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Extrait

Extrait ajouté par Underworld 2019-12-10T17:42:34+01:00

** Extrait offert par Kinley MacGregor **

1

— Tout ce qu’une femme a besoin de savoir sur les hommes, c’est qu’ils sont esclaves de leur braguette. Prenez-les par les braies, et ils vous mangeront dans la main car, quand leur membre viril se réveille, leur cerveau cesse de fonctionner.

Assise sur le lit près de sa sœur Joanne, Emily s’efforçait de ne pas sourire pour ne pas offenser Alys. Elle pressa un poing contre sa bouche pour contenir son hilarité.

Puis elle commit l’erreur de croiser le regard de sa sœur, et elles éclatèrent de rire.

Comment faire autrement ? Surtout lorsque l’image qui lui venait à l’esprit était la braguette exagérément volumineuse qu’arborait le promis de Joanne. Niles paradait tel le dieu Priape dans une fête de la virginité.

Alys, leur servante, n’apprécia guère leur amusement. Emily s’éclaircit la gorge et s’efforça d’afficher un air sérieux.

Les mains sur les hanches, Alys toisa les deux sœurs. Avec son mètre cinquante, elle n’était guère impressionnante. Toutefois, Joanne et Emily lui ayant demandé des explications, le moins qu’elles pussent faire était de l’écouter sans glousser comme deux dindes.

— Je croyais que vous vouliez vraiment savoir, grogna Alys.

— Pardonne-nous, s’excusa Emily en croisant sagement les mains sur les genoux. Nous sommes tout ouïe.

De fait, elles n’avaient guère le choix, car elles s’étaient mis en tête de trouver un mari à Emily. Or, ni l’une ni l’autre ne savait comment séduire un homme pour qu’il demande votre main. Alys était la seule femme au château à qui elles pouvaient demander conseil. Toutes les autres seraient allées le répéter aussitôt à leur père.

Heureusement, elles pouvaient toujours compter sur leur loyale servante, une jeune femme truculente et aisément corruptible.

Alys balança sa natte noire par-dessus son épaule et reprit :

— Comme peut en témoigner lady Joanne, séduire un homme est relativement facile. Le plus dur, c’est de le garder.

Le teint de Joanne vira au rouge vif.

— Je n’ai fait qu’entrer dans la pièce, se défendit-elle. C’est Niles qui m’a séduite.

Alys leva une main d’un air victorieux et poursuivit :

— Comme je le disais, séduire est…
— Et s’il ne veut pas être séduit ? l’interrompit Emily.

Alys laissa retomber ses bras. Bien qu’elle eût deux ans de moins qu’Emily, elle avait fréquenté toutes sortes d’hommes et était considérée par les jeunes femmes du comté comme une experte en la matière.

— Milady, dit-elle avec patience, ma fleur a été cueillie alors que j’étais à peine pubère. Je peux vous garantir une chose : tous les hommes sont libidineux. La seule raison pour laquelle vous n’avez pas encore eu besoin de les repousser, c’est l’épée de votre père.

Emily ne pouvait la contredire. Leur père surveillait ses filles comme si elles étaient ses faucons les plus précieux. Aucun homme n’osait les regarder de peur de s’attirer ses foudres. Et si l’un d’eux s’aventurait à les toucher…

Elle s’étonnait que Niles ait encore quelque chose dans la braguette.

Il lui vint une autre idée.

— Et si je le veux et qu’il en veut une autre ?

Alys poussa un profond soupir.

— Lady Emily, vous parlez toujours avec des « si », des « et » et des « mais ». Admettons que le monsieur ait des intérêts ailleurs, il vous suffit de rester en sa présence, de sourire, de montrer un peu de cheville, de…

— Montrer ma cheville ! s’exclama Emily. Je serais mortifiée.

— Mieux vaut être mortifiée que vieille fille.

Alys n’avait pas tort. Emily commençait à désespérer. Son père refusait d’entendre raison et, si elle voulait trouver un mari, elle avait intérêt à prendre les choses en main.

