Commentaire de Indrah

Ce livre est l'exemple type de la trilogie qui tourne au désastre. Cass nous montre avec tout le talent dont elle est capable (c'est à dire pas beaucoup) comment créer une trilogie qui aurait pu se condenser en un seul tome.

L'intrigue de l'Élue est d'une platitude navrante. Cass avait commencé à nous titiller avec une possible guerre entre de deux factions renégates, une rébellion du peuple contre l’irascible roi Clarkson, bref, de l'action quoi ! Revenez un peu sur terre les amis ! L'Élue n'offre rien de tout ça. Toute l'histoire s'articule autour des déboires amoureux de l'héroïne avec le prince Maxon, qui s'intéresse de moins en moins à elle, au grand dam de notre America nationale (quoique je le comprends). Rangez donc votre adrénaline au placard, ici la seule chose qui fait monter la tension des personnages est le choix de la robe de bal de l'héroïne. "Mgnnnnh ! Robe bleue ou robe rouge ? Haaan j'hésite, quel dilemme !"

America atteint ici le summum de la nullité. Si dans le premier tome elle était une héroïne franche, droite avec de chouettes idéaux ; l'Élue l'a transformée en une peste capricieuse, indécise et insupportable. Dès le premier chapitre la pauvre perd toute sa crédibilité. On en rigolerait presque si le ton du roman n'étais pas aussi sérieux.

La crédibilité tient, parlons-en ! La narration déjà molle de base se prend complètement les pieds dans le tapis dès qu'il s'agit d’insuffler un minimum d'action dans le texte. Certes America est très douée pour nous décrire en long en large et en travers à quel point les abdominaux du prince Maxon la font fantasmer ; mais dès qu'il s'agit de raconter une course-poursuite dans les ruelles sombres du royaume d'Illeá ça tourne presque à la farce.

De manière générale la narration est beaucoup trop superficielle pour nous permettre de nous immerger un tant soit peu dans le récit. Le tout est très pauvre en descriptions (que ce soit de lieux, de sentiments, ou de personnages) et les événements s'articulent beaucoup trop autour des amourettes et autres problèmes futiles de l'héroïne ("Bouh hou ! Celeste c'est une vilaine pas belle ! Maxon la trouve plus jolie que moi !") pour qu'ils puissent être pris un minimum au sérieux.

Les événements s'enchaînent trop vite et sans aucune logique. Cass ne s'attarde jamais sur ce qui est intéressant (comme la guerre ou la menace rebelle qui plane sur le palais). D'ailleurs le principe de la Sélection perd totalement son charme dans cet ultime tome. Déjà qu'à la base, le féministe tapis au fond de moi trouvait cette idée quelque peu réductrice pour les filles, l'Élue nous gratifie de magnifiques prises de bec entre les sélectionnées pour savoir laquelle trouve Maxon le plus séduisant ou laquelle mérite le plus d'être déflorée par lui. On a presque l'impression d'être dans une basse-cour où les combats de poules se multiplient plus que de raison.

Par ailleurs, l'action est beaucoup trop centrée autour d'America. Je veux bien que l'histoire soit racontée de son point de vue, mais ça n'empêche pas que les autres personnages auraient pu avoir droit à un minimum de background derrière. Si Maxon - en tant que personnages masculin principal - s'en tire plutôt bien (et encore), tous les autres jouissent d'une présence aussi marquante et captivante qu'un rouleau de papier toilette.

Elise est transparente, Kriss fait office de rivale mièvre et clichée presque plus horripilante qu'America (tenante du titre), Aspen est - n'ayons pas peur des mots - carrément inutile. On pourrait même dire que sa présence ne sert qu'à rappeler de temps à autres qu'à la base la série était sensée mettre en scène un triangle amoureux (très discret étant donné la préférence évidente d'America pour Maxon et ce dès le début du tome 1). Celeste relève un peu la barre mais la pauvreté de la narration ne lui rend aucunement justice. Spoiler(cliquez pour révéler)À titre d'exemple, sa mort (au combien tragique) lors de la fusillade finale s'étale sur - tenez vous bien - une ligne. Et le plus drôle c'est qu'America s'en bat littéralement les steaks (alors que Celeste était devenue sa nouvelle meilleure amie pour la vie entre temps). Bien sûr Cass tente de temps à autre de pimenter son histoire avec quelques plot-twists (dont on voit venir la plupart à cinq kilomètres) mais encore une fois le manque de descriptions et la rapidité presque brouillonne avec laquelle elle enchaîne les actions clés ne permettent pas de ressentir pleinement les sentiments sensés être dégagés par ces retournements de situations. C'est limite si le scénario de la Reine des Neiges n'est pas plus travaillé que celui de l'Élue.

Je ne parle même pas de la police d'écriture qui est exagérément grosse afin de permettre au roman de dépasser les trois-cent pages et ainsi donner une illusion de contenu conséquent. Car pour ainsi dire il ne se passe finalement pas grand-chose dans le roman, car les scènes d'action sont très loin d'être en légions on déplore également les scènes d'interaction concrète entre les deux protagonistes (je parle des baisers, disputes ou autres scènes où il se passe quelque-chose, parce que c'est bien mignon les passages où Maxon raconte à Amercia à quel point son papa qu'il est méchant vilain pas beau, ou ceux où les deux compères parlent de la pluie qui tombe, mais on est pas là pour ça, entre vous et moi).

Au final l'Élue a un goût amer d'inachevé. Tout est précipité et bâclé. Des idées qui auraient pu être vraiment bonnes Spoiler(cliquez pour révéler)(comme le retour d'un descendant des Illeá par exemple) sont complètement laissées pour compte et n'ont finalement aucune incidence réelle sur l'histoire. Je ne vois pas pourquoi Kiera Cass s'est donné la peine de mettre sur pied (enfin... façon de parler) toute cette histoire de luttes contre et entre plusieurs factions ennemis du royaume si c'était pour la négliger à ce point. Il faut bien avouer que c'est mortel d'assister à trois-cent pages et quelques d’interrogations philosophiques du genre "est-ce que Maxon préfère les gentilles filles ou bien les pétasses", et on en redemande !

Car malgré moult critiques négatives je ne remet point en cause la capacité du roman à nous rendre complètement addict ! Par ailleurs je suis curieux de lire "The Heir". Je sens que je vais encore me marrer un bon coup.