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Les dieux, ils aiment pas ces trucs-là. On y a droit des fois ici, quand y en a un qu'a un coup dans l'nez. Des spéculations cosmiques pour savoir si les dieux, ils existent vraiment. Aussi sec, y a un éclair qui passe à travers le toit avec un p'tit mot enroulé autour - "Oui, on existe" - et on retrouve plus du spéculateur qu'une paire de sandales d'où sort de la fumée.
Afficher en entierUne poignée, cependant, connaissent des destins un peu plus glorieux. N’importe quoi peut favoriser de tels destins. Un berger à la recherche d’un agneau égaré le retrouve au milieu des ronces et consacre une minute ou deux à édifier un petit cairn de pierres pour remercier à tout hasard les éventuels esprits qui habiteraient le coin. Ou un arbre à la forme particulière qu’on associe à un remède contre une maladie. Ou quelqu’un grave une spirale sur une pierre isolée. Car ce dont les dieux ont besoin, c’est de foi, et ce que veulent les hommes, ce sont des dieux
Afficher en entierLa foudre frappa le grand mât. Un cri s’éleva dans les ténèbres lorsqu’une masse de voile déchirée et de gréement s’écrasa sur le pont.
Le capitaine nagea autant qu’il grimpa en haut de l’échelle menant au gouvernail où le timonier n’était qu’une ombre dans les embruns et la lueur fantomatique de la tempête.
« On ne s’en sortira jamais vivants !
— EXACT.
— Va falloir abandonner le navire !
— NON. NOUS L’EMMENONS AVEC NOUS. C’EST UN BON BATEAU. »
Le capitaine y regarda de plus près dans l’obscurité.
« C’est toi, Bosco Coplei ?
— VOUS VOULEZ ENCORE ESSAYER DE DEVINER ? »
Afficher en entierPRENONS l’aigle et la tortue.
La tortue dite terrestre – puisqu’il en existe une espèce marine – vit sur terre, comme son nom l’indique. Impossible de vivre plus près de la terre sans passer dessous. Son horizon ne s’étend guère au-delà de quelques pas. Sa vitesse de pointe excède tout juste celle nécessaire pour prendre une laitue en chasse. Pendant que le reste de l’évolution la dépassait, elle a survécu en n’étant dans l’ensemble dangereuse pour personne et consommable qu’au prix de mille peines.
L’aigle, maintenant. Un animal aérien, un animal des cimes, dont l’horizon s’étend jusqu’au bord du monde. Une vue assez perçante pour repérer à un kilomètre le frémissement d’une petite bête couinante. La puissance et la maîtrise incarnées. La mort instantanée sur ailes. Assez de serres et de griffes pour faire son repas de tout ce qui est plus petit et prendre au moins un morceau sur le pouce de tout ce qui est plus gros.
Pourtant l’aigle reste de faction des heures durant sur son pic à surveiller les royaumes du monde jusqu’à ce qu’il surprenne un mouvement au loin. Il accommode alors, fait un point de plus en plus précis sur la petite carapace qui bringuebale là-bas parmi les broussailles du désert. Et s’élance…
Une minute plus tard, la tortue voit le monde s’enfuir sous elle. Un monde qu’elle contemple pour la première fois d’une altitude qui ne se compte plus en centimètres mais en centaines de mètres ; et elle se dit : L’aigle, quand même, ça, c’est un ami.
Et alors l’aigle la laisse tomber.
Et presque toujours la tortue exécute un plongeon mortel. Tout le monde sait pourquoi. La gravité est une habitude dont on a du mal à se débarrasser. En revanche, nul ne sait pourquoi l’aigle agit ainsi. C’est bon à manger, la tortue, mais vu les efforts déployés, on fait un meilleur repas avec à peu près n’importe quoi d’autre. C’est tout bonnement la grande joie des aigles de tourmenter les tortues.
Mais évidemment, ce dont l’aigle ne se doute pas, c’est qu’il participe à une forme très rudimentaire de la sélection naturelle.
Un jour, une tortue va apprendre à voler.
Afficher en entierLaisse tomber la philosophie. Quand on commence à imaginer des trucs pareils, on peut finir par se prendre pour un papillon en train de rêver qu'il est un bulot ou quelque chose dans ce goût-là.
Afficher en entierTu lui as parlé dans le désert, expliqua Frangin. Tu te rappelles sûrement. Un mètre quatre-vingts? Une très longue barbe? Un bourdon immense? Et la lueur des saintes cornes lui sortant de la tête? Il hésita. Mais il avait vu les statues et les saintes icônes. Elles ne pouvaient pas se tromper.
"Jamais vu personne de ce signalement, fit le petit dieu Om.
Afficher en entierLes dieux n'ont personne à qui adresser des prières.
Afficher en entierLe temps est une drogue. A haute dose, il tue.
Afficher en entierLa gravité est une habitude dont on a du mal à se débarrasser.
Afficher en entierFrangin grandit donc dans la certitude de la présence du grand dieu Om. Il grandit en sachant que les yeux divins l’observaient en permanence, surtout dans des lieux comme les cabinets, que des démons l’assaillaient de tous côtés et que seuls les tenaient à distance la force de sa foi et le poids de la canne de grand-mère rangée derrière la porte dans les rares occasions où elle ne servait pas. Il pouvait réciter chaque verset des sept Livres des prophètes et tous les Préceptes sans exception. Il connaissait toutes les lois et tous les cantiques. Surtout les lois.
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