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En ce lundi de printemps, à 4 h du matin, le lac Léman était invisible, noyé dans une brume d’une rare épaisseur. Certain qu’elle ne tarderait pas à se dissiper, sous l’effet de la bise naissante, Félix avait bravé les éléments pour faire au mieux le métier qu’il adorait : pêcheur. Et sa plus belle prise, destinée à de grands restaurants et à des amateurs éclairés, serait l’omble chevalier, à la chair d’une finesse exceptionnelle ; un petit nombre de professionnels suisses étaient autorisés à le prélever, et la sévérité des contrôles incitait au respect des règles.
Afficher en entierNaviguer était un plaisir inépuisable ; au gré de ses sorties, Félix ne cessait de découvrir les secrets du Léman, le seul nom à employer, en excluant l’insupportable appellation « lac de Genève » qu’osaient encore utiliser les habitants d’un canton voisin, proche de la France. Il l’aimait à toutes les saisons et à toutes les heures, ne craignait ni les rigueurs de l’hiver ni les chaleurs de l’été ; fatigues et douleurs s’effaçaient quand son bateau s’élançait sur les ondes, agitées en cette fin de nuit.
Optimiste invétéré, Félix ne s’attendait pas à l’opiniâtreté d’un brouillard opaque ; et l’irruption d’une petite barque, à bâbord, le prit au dépourvu. Malgré une manœuvre désespérée, il ne parvint pas à éviter le choc.
Par bonheur, pas de naufrage ! Victime d’un fort courant, Félix dériva en direction de l’île de Peilz, la dernière du Léman, d’une superficie de quarante mètres carrés, que dévorait un platane. Face aux localités de Villeneuve et de Noville, l’arbre carnassier semblait planté dans l’eau.
Une forte rafale déchira enfin la brume.
La vision qu’elle offrit à Félix n’avait rien d’idyllique ; coincé par une branche et des roches, un cadavre clapotait.
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