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Le sentiment que j’avais éprouvé au beach bar me reprit, décuplé. Le monde m’appartenait. J’étais jeune, j’étais belle, j’étais insouciante et entourée de gens que j’aimais et qui me le rendaient bien. L’espace d’un instant, je me sentis furieusement heureuse d’être en vie.
Afficher en entierLa vie réservait parfois de drôles de surprises. Cadet d’une fratrie de dix gosses nés d’une mère sans le sou dans une cité de South Boston, il n’avait jamais, au grand jamais, voulu d’enfant. Pour être franc, il trouvait entière satisfaction dans le mariage. Il ne voyait rien de plus gratifiant, amusant et rangé que d’avoir une femme monogame et fidèle dans sa vie.
Afficher en entierÀ mes yeux, aucun cadeau ne valait le recueil loqueteux de poèmes anglais du XVIIe siècle que j’avais retrouvé un jour devant ma porte. Le soir, couchée dans mon petit lit, je me plongeais dans les œuvres de Herrick et de Marvell et redécouvrais les raisons qui m’avaient poussée à étudier la littérature. Pétales de rose et chariots ailés, jeunesse et beauté éternelles…
Afficher en entierEt moi qui pensais être entrée dans le monde des adultes le jour où j’avais perdu mon père ! J’étais bien loin du compte. Assise devant le portrait qui prouvait les mensonges de mon mari, je sentis mon cœur céder et mon cerveau prendre la relève. Je considérai mon alliance et ma bague de fiançailles avec des tremblements. Je devais cesser de faire l’autruche, sortir de ce fichu rêve. Nier n’était plus possible. Les images ne trompaient pas. Les faits non plus.
Afficher en entierPeter était un homme, un vrai, de ceux qui relèvent tous les défis que leur lance la vie, avec un enthousiasme proportionnel à la difficulté de l’obstacle, convaincus que rien ne réussira mieux à faire d’eux des hommes.
Comme j’aimais mon saint Peter ! Je l’aimais plus qu’un ami, plus qu’un amant : je l’aimais comme un héros. S’il n’avait pas existé, j’aurais dû l’inventer.
Afficher en entierUn jour, j’ai vu une vidéo du tsunami de 2004 dans l’océan Indien. Sur ces images filmées dans un centre de vacances du littoral sri lankais, des touristes curieux gagnent tranquillement la plage pour observer l’étrange retrait de l’océan.
Lorsque l’on regarde cette scène, que l’on sait que la vague mortelle est déjà en route pour les tuer, rien ne trouble davantage que leur innocence totale, l’impression de sécurité qui les habite alors même qu’ils vivent leurs derniers instants sous l’œil de la caméra.
J’éprouve le même malaise chaque fois que je repense aux événements qui suivirent. Je me crois encore en sécurité. Mais je me trompe.
Plusieurs heures plus tard, les cocktails gélatineux avaient produit leur effet. Et quel effet ! À 19 h 30, nous nous serrions comme des sardines sur Mallory Square pour la beuverie en plein air qui fait la réputation de Key West dans le monde entier : la célébration du coucher de soleil. Tandis que l’or des derniers rayons déclinants de nos vacances nous chauffait les épaules, la bière fraîche giclait de toutes parts, collant nos pieds à nos tongs. Avec Cathy et Maureen, à ma droite, et Alex et son coéquipier linebacker, Mike, à ma gauche, nous nous tenions par la taille en chantant « Could You be Loved » avec autant d’enthousiasme que Bob.
Je dansais sous mon chapeau mou à bord flottant devant le groupe de reggae, en haut de bikini et short de coton, ronde comme une barrique. Et je riais comme une hystérique en pressant mon front contre celui de mes amis. Le sentiment que j’avais éprouvé au beach bar me reprit, décuplé. Le monde m’appartenait. J’étais jeune, j’étais belle, j’étais insouciante et entourée de gens que j’aimais et qui me le rendaient bien. L’espace d’un instant, je me sentis furieusement heureuse d’être en vie. Une fraction de seconde. Puis l’impression disparut.
Lorsque je rouvris les yeux, la pendule de notre chambre d’hôtel à petit budget indiquait 2 h 23. La première information que mon cerveau enregistra lorsque je me retournai dans la pièce exiguë et sombre fut l’absence d’Alex. Je fouillai rapidement mes derniers souvenirs. Je me rappelais une boîte de nuit où nous nous étions rendus après le coucher du soleil, de la musique techno à fond, Alex coiffé d’un chapeau de cow-boy en paille déniché je ne sais où, Alex en train de se trémousser sur « Vogue » de Madonna.
C’était à peu près tout. Les heures qui avaient suivi, tout comme mon retour à l’hôtel, se fondaient dans un brouillard éthylique impénétrable, demeurant un mystère absolu.
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