Extraits

Un léger coup frappé à la porte lui annonça que le service de chambre était arrivé avec la salade de poulet et le thé glacé qu’elle avait commandés.

Mais tandis qu’elle grignotait sa salade et buvait son thé, Claire se rendit compte qu’elle n’était pas aussi brave qu’elle l’avait cru.

Son instinct lui soufflait de ne pas mettre son plan à exécution.

C’est de la nervosité, se dit-elle, cherchant à se rassurer. Uniquement de la nervosité.

Mais c’était davantage.

Dans sa tête, une voix scandait : Ne fais pas ça. Ne fais pas ça. Ça ne vaut pas le coup !

Aujourd’hui l’équipe de télévision était à l’étage, dans la chambre de Betsy.

Je veux dire la chambre de Mme Powell, rectifia Jane en elle-même avec un sourire narquois. Betsy était devenue « Mme Powell » le jour où elle-même avait été engagée comme gouvernante, vingt-neuf ans plus tôt.

« M. Powell est très traditionnel, Jane, lui avait-elle dit. Il ne voit pas d’inconvénient à ce que je te fasse venir ici, mais il préfère que tu t’adresses à moi en ces termes. »

Apparaître à l’écran pour parler de cette nuit-là, s’adresser à une audience nationale ? George sentit ses paumes devenir moites sur le volant.

Une boule dans la gorge, il parvint cependant à répondre d’une voix calme et amicale : « Rob, je t’ai dit il y a une minute que quelle que soit la faveur demandée, la réponse était oui. C’était vrai quand je l’ai dit, et c’est vrai maintenant.

– Merci. Ce n’était pas facile pour moi de te le demander, et je présume que c’est difficile pour toi d’accepter. »

Un clic sec interrompit la connexion. George Curtis était baigné de sueur à présent. Rob Powell lui tendait-il un piège ? se demanda-t-il, saisi d’effroi.

Un jardinier était en train de tailler la bordure de la pelouse avec une paire de cisailles.

Le regard de Powell revint à Laurie. « Excusez-moi, dit-il. Je n’aime pas que l’on travaille si tard. J’ai clairement dit que je voulais que les travaux sur la propriété soient terminés à midi. Si j’ai des invités, je ne veux pas avoir de gros camions qui encombrent l’allée. »

Au-dehors, Yeux Bleus vit que Powell le regardait. Il finit de tailler la dernière bordure sans lever la tête et rapporta rapidement ses outils au camion. C’était son premier jour de travail pour Parcs et Jardins. Si Powell râlait parce qu’il était resté trop tard, Yeux Bleus dirait à son nouveau patron qu’il avait fait des heures supplémentaires pour faire bonne impression

Qu’éprouverons-nous en nous revoyant, en nous retrouvant sous le même toit ? Nous étions jeunes alors, tellement choquées et effrayées quand on a découvert le corps de Betsy. Et la manière dont la police nous a interrogées, ensemble, puis sépa rément. C’est un miracle que l’une de nous ne se soit pas effondrée, et n’ait pas déclaré l’avoir étouffée, tant ils nous harcelaient. Nous savons qu’il y avait quelqu’un à l’intérieur de la maison. Laquelle de vous a fait le coup ? Si ce n’est pas vous, peut-être est-ce l’une de vos amies. Défendez-vous. Dites-nous ce que vous savez.

Son bureau, un ancien garage aménagé, avait autrefois fait partie d’une résidence privée donnant sur la rue principale de St. Augustine. Le marché immobilier, un temps déprimé, s’était redressé, mais pas suffisamment pour que Regina arrive à joindre les deux bouts. Elle appuya ses coudes sur son bureau et pressa son front entre ses doigts. Quelques fines mèches bouclées lui rappelèrent que ses cheveux noirs poussaient avec leur habituelle et ennuyeuse rapidité. Sa coupe avait besoin d’être rafraîchie. Le fait que la coiffeuse soit un vrai moulin à paroles l’avait retenue de prendre rendez-vous – ça et le prix.

Agacée contre elle-même, elle se reprocha son impatience. Et alors, se dit-elle, quelle importance si pendant vingt minutes Lena jacasse comme une pie ? Elle est la seule à savoir discipliner cette crinière et lui donner un aspect décent.

Elle portait un blouson bleu clair qu’elle venait d’acheter parce qu’il portait le nom THE BREAKERS inscrit sur la poche de poitrine. Elle avait toujours rêvé de passer ce long week-end ici. Ses cheveux courts d’un blond clair encadraient un visage à demi caché par d’énormes lunettes de soleil. Elle s’abritait la plupart du temps derrière elles, dévoilant rarement ses traits ravissants et l’apparente sérénité qu’elle avait mis des années à acquérir. En fait, un observateur attentif aurait vite décelé que cette expression reflétait la résignation plutôt que la tranquillité d’esprit. Son corps mince avait une apparence fragile, suggérant qu’elle avait été récemment malade. Le même observateur aurait pu imaginer qu’elle n’avait guère plus de trente-cinq ans. Dans ce cas, il aurait été dans l’erreur. Elle en avait quarante-deux.

Rob sourit en se rappelant qu’en deuxième année il avait acheté un manuel de bonnes manières, un service de table d’occasion et s’était entraîné à l’usage d’instruments aussi peu familiers que des couverts à poisson, jusqu’à acquérir une aisance parfaite. Après sa remise de diplôme, un stage chez Merrill Lynch avait lancé sa carrière dans le monde de la finance. Aujourd’hui, malgré quelques années difficiles en cours de route, les fonds d’investissement R.N. Powell étaient considérés parmi les meilleurs et les plus sûrs de Wall Street.

Une voiture de patrouille ralentit à leur hauteur. Le policier assis à la place du passager salua Leo.

« J’aime bien les voir passer, grand-père, déclara Timmy. Ça me rassure », ajouta-t-il tout naturellement.

Sois attentif, s’enjoignit Leo. J’ai toujours dit à Timmy que si je n’étais pas dans les parages et que lui ou ses amis avaient un problème, ils devaient courir trouver un policier et lui demander de l’aide. Instinctivement, il serra plus fort le poignet de Timmy.

Inutile d’être un génie pour tondre une pelouse, tailler des haies et des buissons ou pour planter des fleurs aux endroits désignés par le boss.