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Les derniers temps paisibles où l’homme avait eu à combattre seulement les monstres de son âme, les temps de Joyce et de Proust, furent révolus. Dans les romans de Kafka, de Hasek, de Musil, de Broch, le monstre vient de l’extérieur et on l’appelle Histoire ; elle ne ressemble plus au train des aventuriers ; elle est impersonnelle, ingouvernable, incalculable, inintelligible – et personne ne lui échappe. C’est le moment (au lendemain de la guerre de 14) où la pléiade des grands romanciers centre-européens aperçut, toucha, saisit les paradoxes terminaux des Temps modernes
Afficher en entier"Tous les grands thèmes existentiels (...) on été dévoilés, montrés et éclairés par quatre siècles de roman européen. Un par un, le roman a découvert, à sa propre façon, par sa propre logique, les différents aspects de l'existence."
Afficher en entier"Le roman ne découvre pas la réalité mais l'existence. Et l'existence n'est pas ce qui s'est passée, l'existence est le champ des possibilités humaines, tout ce dont l'homme est capable, tout ce qu'il peut devenir."
Afficher en entier"Le roman a une extraordinaire capacité d'intégration (...) le roman est capable d'intégrer et le poésie et la philosophie sans pour autant rien perdre de son identité caractérisée précisément (...) par la capacité à embrasser d'autres genres, à absorber les savoirs philosophiques et scientifiques."
Afficher en entier" Un roman qui ne découvre pas une partie jusqu'alors inconnue de l'existence est immoral."
Afficher en entierPar exemple : les Temps modernes cultivaient le rêve d’une humanité qui, divisée en différentes civilisations séparées, touverait un jour l’unité et, avec elle, la paix éternelle. Aujourd’hui, l’histoire de la planète fait, enfin, un tout indivisible, mais c’est la guerre, ambulante et perpétuelle, qui réalise et assure cette unité de l’humanité depuis longtemps rêvée. L’unité de l’humanité signifie : personne ne peut s’échapper nulle part
Afficher en entierOui, on pourrait le penser. Et il n’y en a pas qu’un, ces paradoxes sont nombreux. Le Brave Soldat Chvéïk est peut-être le dernier grand roman populaire. N’est-il pas étonnant que ce roman comique soit en même temps un roman de guerre dont l’action se déroule dans l’armée et sur le front ? Que s’est-il donc passé avec la guerre et ses horreurs si elles sont devenues sujet à rire ? Chez Homère, chez Tolstoï, la guerre possédait un sens tout à fait intelligible : on se battait pour la belle Hélène ou pour la Russie. Chvéïk et ses compagnons se dirigent vers le front sans savoir pourquoi et, ce qui est encore plus choquant, sans s’y intéresser
Afficher en entierLe chemin du roman se dessine comme une histoire parallèle des Temps modernes. Si je me retourne pour l’embrasser du regard, il m’apparaît étrangement court et clos. N’est-ce pas don Quichotte lui-même qui, après trois siècles de voyage, revient au village déguisé en arpenteur ? Il était parti, jadis, pour choisir ses aventures, et maintenant, dans ce village au-dessous du château, il n’a plus de choix, l’aventure lui est imposée : un misérable contentieux avec l’administration à propos d’une erreur dans son dossier. Après trois siècles, que s’est-il donc passé avec l’aventure, ce premier grand thème du roman ? Est-elle devenue sa propre parodie ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Que le chemin du roman se termine par un paradoxe
Afficher en entierDon Quichotte partit pour un monde qui s’ouvrait largement devant lui. Il pouvait y entrer librement et revenir à la maison quand il le voulait. Les premiers romans européens sont des voyages à travers le monde, qui paraît illimité. Le début de Jacques le Fataliste surprend les deux héros au milieu du chemin ; on ne sait ni d’où ils viennent ni où ils vont. Ils se trouvent dans un temps qui n’a ni commencement ni fin, dans un espace qui ne connaît pas de frontières, au milieu de l’Europe pour laquelle l’avenir ne peut jamais finir
Afficher en entierQue veut dire le grand roman de Cervantes ? Il existe une littérature abondante à ce sujet. Il en est qui prétendent voir dans ce roman la critique rationaliste de l’idéalisme fumeux de don Quichotte. Il en est d’autres qui y voient l’exaltation du même idéalisme. Ces interprétations sont toutes deux erronées parce qu’elles veulent trouver à la base du roman non pas une interrogation mais un parti pris moral
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