Extraits

En un sens c'est ce que nous méritions. C'est nous qui avons amené la guerre. Nous qui avons changé la Terre. Car nos ne l'avons pas détruite — nous l'avons changée. Nous l'avons rendu si différente qu'il nous est devenu impossible d'y vivre.

— La vérité est que nous sommes plus chez nous ici.

— C'est pourtant nous qui sommes les véritables humains, objecta Trent.

— Non, plus maintenant. La Terre est vivante, elle regorge d'espèces variées qui pullulent en se développant dans toutes les directions. Nous, nous ne sommes qu'une forme de vie parmi d'autres, mais archaïque. Pour rester ici, il nous faudrait rétablir les conditions, l'équilibre d'il y a trois cent cinquante ans. Une entreprise colossale. Et si nous y parvenions, si nous réussissions à nettoyer la Terre, tout cela disparaîtrait.

Tu sais, ce petit jeu a au moins un avantage sur la vente de voitures et des postes de télé. Avec un machin pareil, on est dans l'obligation d'acheter. Ce n'est pas un luxe, un truc qui se voit, qui impressionne les voisins mais qui reste superflu. Si on n'achète pas ceci ou cela, on est mort. Pour vendre, il faut exciter l'angoisse chez le client, c'est bien connu. Faire naître un sentiment d'insécurité... lui raconter qu'il sent mauvais ou qu'il n'a pas l'air normal. Mais comparé à ce qui arrive de nos jours, la vente de déodorants et de cosmétiques devient une plaisanterie. Là, on ne peut pas y échapper. Si tu n'achètes pas, ils te tueront. L'argument de vente idéale ! Achète ou crève — voilà le nouveau slogan. Payez-vous un bel abri anti-bombes H tout neuf de chez General Electronics et enterrez-le dans votre jardin, sinon vous vous ferez massacrer !

— D'après lui, on a vendu toutes les voitures, les machines à laver et les téléviseurs que les gens pouvaient matériellement utiliser. Il dit que, comme les NATS et les abris antibombes ne servent à rien, on n'en aura jamais assez. Que les usines pourront fabriquer éternellement des canons et des masques à gaz, et que les gens continueront à en acheter aussi longtemps qu'ils auront peur de se faire tuer. Qu'on peut en avoir assez de se payer une voiture neuve tous les ans, mais pas arrêter d'acheter des abris pour protéger ses enfants.

Oui, le système devait être préservé. Il se répéta à plusieurs reprises. Il devait le sauver, s'organiser de manière que le peuple se charge lui-même de le défendre. Si le peuple refusait de combattre, tout serait perdu.

Fureur et désespoir l'envahirent. Non, la société organisée ne pouvait pas se protéger elle-même. Ce n'était pas une structure indépendante ; elle ne pouvait être dissociée des individus qui la composaient. En réalité, elle était le peuple ; si ce dernier se battait pour sauvegarder le système, c'était pour son propre sort qu'il luttait, et rien d'autre.

Son existence était étroitement liée à celle du système.

— Vous l'avez dit, ce n'est en réalité qu'une association de volontaires sans la moindre forme d'organisation. Faute de réglementation, d'autorité centrale, ils ne perpétuent pas de société constitué... ils ne peuvent pas gouverner. Seulement s'opposer à tous ceux qui s'y essaient. Des fauteurs de troubles. Toutefois...

— Oui ?

— La situation était la même il y a deux siècles. Ils étaient déjà inorganisés et sans armes. Une énorme populace sans discipline ni consignes. Pourtant, cela ne les a pas empêchés de renverser les gouvernements, et dans le monde entier.

— Ils ont le monde entier. Un milliard d'individus.

— Justement ! Ce ne sont que des individus ! Un club non régi par la loi, exclusivement composé de volontaires. Nous, en revanche, nous disposons d'un système reposant sur la discipline. Tous les aspects de notre organisation économique fonctionnent avec un rendement maximal. Nous avons... enfin, vous avez la haute main sur tout. Il vous suffit de donner un ordre et la machine se met en marche.

— On pourrait peut-être se sortir de cette ratière, suggéra doucement McLean. Vous, moi et tous les autres. Et vivre comme des êtres humains.

— Cette ratière..., répéta tout bas Fowler. Oui, des rats dans un labyrinthe, voilà ce que nous sommes. Des rats qui accomplissent les tours qu'on leur apprend, qui s'acquittent de corvées conçues par autrui. »

McLean capta le regard de Fowler. « Un membre d'une autre espèce. »

Il y avait des années qu'Ackers n'avait plus fait la folie de s'offrir une tasse de café. Depuis que la planète était recouverte d'un tissu industriel et résidentiel continu, on n'avait plus la place de rien faire pousser, et le café avait refusé de "prendre" dans les autres systèmes. Lantano devait posséder en Amérique du Sud une plantation illicite - les ouvriers agricoles croyaient sans doute qu'on les avait transportés sur quelque planète coloniale reculée.

Machination

Vous êtes certaines d'y arriver? chuchota-t-il. Vous allez vraiment me sauver ? Oh ! répondit la Piqueuse, embarrassée. Ce n'est pas ça que je voulais dire. Je parlais de votre espèce... non de vous en tant qu'individu.