Extraits

Jem et Will avaient installé leurs quartiers sur l'une des grandes tables disposées au fond de la bibliothèque, soi-disant pour l'aider et la conseiller - plus vraisemblablement pour se moquer d'elle.

- Vous écartez trop les pieds quand vous marchez, poursuivit Will.

Comme il était occupé à essuyer une pomme avec le devant de sa chemise, il ne remarqua pas le regard meurtrier de Tessa.

- Camille se déplace avec l'élégance d'un faon en forêt et non comme un canard.

- Je ne marche pas comme un canard.

- Moi, j'aime bien les canards, observa Jem avec diplomatie. Surtout ceux de Hyde Park.

Il jette un regard en coin à Will ; les deux garçons étaient assis au bord de la table, les jambes pendantes.

- Tu te souviens quand tu as voulu me convaincre de les nourrir avec de la tourte au poulet pour créer une race cannibale ? reprit-il.

- Ils l'ont mangée, lui rappela Will. Ces petites bêtes sont assoiffées de sang. Ne jamais se fier à un canard.

Amour, espoir, crainte, foi : ces choses font l'humanité ;

Elles en sont le signe, la marque, la caractéristique.

Robert Browning, Paracelse

Chapitre 3, L'Institut

“That was enterprising.” Will sounded nearly impressed. Nate smiled. Tessa shot him a furious look.

“Don't look pleased with yourself. When Will says 'enterprising', he means 'morally deficient'.”

“ No, I mean enterprising.” said Will. “ When I mean morally deficient, I say 'Now that's something I would have done.'”.

“A lesson you would do well to learn. It would harldy hurt the Nephilims to cease thinking that all those who do not live exactly as they do must therefore not truly live at all.”

Le nom de Tessa résonnait inlassablement dans la tête de Will comme le tintement d'une cloche ; il se demanda s'il existait un autre nom susceptible d'avoir une résonnance aussi implacable.

Si seulement elle avait été baptisée d'un prénom affreux, comme

Mildred par exemple ! Il ne pouvait pas s'imaginer allongé dans le noir, les yeux fixés sur le plafond, tandis que des voix invisibles lui murmuraient « Mildred » à l'oreille. Mais Tessa...

- Je vois que tu es décidé à réfuter tous mes arguments.

- Si ton argument, c'est qu'il y a une jolie demoiselle dans la pièce et que cela t'a distrait, tu t'es bien fait comprendre.

- Tu la trouves jolie ? demanda Will, surpris.

- Oui, et toi aussi.

- Je n'avais pas remarqué.

- Oh que si, et j'ai remarqué que tu avais remarqué, répliqua Jem en souriant.

« — Mais ces livres sont tous derrière des barreaux ! Une vraie prison littéraire !

Will sourit.

— Certains d’entre eux sont dangereux. Prudence est mère de sûreté.

— Il faut toujours être prudent avec les livres et leur contenu, renchérit Tessa, car les mots ont le pouvoir de nous changer.

— Je ne crois pas qu’un livre m’ait jamais changé. Enfin… j’en connais un qui est censé apprendre au lecteur à se transformer en mouton…

— Seuls les faibles d’esprits refusent d’être influencés par la littérature et la poésie, déclara Tessa, déterminée à ne pas le laisser changer de sujet.

— Évidemment, qui voudrait devenir un mouton ? C’est un autre problème. Y a-t-il un livre qui vous plairait ici, Miss Gray ? Nommez-le, et j’essaierai de le libérer de sa prison pour vous. »

« — Êtes-vous le Magistère ?

— Magistère ? répéta-t-il, l’air visiblement surpris par sa véhémence. Cela signifie « maître » en latin, n’es-ce pas ?

— Je…

Tessa avait l’impression d’être prisonnière d’un rêve étrange.

— Je suppose que oui.

— Au cours de ma vie, je suis passé maître en de nombreux domaines. Je sais me repérer dans les rues de Londres, danser le quadrille, arranger les fleurs dans les règles de l’art japonais, mentir aux devinettes, dissimuler un état d’ébriété avancé, user de mes charmes auprès des jeunes femmes…

Tessa le regarda, bouche bée.

— Hélas, poursuivit-il, personne ne m’a jamais appelé « maître » ou « magistère ». Quel dommage… »

- Bien joué Herondale. C'était une bonne idée d'incendier la maison, lança-t-il. Heureusement que nous étions là pour nettoyer derrière toi ou notre plan aurait capoter avec ce qu'il te reste de réputation.

- Quoi? Il m'en reste encore? s'exclama Will d'un air faussement horrifié. J'ai dû fauter à un moment.Ou plutôt rater une occasion de la faire. (Il donna un coup de point dans le flanc de la voiture). Thomas! Il faut nous rendre immédiatement dans le bordel le plus proche! J'ai besoin de scandale et de mauvaises fréquentation!

Thomas ricana. Will crut l'entendre marmonner "Foutaises!" mais il préféra ignorer sa remarque. Le visage de Gabriel s'assombrit.

- Est-ce qu'il t'arrive d'être sérieux?

- Non, du moins je n'en ai pas souvenir.

- Tu sais, il fut un temps où je croyais que nous pourrions être amis, Will.

- Il fut un temps où je me prenais pour un furet, mais c'était à cause des vapeurs d'opium. Tu savais que cela faisait cet effet-là? Moi non.

Après avoir escorté les trois jeunes gens jusqu’à la porte, il sortit dans le couloir derrière eux.

- Toi, cracha-t-il à l’intention de Will en baissant la voix pour ne pas être entendu de ceux qui étaient restés dans la bibliothèque. Où que tu ailles, il faut que tu déshonores le nom des Chasseurs d’Ombres.

Will s’adossa au mur et le toisa d’un air tranquille.

- J’ignorais qu’il y avait encore un nom à déshonorer après ce que ton père...

- Je te saurais gré de ne pas parler de ma famille ! rugit Gabriel en refermant la porte de la bibliothèque.

- Il est bien regrettable que je n’aie que faire de ta gratitude.

Gabriel le regarda bouche bée, les yeux étincelants de rage. En cet instant, il rappelait quelqu’un d’autre à Tessa, sans qu’elle sache qui.

- Quoi ? fit-il.

- Il veut dire, expliqua Jem, qu’il se moque de tes remerciements.

Les joues de Gabriel s’empourprèrent.

- Si tu n’étais pas mineur, Herondale, je te provoquerais en combat singulier. Je te taillerais en pièces...

- Arrête, Gabriel, dit Jem avant que Will puisse répondre. Pousser Will à se battre en duel, c’est un peu comme punir un chien après l’avoir incité à mordre. Tu sais comment il est.

- Mille mercis, James, lâcha Will sans quitter Gabriel des yeux. Ton témoignage me flatte.

Jem haussa les épaules.

- C’est la vérité.