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- Elie ? Elie ? chuchota une voix familière.
Tous ces souvenirs qui refaisaient surface m'avaient littéralement assommée. J'avais l'impression que beaucoup de temps s'était écoulé depuis ma rencontre avec le Loup de Volk.
Pourtant, il n'en était rien. Trois minutes, tout au plus.
Encore hébétée, je réalisai soudain où je me trouvais.
Dans la forêt. En sécurité. Avec Samuel.
J'étais nichée dans ses bras et il me serrait fort contre lui. Il était venu me chercher et m'avait sortie des griffes des Archéis.
Il courait. Il courait vite pour mettre le maximum de distance entre ma prison et nous.
- On y est presque.
Je levai la tête vers lui et murmurai :
- Samuel, je me suis souvenue de toi.
Un grognement d'incompréhension accueillit ma déclaration.
- Je me suis souvenue de toi, répétai-je, émerveillée.
- C'est très aimable de ta part, ronchonna-t-il.
Je gigotai dans ses bras pour me serrer encore plus contre lui, et lui embrasser la poitrine. Il frissonna de plaisir.
- Ne bouge pas, s'il te plaît. Tu vas me déséquilibrer. Et je suis très honoré que tu aies eu une pensée pour moi.
- Sérieusement. J'avais perdu la mémoire, précisai-je. Je ne me souvenais de rien, ni de personne, mais quand je t'ai vu...je t'ai immédiatement reconnu.
Etonné, il baissa les yeux sur moi.
- Tu avais perdu la mémoire ?
Afficher en entierJe ne vis pas sa transformation, mais je la sentis se faire. Son Tigre feula et planta furieusement ses crocs dans mon épaule. Cette douleur supplémentaire balaya ma résistance déjà fragilisée par le choc précédent, et je pus reprendre quelques instants le contrôle de mon corps. Je tournai mon visage vers lui pour me noyer dans son regars de Truqueur. De nouveau humain, il plaça ses mains de chaque coté de ma tête et posa son front contre le mien.
Afficher en entierJ’observai une fois de plus la belle voiture noire à l’aspect inquiétant qui nous filait.
— On va s’en débarrasser, intervint tranquillement Thomas.
— On ne va tuer personne, Thomas, répondit Isis.
— Qui parle de tuer ? Prends le prochain chemin de terre.
Isis négocia si brutalement le tournant à angle droit que ma tête heurta la vitre.
— Pardon, marmonna-t-elle.
Elle roulait maintenant sur le chemin forestier comme seul un vampire peut le faire, c’est à dire à une vitesse démentielle.
— On va le semer à pied, dit Thomas.
— Quoi ? m’écriai-je en me frottant la tête.
Isis sourit dans le rétroviseur à l’intention du petit vampire.
— Détache ta ceinture, on va courir, m’ordonna-t-elle.
Je la regardai interloquée.
— Je vais te porter, évidemment, précisa-t-elle.
Malaise et nausées garantis.
Elle freina violemment.
— Maintenant !
Thomas était déjà dehors alors que je n’avais pas encore détaché ma ceinture de sécurité. Il arracha ma portière, et Isis me saisit le bras. Ma tête heurta le plafond de la voiture et elle me fit basculer sur son dos. La voiture noire arrivait déjà.
— Grouille. Je reste là, dit Thomas.
Je le vis bondir dans un arbre et monter jusqu’à la canopée.
— Accroche-toi ! lança Isis.
Je serrai les jambes autour de sa taille fine et me cramponnai fortement à son cou.
— Ça va ? Je ne t’étrangle pas ?
Elle ricana.
— Pas grave, je ne respire pas. Par contre, je tiens à mes cheveux. Samuel m’a dit que tu ne supportais pas bien la vitesse. Ne vomis pas, c’est tout ce que je te demande.
— Je vais essayer.
Afficher en entierJ'ouvris les battants et inspirai avec gourmandise. Je m'amusai quelques instants à créer de petits nuages de buée en soufflant dans l'air glacial, puis mon regard se perdit dans les arbres entièrement recouverts de blanc. Les bruits étant amortis par la couverture neigeuse, la forêt était presque totalement silencieuse. Je repérai, à la lisière des bois, de nombreuses empreintes d'animaux. Par jeu, je suivis l'une d'entre elles. Et lorsque Je le repérai sous un érable nu, mon cœur manqua un battement et j'en oubliai de respirer. La chape de tristesse qui m'écrasait depuis si longtemps, s'envola brusquement.
Il était là.
Il était revenu.
Son tigre blanc se tenait immobile sous l'érable, ses yeux dorés braqués sur moi.
Afficher en entierLa larme qui s'écrasa sur ma main chassa le souvenir,et me ramena à la réalité.
J'étais seule, debout dans le froid et dans le silence.
Je n'entendrai plus jamais le rire de Samuel.
Je ne le verrai plus jamais jouer dans la neige.
