Commentaire de CiliaBrux

Petit résumé : qui ne s’est pas un jour demandé de quelle façon il réagirait en cas de danger d’intrusion dans son petit chez-soi ? Véronica, psychologue moralement épuisée et désireuse d’un quotidien sans remous, se retrouve déboussolée un soir suite à un message téléphonique énigmatique de son mari, qui lui intime de n’ouvrir sa porte sous aucun prétexte, sans avoir le temps de lui préciser la nature de la menace. Un, deux, trois coups… Entre suppositions paranoïaques et vérités à affronter, où se cache le véritable danger ?

Un style efficace et percutant

Cédric Murphy réussit à enclencher toutes sortes de mécanismes du genre Fantastique et de sa petite sœur occasionnelle baptisée Horreur, pour nous offrir une représentation pleine de noirceur de l’envers d’un décor paisible où tout se met à dérailler à la tombée d’une nuit regorgeant de surprises. J’ai beaucoup apprécié son style fluide et personnel, qui alterne des phases courtes avec des passages plus développés, son écriture efficace aux multiples tonalités, très méticuleuse par moments : chaque scène est élaborée de façon à nous capturer dans ses filets. Au passage, je trouve que la couverture est très réussie !

Des procédés subtils pour une intrigue qui se déploie tout en finesse

Le roman se décompose en trois grandes parties dotées de chapitres captivants, chacune correspondant au vécu d’un des personnages principaux : j'ai aimé notamment le fait de découvrir rétroactivement des pans de l'histoire, une technique qui n'est pas évidente à mettre en œuvre au niveau chronologique.

La plongée dans ce microcosme inquiétant mêlant très judicieusement Horreur et Fantastique est un délice. Certains éléments irrationnels vont devenir de plus en plus concrets et compréhensibles au fil des pages, la menace inconnue se précise… On ne se trouve pas dans des lieux spécifiquement étranges mais au milieu d’un quartier urbain ordinairement paisible, et l’une des qualités de ce roman à mes yeux, en plus de de son scénario génial, c’est de faire appel à nos propres anxiétés et au désir de les maîtriser, qui n’est pas loin ici de la libération pulsionnelle.

Une autre caractéristique intrinsèque au récit : des tableaux sanglants, du Gore sans censure, s’affranchissant de certains tabous littéraires, visuellement remuant, en dosage maximal pour certaines scènes ! Comme il est dit communément, mais il est important de le rappeler : attention âmes sensibles s’abstenir… (les autres vous pouvez y aller sans crainte d’être déçues).

Des personnages authentiques

Les personnages sont la proie de leurs propres démons qui permettent au lecteur de s’identifier jusqu’à un certain point, mais ils vont devoir en affronter d’autres, plus féroces, plus extrêmes. Certains héros se découvrent des ressources pour réveiller leur pugnacité, le machiavélisme est souvent de la partie.

Toutes sortes de voix intérieures nous font doublement vivre le stress de cette aventure prenante, on suit donc les pensées des protagonistes en temps réel, et leurs efforts désespérés contre cette épreuve qui met leurs nerfs à vif à bord de cette folie talentueusement contrôlée par l’auteur.

J’ai trouvé les dialogues bien plantés, dynamiques, j’ai adoré certaines réparties humoristiques, et des moments poignants émotionnellement.

En conclusion : j’ai beaucoup d’affection pour ce type de récit et j’ai savouré l’art avec lequel Cédric Murphy décompose les différents ressentis, le côté psychologique est extrêmement bien exploité pour le plus grand plaisir de la lectrice que je suis. Je vais me répéter, mais La nuit derrière la porte est destinée à un public habitué aux thrillers horrifiques car certains passages sont terribles (dans les deux sens du terme).

L’auteur prend tour à tour le pari (réussi) de faire frissonner, d’émouvoir, et –à ce qu’il m’a semblé- de mettre l’accent sur la monstruosité éventuellement tapie en chacun de nous, lorsqu’on se retrouve confronté à des évènements susceptibles de mobiliser toute notre combativité.

C’est avec beaucoup d’enthousiasme que je recommande la lecture de cette œuvre très riche, humainement autant qu’en sensations.