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Suspendue entre le monde des vifs et celui des morts, s’étire une mer de souvenirs, un océan de lettres d’affection, toutes les larmes d’un mari séparé de sa famille, la somme des mots tendres qu’un père n’a pu prononcer de son vivant. Attirés par le vacarme des bouteilles qui s’entrechoquent, tel un glas nostalgique, des corbeaux se rassemblent, messagers psychopompes tourbillonnant dans la tourmente.
Afficher en entierIl entend des choses ramper avec l’entrain spongieux d’une escadre de serpillières. Une puanteur marine lui poisse les narines, du mucus lui colle aux lèvres. Sur sa peau glissent les caresses visqueuses d’appendices sans nom. Montant des entrailles de la mine, une horde difforme nage parmi le smog, ombres de saltimbanques regagnant leur poste, mirages malveillants, inéluctables cauchemars d’enfants.
Afficher en entierCar sous les pieds des vivants, les morts rêvent
Afficher en entier- Tu commences demain. Viens pour l'ouverture. Oh, et transmet mes respectueuses salutations à ton père. Dis-lui qu'il a un fils responsable, droit et courageux. Ce qui m'amène incidemment à penser qu'il doit être cocu jusqu'au trognon.
Afficher en entierToujours fut-il qu'au fil des automnes, une mystérieuse "Direction" prit la tête de la foire. Et qu'à compter de son arrivée, le carnaval de la joie devient celui de l'effroi...
Afficher en entier- Tu ne peux pas m'emprisonner, Maman ! J'ai des droits ! Je veux un avocat !
Ludwig s'exprime contre la porte de sa chambre, en pure perte. Julia couvre les cris de son fils en montant le volume de ses écouteurs. Elle fredonne. Même les Droits de l'Homme ne sauraient infléchir la sentence d'une mère.
Afficher en entierJ'aurais pu aimer les enfant, mais je leur préfère les insectes. Enfants ou insectes, j'ai dû choisir entre l'un ou l'autre de ces exquis parasites.
Afficher en entier— Demoiselles et Damoiseaux, gentes Dames et Gentilshommes, la bienvenue à l’Abracadabrantesque carnaval ! Herren Alberich, Frost et Borvganum associés vous offrent une représentation exceptionnelle ! Venez nombreux assister au plus incroyable spectacle des neuf continents ! Approchez, curieuses créatures, auditeurs avides, l’Abracadabrantesque carnaval exaucera tous vos vœux du plus misérable au plus cher, du plus innocent au plus noir. Que désirez-vous ? La gloire ou la fortune, l’amitié ou l’amour ? Pour certains, le pardon ; pour d’autres, l’aventure ? La sagesse, une seconde jeunesse, une dernière chance de corriger de vieilles erreurs ? Nulle demande n’est ridicule, chacune bénéficiera de notre attention méticuleuse ! Nous pouvons tout exaucer, nous manipulons le Destin, le Karma, le Yin et le Yang. Nous sommes les Gens d’automne, souhaitez l’impossible, nous nous chargeons du reste. Ne vous préoccupez pas du prix, concentrons-nous pour l’heure sur l’essentiel… Votre plus ardent désir, quel est-il ?
Afficher en entierGabriel atteint les tréfonds de la déchéance lorsqu'on le charge de curer les cages aux fauves. Il déblaie à la fourche des monticules de paille souillée et de curieux excréments dont les formes et les couleurs étonnent. Sans mentionner les odeurs à lui recroqueviller les poils du nez. Quelle créature a pu pondre ces machin-choses? Pour unique indication, une enseigne pompeuse proclame :
"Reinhard Richter l'Explorateur présente...
le Zoo zinzin du Nibelung"
Le temps du grand nettoyage, les "fauves" ont été relégués dans des cachots de transit, sous des bâches à l'abri des curieux. Faute de les voir, Gabriel les écoute : aux gémissements des animaux déprimés répondent les gargouillis de leurs panses affamées. Pauvres bêtes que ces pingres de circassiens ne daignent nourrir.
Il approche d'une cellule occupée. Une pancarte zoologique indique :
"Grand fétide à barbillons
Abyssorum bestia foetida
Répartition : présent dans le Nibelung, sans doute endémique d'une autre dimension
Population : inconnue
Dentition : aucune (crache ses sucs gastriques sur sa proie)
Appétit : gargantuesque
Caractère : vicelard sans humour
Reproduction : révoltante
Attention : espèce menaçante!"
Afficher en entierTandis que sa mère conduit, Gabriel observe Rabenheim affairé dans les préparatifs.
La tradition de la Totenwoche, ou Semaine des morts remonte, para-it-il, à l'Antiquité. Sept jours durant, les Rabenheimois observent des règles farfelues que l'on trouve listées en lettres gothiques sur des panneaux de bois à l'entrée des maisons ou sur les éventaires des marchands. Trois mises en gardes mystérieuses qui suscitent les railleries des adultes, le respect des anciens et la crainte des chenapans.
1. Un bon feu protège ton logis aux heures froides de la nuit.
2. Nul mal n'adviendra aux corbeaux, hérauts ailés du long repos.
3. Puisse la forêt rêver en paix, ses racines embrassent trop de secrets.
Recommandations qui se traduisent par maints usages charmants. Les échoppes des artisans se remplissent d'objets décorés de corbeaux, suspensions à accrocher au-dessus des berceaux, flûtes en bois et mangeoires à oiseaux. Gabriel songe avec délice aux veillées au coin du feu, à griller des guimauves aromatisées à la fleur d'oranger ou au sureau.
Il suit sa mère au marché de la Totenwoche. À travers les stands en bois, les étals débordent de friandises monstrueuses et de jouets sinistres. Sa mère le gâte malgré l'interdiction paternelle. Les marchands de souvenirs exposent des peintures représentant des danses macabres, où vivants et morts valsent ensemble parmi les tombes au clair de lune.
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