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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:09:08+02:00

Je dormis bien cette nuit-là et les suivantes. Le mercredi, je dis à ma mère que j’irais voir, en ville, un nouveau western. Je mis mon plus beau costume et je me rendis rue Moreno. Le trajet en tramway me parut interminable. Au commissariat de police, on me fit d’abord attendre, puis l’un des employés, un dénommé Eald ou Alt, me reçut. Je lui dis que je venais lui parler d’une affaire confidentielle. Il me dit de parler sans crainte. Je lui révélai ce que Ferrari tramait. Je fus étonné de constater que ce nom lui était inconnu ; il n’en alla pas de même quand je lui parlai de Don Eliseo.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:08:58+02:00

Le vieux, qui avait repris sa place près de Ferrari, lui parlait à voix basse. Sans doute méditaient-ils quelque coup. À l’autre bout de la table, je crus entendre prononcer le nom de Weidemann, dont la fabrique de tissus était située aux abords de notre quartier. Au bout d’un moment ils m’ordonnèrent, sans autre explication, d’aller faire le tour des bâtiments et de bien en repérer toutes les issues. Le soir tombait quand je traversai le ruisseau et la voie ferrée. Je me souviens de maisons disséminées, de saules et de terrains vagues. La fabrique était neuve, mais elle offrait un aspect désert et délabré ; son crépi rouge se confond aujourd’hui dans ma mémoire avec les lueurs du couchant. Elle était entourée d’une grille. Outre l’entrée principale, il y avait deux portes par-derrière qui s’ouvraient au sud et qui donnaient directement accès aux locaux.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:08:48+02:00

Ferrari me fit asseoir à sa gauche ; don Eliseo dut se déplacer. J’avais du mal à rassembler mes esprits. Je craignais que Ferrari ne me reprochât comme un manque de gratitude le fait d’avoir tant tardé à me rendre à son invitation. Mais il n’en fut rien ; on parla de femmes, de cartes, de réunions électorales, d’un chanteur qui devait venir et qui ne vint pas, de potins du quartier. Au début, on me regardait de travers ; puis on m’accepta car telle était la volonté de Ferrari. Malgré leurs noms, presque tous italiens, chacun se sentait (et était aux yeux de tous) argentin et même gaucho. L’un était meneur d’attelages, l’autre charretier ; il y avait aussi un tueur des abattoirs. D’avoir affaire aux animaux devait les rapprocher des gens de la campagne. J’imagine qu’ils auraient tous rêvé d’être Juan Moreira. Ils finirent par m’appeler le petit Juif, mais il n’y avait pas de mépris dans ce surnom. Ils m’apprirent à fumer et d’autres choses encore.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:08:36+02:00

Je me suis fait maintenant une situation, j’ai cette librairie que j’aime et dont je lis les livres, j’ai plaisir à nouer des amitiés telle que la nôtre, j’ai une femme et des enfants, j’ai adhéré au parti socialiste, je suis un bon Argentin et un bon Juif. Je suis un homme considéré. Vous me voyez aujourd’hui quasiment chauve ; mais dans ce temps-là j’étais un pauvre petit Juif, aux cheveux roux, vivant dans un quartier de faubourg. Les gens me regardaient avec mépris. Comme tous les jeunes, j’essayais d’être semblable aux autres. Je me faisais appeler Jacques au lieu de Jacob mais il me restait toujours mon nom : Fishbein. Nous ressemblons tous à l’image qu’on se fait de nous. Je sentais que les gens me méprisaient et je me méprisais moi-même. À l’époque, et surtout dans ce milieu-là, il était important d’être courageux ; je savais que je ne l’étais pas. Les femmes m’intimidaient ; j’éprouvais une honte secrète devant ma chasteté craintive. Je n’avais pas d’amis de mon âge.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:08:27+02:00

Je vais vous confier une chose que je n’ai dite à personne. Ana, ma femme, l’ignore tout comme mes amis les plus intimes. Cela s’est produit il y a si longtemps qu’il me semble que la chose est arrivée à quelqu’un d’autre qu’à moi. Mon récit pourra peut-être vous servir pour un conte dans lequel, sans doute, vous introduirez force coups de poignard. Je ne sais pas si j’ai déjà eu l’occasion de vous dire que je suis d’Entre Rios. Je ne dirai pas que nous étions des Juifs gauchos ; il n’y a jamais eu de Juifs gauchos. Nous étions commerçants et cultivateurs. Je suis né à Urdinarraín, lieu dont je ne garde qu’un vague souvenir ; quand mes parents vinrent à Buenos Aires, pour y ouvrir une boutique, j’étais encore très jeune. Quelques pâtés de maisons plus loin c’était le Maldonado, puis des terrains vagues.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:08:21+02:00

