Extraits

Je suis libre, vois-tu, cela vaut toutes les familles du monde.

Et ils parlèrent.

Beaucoup.

Du projet d’Estéblan mais aussi de leurs vies respectives, de leurs goûts et de leurs envies, de leurs certitudes et de leurs rêves. Chacun d’eux prit conscience des différences de l’autre mais aussi de sa richesse et de sa force.

– Tu crois qu’ils ont chassé ensemble ? s’étonna Estéblan.

– Ce serait bien la première fois qu’un autour et une effraie auraient pactisé. L’un diurne, l’autre nocturne, ils ne sont même pas censés se rencontrer. Un peu comme nous en fait…

– Ils s’entendent pourtant bien, tu ne trouves pas ?

[…]

– Ils ne se débrouillent pas mal, en effet. Je suppose que lorsqu’ils arriveront à se comprendre et à s’accepter, ce sera encore mieux.

Parlait-elle des oiseaux ou… ?

Elle faisait demi-tour lorsqu'un rapace surgit d'une ouverture. Ailes déployées, sa longue queue lui assurant une stabilité remarquable, il plana jusqu'au jeune écuyer et se posa sur son épaule. Plume se figea.

Un autour !

De belle taille, son ventre barré de brun sombre, il pencha la tête pour accepter une caresse prodiguée machinalement, avant de braquer son regard jaune sur la salle des banquets et les hommes qui s'y affairaient. Un oiseau magnifique.

Plume poussa un soupir rageur. Impossible d'abandonner le maître d'un tel animal !

Convaincue qu'elle se comportait comme la dernière des imbéciles, elle se coula dans la galerie.

- Tu l’as volée ?

L’indignation faisait tout à coup vibrer sa voix et il repoussa du plat de la main les restes du poulet et le quignon de pain survivant. Le sourire de Plume disparut.

- Les états d’âmes sont plus faciles quand on a le ventre plein, n’est-ce-pas ?

- Que veux-tu dire ?

- Simplement que chez certains les convictions morales ne se font entendre que lorsque l’estomac se tait. Ce n’est pas une attitude que j’apprécie. Un peu trop lâche à mon goût.

Estéblan devint écarlate.

- Je... je...

Bien dit ! C’est également ce que je pense.

« Les auteurs sont les passeurs, leurs livres les portes qu’ils nous proposent de franchir. » Pierre Bottero

Il se tut mais ses yeux continuèrent de parler.

Promesse silencieuse.

Solennelle.

Estéblan cogita cette réponse un moment avant de reprendre la parole.

- On m'a toujours enseigné que la voie du voleur, à l'opposé de celle du Chevalier, était mauvaise et sans honneur. Méprisable. Pourtant je te dois la vie. Je ne sais plus trop où j'en suis mais je te remercie. Je te suis redevable et je ne l'oublierai jamais.

Un bruit caractéristique la tira de ses réflexions. Un bruit totalement incongru dans un palais. Un bruit provenant justement de la salle des banquets.

Un bruit de combat.