Extraits

Erich avait fait lire à Nevart l'article qu'une revue suisse avait consacré au coup de colère de Churchill. Elle était restée longtemps silencieuse avant de murmurer, d'une voix rauque :

"L'histoire se répète. Nous aussi, en 1915, nous nous sommes retrouvés, seuls, impuissants, face à nos ennemis".

Elle avait peur. Elle se demandait combien de temps encore ils pourraient vivre en paix au pied de leur montagne.

Il ne pouvait mieux lui faire comprendre qu’elle n’était pas une intellectuelle. Elle en souffrait, sans parvenir à discuter avec Erich qui menait de front des travaux manuels – vendanges, cueillette des abricots, des olives, bûcheronnage – et ses activités de traducteur et de journaliste pour des revues antinazies.

On ne déracine pas les vieux arbres... Je suis beaucoup trop vieux pour changer mes habitudes, désormais

Là où l’on brûle des livres, on finira par brûler des hommes.

Le cérémonial à la fois pompeux et barbare que le nouveau pouvoir en place voulait conférer à ces autodafés montrait bien sa volonté de mater les intellectuels. La liberté n’avait plus droit de cité en Allemagne.

Le Juif peut seulement penser juif. S’il écrit allemand, il ment. L’Allemand qui écrit allemand et pense non allemand est un traître.

Il existe dans la plupart des maisons où sont reçus les aliénés des dénominations humiliantes […]. Je voudrais qu’on donnât à ces établissements un nom spécifique qui n’offrît à l’esprit aucune idée pénible, je voudrais qu’on les nommât asiles, un mot grec signifiant refuge.

Ce qui se passe actuellement en Allemagne m’inquiète beaucoup pour l’avenir. Un certain Adolf Hitler exploite le désir de revanche et l’amertume de ses compatriotes. Il promet du pain et du travail à tous ceux qui sont à la recherche d’un emploi. Or bien peu de personnes ont lu Mein Kampf, un ouvrage dans lequel il prévoit la réunification à l’Allemagne de l’Autriche et des minorités tchèques et polonaises, remet en cause le traité de Versailles et considère la France comme « inexorable et mortelle ennemie du peuple allemand », tout en énonçant des thèses inacceptables à propos des peuples qu’il appelle « inférieurs ».

On ne se défait pas aussi aisément des vieilles habitudes.

Respirer, c’était se griser de l’odeur à la fois entêtante et douce de la lavande. Recevoir en plein cœur l’offrande de cette houle bleu-violet qui frissonnait sous le vent d’été. Admirer, jouir du spectacle avant d’attaquer la première rangée, c’était comme un rêve longuement caressé.