— Un peu de cheville, convint-elle en rougissant légèrement. Quoi d’autre ?

— Toujours le faire patienter. L’attente vous rendra encore plus désirable à ses yeux.

Emily hocha la tête.

Joanne croisa les bras sur sa poitrine et demanda :

— Passons à la question suivante : où trouve-t-on cet homme ?

Emily poussa un soupir de frustration.

— En effet, dit-elle, c’est le point crucial du problème : comment convaincre un homme de m’épouser alors qu’il n’y en a aucun de désirable dans les parages ?

Alys lui répondit avec un léger sourire :

— Ma mère disait toujours : « Tu trouveras ta rose là où et quand tu t’y attendras le moins. »

 

Plus tard dans la journée, Emily quitta les cuisines et reprit la direction du donjon. Elle n’avait pas fait deux pas que sa route fut barrée par Théodore, le cousin du fiancé de sa sœur et l’homme que Joanne et elle surnommaient en secret « le démon sorti de la fosse la plus pestilentielle de l’enfer ».

Elles avaient dû l’invoquer sans le vouloir avec leur discussion plus tôt dans la matinée, car Niles et Théodore étaient apparus sur le seuil à peine la leçon d’Alys terminée.

Niles, un grand gaillard un peu ours, avait entraîné sans ménagement Joanne dans un pique-nique en laissant son cousin derrière lui. Depuis que sa sœur et son fiancé avaient disparu, Théodore n’avait cessé de harceler Emily, se mettant dans ses jupes avec la claire ambition de se glisser dessous.

Emily était à bout de patience et ne savait plus comment se débarrasser de ce fâcheux. Si Théodore était la rose dont Alys lui avait parlé, le célibat lui semblait soudain plein de promesses.

Il tenta de lui prendre la main, et elle réprima une grimace de dégoût. Ne pouvait-il donc pas la laisser en paix ?

Sans doute une femme désespérée l’aurait-elle trouvé passablement séduisant. Elle priait le Ciel de ne jamais être désespérée à ce point.

Ce qui manquait surtout à Théodore, c’étaient quelques règles d’hygiène de base. Si le chemin de la sainteté passait par la propreté, cet homme était résolument païen. Ses cheveux blonds, qui se faisaient rares, voyaient rarement un peigne et n’avaient jamais connu un savon. Ses vêtements étaient perpétuellement froissés, comme s’il dormait tout habillé, et tellement tachés qu’ils devaient les laver aussi souvent que ses cheveux.

— Êtes-vous prête à me donner un baiser ? demanda-t-il.

— Non, répondit-elle en le contournant. Veuillez m’excuser, mais j’ai beaucoup à faire.

— Quelle tâche serait plus agréable que ma compagnie ?

Elle aurait encore préféré nettoyer les latrines.

Il se planta de nouveau devant elle, l’empêchant d’avancer.

— Voyons, ma douce Emily, je sais à quel point vous vous sentez seule. Ne rêvez-vous pas qu’un homme vienne vous prendre la main ?

En effet, sauf que le mot-clé dans cette affirmation était « homme » et qu’à ses yeux Theodore ne valait guère mieux qu’une punaise de lit. Ce n’était certainement pas de lui qu’elle rêverait la nuit.

Il toucha le bord de son voile près de son visage dans un geste si familier qu’elle plissa le front sans chercher à cacher son agacement. Évidemment, il n’en tint aucun compte.

— Vous aurez bientôt passé l’âge, milady. Peut-être devriez-vous envisager de faire comme votre sœur pour vous trouver un mari.

Elle n’aurait su dire ce qui l’offensait le plus, l’allusion à son âge ou la référence à l’humiliation de sa sœur, qui s’était laissé surprendre dans le lit de Niles.

— Je peux me trouver un mari moi-même, merci. Je n’ai pas besoin de votre aide.

