Extrait

C’était là une autre raison d’aimer ma chambre : le rebord de fenêtre attirait les chocards, sans doute parce que celle qui m’avait précédée les nourrissait à l’insu de la direction. Une habitude que j’avais aussitôt reprise avec enthousiasme, interdiction ou non. Il ne s’agissait pas non plus des pigeons de la place Saint-Marc, soi-disant responsables de l’effondrement de Venise parce que leurs fientes attaquent même le marbre – c’étaient sept oiseaux qui ne causaient aucun dommage. À vrai dire, je ne les avais encore jamais vus fienter, c’étaient des volatiles tout ce qu’il y a de plus convenables, qui partaient probablement vers la forêt pour faire leur petite commission. Je les avais tous baptisés Hugo parce qu’au début, je n’arrivais pas à les distinguer avec leur bec jaune, leur plumage brillant d’un noir profond et leurs yeux noirs malins. Depuis, j’avais appris à les différencier et il y avait donc maintenant Hugo le Mélancolique, Hugo l’Incroyablement Vorace (ils étaient tous voraces, mais Hugo l’Incroyablement Vorace était juste… incroyablement vorace), Hugo l’Unijambiste, Hugo le Kleptomane (il m’avait déjà fauché deux petites pinces à cheveux, la capsule d’une bouteille de soda et presque le câble de mon smartphone, mais il était tout de même mon petit préféré), Hugo le Dodu, Hugo le Sautillant et Hugo le Méfiant.