L’image que nous nous faisons de la ville est toujours quelque peu anachronique. Le café a dégénéré en bar ; l’entrée qui nous laissait entrevoir les cours intérieures et la treille est maintenant un ennuyeux couloir avec un ascenseur au fond. Des années durant, j’ai cru qu’à une certaine hauteur de la rue Talcamano la librairie Buenos Aires attendait ma visite ; je constatai un beau matin qu’elle avait été remplacée par une boutique d’antiquités et l’on me dit que don Santiago Fishbein, le libraire, était mort. Il était plutôt obèse ; je me souviens moins de ses traits que de nos longs bavardages. Sûr de lui et bien tranquille son idée fixe était de condamner le sionisme qui, d’après lui, ferait du Juif un homme ordinaire, dépendant, comme tout autre individu, d’une seule tradition et d’un seul pays sans les complexités et les dissensions qui, de nos jours, l’enrichissent. Il était en train de composer, m’avait-il dit, une grosse anthologie de l’œuvre de Baruch Spinoza, allégée de tout cet appareil euclidien qui en rend la lecture difficile et qui donne à son étrange système une rigueur illusoire. Il m’avait montré, sans vouloir me le vendre, un curieux exemplaire de la Kabbala denudata de Rosenroth, mais j’ai dans ma bibliothèque quelques livres de Ginsburg et de Waite qui viennent de chez lui.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:08:12+02:00

À Turdera, les Nilsen, qui s’étaient perdus dans l’imbroglio (qui était aussi une routine) de cet amour monstrueux, voulurent renouer avec leur ancienne vie d’hommes vivant entre hommes. Ils recommencèrent à jouer aux cartes, à assister aux combats de coqs, et ils reprirent, à l’occasion, leurs fredaines. Peut-être crurent-ils, à un moment donné, qu’ils étaient sauvés, mais ils prenaient l’habitude de s’absenter chacun de son côté de façon inexplicable, ou plutôt qui n’était que trop explicable. Un peu avant la fin de l’année, le cadet dit qu’il avait à faire dans la capitale. Cristián alla à Morón ; attaché à la barrière de la maison close il reconnut, à ce qu’on dit, le cheval aubère d’Eduardo. Il entra ; l’autre était là, attendant son tour. Il paraît que Cristián lui aurait dit :

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:08:04+02:00

À dater de cette nuit-là, ils se la partagèrent. Personne ne connaîtra les détails de ce sordide ménage à trois, qui scandalisait le quartier. Tout marcha bien pendant quelques semaines, mais cet arrangement ne pouvait durer. Entre eux, les deux frères ne prononçaient jamais le nom de Juliana, même pour l’appeler, mais ils cherchaient, et trouvaient, des raisons de se quereller.

Ils se disputaient au sujet de la vente de certaines peaux de bêtes, mais leur dispute venait d’ailleurs. Cristián haussait la voix et Eduardo se taisait. À leur insu, ils se jalousaient. Dans ce faubourg sauvage où l’on n’avait jamais entendu un homme dire – l’idée n’en serait venue à personne – qu’il se souciait d’une femme autrement que pour la désirer et la posséder, les deux frères étaient bel et bien amoureux. Et ceci, en quelque sorte, les humiliait.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:07:55+02:00

Les Nilsen étaient coureurs, mais leurs aventures amoureuses avaient été jusqu’alors de celles qui se passent sous un portail ou dans une maison close. Les commentaires allèrent donc bon train quand Cristián amena chez eux Juliana Burgos. Il est vrai qu’il y gagnait une servante, mais il est non moins vrai qu’il la comblait d’affreux bijoux de pacotille et qu’il l’exhibait dans les bals. Dans ces pauvres bals de quartier, où certaines figures du tango étaient interdites et où l’on dansait encore dans des salles bien éclairées. Juliana avait le teint mat et les yeux en amande ; il suffisait qu’on la regardât pour qu’elle sourît. Dans un quartier modeste, où le travail et le manque de soins abîment les femmes, elle passait pour jolie.

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Extrait ajouté par ilovelire 2017-08-06T22:07:48+02:00

On dit (mais c’est peu probable) que cette histoire fut racontée par Eduardo, le cadet des Nelson, à la veillée funèbre de Cristián, l’aîné, qui mourut de mort naturelle, vers les années 1890, dans la commune de Morón. Ce qui est certain c’est que quelqu’un l’entendit raconter par quelqu’un, au cours de cette longue nuit dont le souvenir s’estompe, tandis que circulait le maté, et que ce quelqu’un la répéta à Santiago Dabove, de qui je la tiens. Quelques années plus tard, on me la raconta de nouveau à Turdera, l’endroit même où elle s’était passée. La deuxième version, un peu plus circonstanciée, confirmait en gros celle de Santiago, avec les petites variantes et les contradictions inévitables en pareil cas. Je la transcris aujourd’hui parce qu’elle nous donne, me semble-t-il, un bref et tragique reflet de ce qu’était autrefois, dans nos campagnes, la mentalité des gens du peuple. J’essaierai d’être aussi fidèle que possible, mais je sens déjà que je céderai à la tentation littéraire d’amplifier ou d’ajouter certains détails.

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