Les traits de Theodore se durcirent, et son poing se referma sur son voile.

— Vous serez à moi, grogna-t-il.

Emily serra les dents, se préparant à la douleur, et s’écarta vivement. Les épingles qui retenaient son voile lui tirèrent les cheveux avant d’être arrachées, la libérant.

Elle courut à travers la cour remplie de monde, en espérant atteindre le donjon avant qu’il ne l’ait rattrapée.

Elle n’eut pas cette chance.

Théodore jeta son voile sur le sol et, cette fois, lui agrippa le bras.

Effrayée et furieuse, Emily grimaça en sentant ses doigts s’enfoncer dans sa chair et tenta de se dégager. Si seulement son père avait été là ! Lorsqu’il était au château, il ne la quittait pas des yeux, et aucun homme ne se serait permis une telle insolence.

— Donnez-moi un baiser, ordonna Théodore.

Plutôt embrasser une mule lépreuse ! Paniquée, elle chercha fébrilement autour d’elle un moyen de se débarrasser de lui.

À cet instant, un groupe de poules se précipita autour d’eux. En voyant Théodore tenter de les écarter d’un coup de pied, il lui vint une idée.

Elle se tourna vers lui et, se souvenant de la leçon d’Alys, lui adressa un sourire charmant.

— Théodore ? dit-elle d’une voix enjôleuse.

L’effet fut immédiat. Les traits du goujat se radoucirent, et il lâcha son bras pour lui prendre la main.

— Ah, Emily, vous n’imaginez pas le nombre de nuits que j’ai passées à rêver de vous et de vos doux soupirs. Dites-moi, combien de temps encore dois-je languir avant de pouvoir goûter au fruit succulent de vos cuisses ?

Jusqu’à ce qu’il gèle en enfer.

C’était bien sa chance ! Pour une fois qu’un homme lui déclamait de la poésie, il fallait que celle-ci soit du genre obscène, et éructée par un individu qui ressemblait à un troll verruqueux.

Elle s’efforça de masquer son dégoût tout en libérant sa main de sa patte moite.

Elle entendit alors des chevaux approcher. Supposant qu’il s’agissait des hommes d’armes de son père qui rentraient, elle ne se retourna pas.

— Vous m’avez convaincue, milord, dit-elle en essuyant sa paume sur sa jupe.

Il gonfla le torse avec une arrogance hallucinante.

— Je savais bien que vous finiriez par succomber, milady. Aucune femme ne me résiste.

Il ne devait fréquenter que des femmes aveugles et, surtout, dépourvues d’odorat.

— Fermez les yeux, Théodore, et je vous donnerai ce que vous méritez pour votre ténacité.

L’air suffisant, il ferma les yeux et se pencha en avant en fronçant les lèvres dans ce qu’il pensait sans doute être une mimique séductrice.

Avec une grimace de dégoût, Emily saisit l’une des poules rouges à ses pieds et la souleva devant la bouche tendue de l’importun.

Théodore embrassa le cou du gallinacé avec un gros bruit de ventouse.

Quand il se rendit compte que ses lèvres étaient en contact avec des plumes, il rouvrit les yeux et croisa le regard intrigué de la poule. Son cri de surprise effraya l’animal, qui se mit à lui caqueter au nez en battant des ailes pour se libérer des mains d’Emily. Celle-ci la lâcha, et la poule alla se percher sur la tête de Théodore, qui eut juste le temps de lever les bras pour se protéger le visage. Le volatile lui piqua le crâne, soulevant des mèches graisseuses dans la manœuvre, tandis que ses congénères volaient au secours de leur sœur, donnant des coups de bec dans les tibias de Théodore et le faisant trébucher en arrière dans une cacophonie de piaillements et de jurons.

Théodore percuta une auge et y tomba les fesses les premières, soulevant des gerbes d’eau autour de lui. Emily recula précipitamment pour ne pas être éclaboussée.