Je ne regarderai plus son Tigre chahuter avec l'Ours de Franck, et croquer à belles dents tous les bonhommes de neige édifiés par Thomas.
Non. Je ne le verrai plus. Je ne l'entendrai plus.
Parce qu'il était mort.
Je ne pouvais feindre davantage.
Il était mort, et je le savais depuis longtemps.
Je m'affaissai lentement dans l'épaisse couverture de neige, ne sentant même plus la morsure du froid, tant ma souffrance intérieure était grande. Il me semblait que mon coeur avait disparu. Qu'il avait déserté mon corps, laissant derrière lui un vide glacial.
Afficher en entierJ'attirai doucement sa tête contre ma poitrine. Et lorsque son agitation reflua, je l'écartai légèrement de moi et encadrai son visage de mes mains. Il me mordilla gentiment les lèvres, et dégrafa mon soutien-gorge d'une seule main.
- Hé! Pas dans la cuisine! Protestai-je.
- Samuel?
Le Tigre retira promptement ses mains.
- Samuel?!
Afficher en entierIl était là.
Il était revenu.
Son Tigre blanc se tenait immobile sous l'érable, ses yeux dorés braqués sur moi.
- Samuel, chuchotai-je d'une voix étranglée. Pourquoi as-tu mis si longtemps ?
Je m'élançai vers la porte de ma chambre. Je dévalai comme une folle l'escalier, me jetai dans le hall, et me précipitai dehors sans même refermer la porte derrière moi. Je fis le tour de la maison en courant, pieds nus, dans la neige. Peu m'importait le vent glacial qui transperçait ma chemise de nuit. Il étais revenu.
Je m'immobilisai, le coeur prêt à exploser de joie.
Je fixai l'érable sous lequel je l'avais aperçu.
Où était-il ?
Je fouillai du regard la totalité de la lisière.
Mais...je l'avais vu !
C'était son Tigre, je le reconnaîtrais entre mille.
Je tournoyai sur moi-même cherchant partout Samuel.
Ce n'étais pas possible.
Je l'avais vu. Là. Sous cet arbre. Il y avait à peine une minute !
Puis brutalement, je compris.
Afficher en entierIl m’avait dévisagée si avidement lorsque Evan nous avait présentés l’un à l’autre que j’en avais été complètement déstabilisée. Je n’avais ouvert la bouche que trois fois depuis qu’il était arrivé, et à chaque fois je m’étais humiliée.
Bégayante, incohérente, je finis par me réfugier dans le silence.
L’ambiance de ce dîner était oppressante.
Pourquoi avais-je peur de lui ?
Je ne le connaissais pas. Je ne l’avais jamais rencontré et il ne m’avait pratiquement pas adressé la parole depuis qu’il était là.
Ma réaction était insensée, inexplicable, et totalement instinctive.
Evan ne s’apercevait de rien, mais notre hôte, lui, était tout à fait conscient des sentiments qu’il provoquait en moi. Il paraissait même s’en délecter.
Je l’observai plus d’une fois à la dérobée, ne trouvant le courage de le faire que lorsque son attention était fixée ailleurs.
C’était un homme à la fois fascinant et repoussant.
Ses cheveux étaient gris acier, alors qu’il devait avoir la trentaine. Ses yeux, également gris, d’une nuance très claire, me glaçaient quand j’avais la malchance de croiser son regard. Il était rasé de près, avait le front haut, le nez droit et la bouche cruelle. Dès que je posais les yeux sur lui, mon imagination travaillait comme celle d’une enfant de cinq ans qui croit fermement en l’existence des monstres. Quand il souriait, comme en cet instant, sa lèvre supérieure se retroussait et dévoilait alors une rangée de dents blanches carnassières et bien alignées.
Sous son costume gris, son corps était mince et musclé. Il avait une voix d’une beauté incroyable, grave, chaude et très attirante, mais il s’exprimait sur un ton froid comme la banquise. Ses intonations coupantes révélaient son manque de coeur et de générosité.
Je m’ébrouai pour chasser le malaise persistant que me causait sa proximité, et ce faisant, j’attirai malencontreusement son attention. Il se tourna vers moi et me sourit tout à coup, d’un sourire qui n’atteignait pas ses yeux, tant son regard était calculateur. Je réprimai un nouveau frisson de répulsion.
Il était tout simplement inhumain.
Je savais, d’instinct, qu’il était mauvais et dangereux.
Il était le mal incarné.
Afficher en entierJ'inspirai fortement l'air frais, et restai sur le balcon quelques minutes. Le vent froid de la nuit me fit du bien et chassa les derniers restes du cauchemar.
Epuisée, je retournai à l'intérieur et me recouchai.
Le leitmotiv revint me bercer.
Je m'appelle Léna Oakes. Léna Oakes. Léna Oakes...
Afficher en entierSamuel me saisit la main.
-Je suis crevé, dit-il à la cantonnade, en bâillant. On se voit demain?
Les sourires entendus qui fleurirent alors sur toutes les lèvres m'horripilèrent.
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