'est pas la grève, la Fée Electricité illumine le Palais. La Belle cotise à la Sécu, et la Bête ferait bien de s'inscrire à la SPA.

Tout fout le camp. »

Flétri, décrépit, rouillé, délavé par l'usure, Léon avait la patience fière des vieux qui, assis sur leur banc, regardent le sablier se vider, en guettant le dernier grain.