Lorsque Théodore ressortit la tête de l’eau en crachant, la poule offensée revint se percher sur son crâne.

La scène était tellement comique qu’Emily éclata de rire.

— La jeune fille la plus douce du monde ? Décidemment, Hugh, tu es un fieffé menteur !

Cette voix grave de baryton n’appartenait à aucun des hommes d’armes du château. Le rire d’Emily s’étrangla dans sa gorge. Se retournant, elle vit son père accompagné d’une quinzaine d’hommes.

Lord Warwick faisait une drôle de tête.

Elle était néanmoins soulagée qu’il soit de retour. Au moins, elle n’avait plus à craindre les manigances de Théodore.

Comme elle se dirigeait vers son père, son regard fut attiré par l’homme qui se trouvait sur sa gauche : un chevalier portant un surcot rouge sang brodé d’un corbeau. Il était perché sur un étalon à la robe blanche immaculée. Bien qu’elle ne pût distinguer son visage, elle sentit son regard sur elle telle une langue de feu.

Elle s’arrêta net.

Jamais encore elle n’avait vu un homme comme lui. Grand, il se tenait droit sur sa selle. Le cheval et son cavalier semblaient ne faire qu’un.

Sa cotte de mailles était drapée presque sensuellement sur un corps d’acier façonné par des années d’entraînement. Ses larges épaules étaient rejetées en arrière avec fierté, rendant sa carrure plus impressionnante encore.

Son immense destrier piaffait d’impatience. L’homme le rappela à l’ordre d’une pression de ses puissantes cuisses et d’un coup sec sur les rênes.

C’était un homme qui attirait le regard. Tout en lui respirait l’autorité et l’assurance.

Alors qu’elle le regardait fixement, il ôta son heaume.

Son cœur cessa de battre un instant avant de repartir dans un martèlement furieux. Elle n’avait jamais vu un homme aussi beau. Ses yeux étaient d’un bleu si vif qu’ils semblaient luire au milieu d’un visage ciselé encadré par un camail argenté. Quant à ses cheveux, ils devaient être aussi noirs que ses sourcils.

Son regard, hypnotisant, exprimait une grande intelligence ainsi qu’une certaine réserve. Peu de chose devait échapper à son attention. Si beau soit-il, la dureté de ses traits laissait deviner qu’il souriait rarement. Voire jamais.

Il coinça son heaume sous son bras et la détailla de la tête aux pieds, d’un regard qui lui fit monter le feu aux joues. Il était impossible de savoir ce qu’il pensait. Lorsque ses yeux se posèrent sur sa poitrine, elle sentit ses mamelons se durcir.

— Que se passe-t-il ? aboya son père en mettant pied à terre.

Elle sursauta en entendant son ton furieux et se tourna vers lui, soulagée de se soustraire aux étranges sensations que le regard du chevalier avait éveillées en elle.

Theodore chassa la poule perchée sur son crâne et s’extirpa de l’auge en s’efforçant de conserver un air digne, ce en quoi il échoua lamentablement.

— Ta fille a-t-elle pour habitude d’attaquer tous les hommes qui l’importunent avec une poule ?

Le beau chevalier avait parlé d’un ton amusé alors que ses traits ne trahissaient aucune émotion.

— Silence, Ravenswood, grogna son père. Tu ne sais rien de ma fille ni de ses habitudes.

— Plus pour longtemps, rétorqua l’inconnu.

Emily haussa les sourcils, perplexe. Qu’est-ce que cela pouvait bien signifier ?

Le visage de son père devint encore plus rouge et son regard plus noir. Emily s’étonna de sa réaction, puis le nom du chevalier s’imprima enfin dans son esprit.

Ravenswood… Draven de Montague, l’homme dont son père était allé se plaindre auprès du roi Henry.

Que faisaient-ils ensemble ? Son père n’avait jamais caché son aversion pour le comte de Ravenswood. Il se tramait quelque chose d’étrange, et elle avait hâte d’être seule avec son père pour lui demander des explications.

Le regard de ce dernier se radoucit lorsqu’il s’abaissa vers elle.

— Théodore t’a-t-il manqué de respect, Em ?

Théodore se raidit.

— Je ne ferais jamais rien de la sorte à une lady.

Toutefois, la malveillance qu’elle lisait dans ses yeux racontait une autre histoire. Elle ferait tout pour ne plus jamais se retrouver seule avec lui, se promit-elle, même si elle n’était pas du genre à se laisser intimider. Elle était parfaitement capable de le remettre à sa place, avec ou sans l’aide d’une poule.

— Tout va bien, père, affirma-t-elle.

— C’est plutôt la poule qui est terrifiée, déclara le comte derrière elle.

Emily se mordit la lèvre pour ne pas rire. En revanche, son père ne sembla pas goûter la plaisanterie. Il avait du mal à contenir sa fureur.

Elle l’étreignit fort contre elle. Elle ne voulait pas qu’il soit en colère dès son retour au château. Il passait déjà trop de temps à broyer du noir et à ruminer ses griefs. En outre, elle ne supportait pas de voir les autres malheureux.

— Avez-vous fait bon voyage, père ? Je suis heureuse de vous voir de retour.

— Un séjour en enfer aurait été plus agréable, maugréa-t-il.

Il lança un regard mauvais vers les chevaliers toujours en selle.

— Puisque vous êtes ici, vous passerez la nuit au château, déclara-t-il. Vous pourrez reprendre la route à la première heure.

— J’ai pour principe de ne jamais dormir chez mes ennemis, répondit calmement le comte. Nous camperons en dehors des murailles et partirons à l’aube. J’espère pour vous que votre fille sera prête.

Sur cette mise en garde énigmatique, il fit faire demi-tour à son impressionnant destrier et repartit avec ses hommes, laissant derrière lui deux messagers royaux et les trois chevaliers de son père.

Théodore s’excusa et s’éloigna vers les écuries en laissant une traînée d’eau dans son sillage.

Perplexe, Emily regarda son père.

— Père ?

Il poussa un long soupir et passa un bras las autour de ses épaules.

— Viens, ma chérie. Je dois te parler en tête à tête.

 

Non loin des portes du château, Draven et ses hommes trouvèrent une petite clairière bordée par un ruisseau. Préférant rester seul, Draven bouchonna son cheval pendant que ses hommes montaient les tentes et que son frère Simon préparait un feu.

Il ne pouvait chasser la fille de Hugh de ses pensées. Il lui suffisait de fermer les yeux pour la voir aussi clairement que lorsqu’elle s’était tenue devant lui, avec son visage lumineux, son sourire espiègle et ses yeux vert sombre pétillants d’humour.

Quant à la poule…

Il fut pris d’une envie de rire qui cessa aussitôt lorsque le visage souriant réapparut dans son esprit pour le tourmenter.

Il serra les dents, et ses doigts se crispèrent autour de la brosse.

Lady Emily n’était pas le genre de beauté à la mode qui plaisait aux chiffes molles, mais elle possédait quelque chose d’exotique, un je-ne-sais-quoi diablement charmeur.

Ce qui avait le plus retenu son attention, c’étaient ses grands yeux de chatte qui contemplaient le monde avec une incroyable audace.

Elle était élancée, avec une opulente chevelure blonde et bouclée qui lui retombait jusque dans le creux des reins. Les anges eux-mêmes ne pouvaient avoir des traits aussi doux et enchanteurs. Il comprenait pourquoi Hugh rechignait à la laisser partir. Un tel trésor méritait d’être gardé avec soin. Malgré lui, il ressentit une petite pointe de respect pour ce père qui protégeait son enfant.

Goliath redressa la tête en renâclant.

Draven se rendit compte qu’il brossait vigoureusement le même endroit depuis plusieurs minutes.

— Pardon, mon vieux.

Il donna une petite tape sur le flanc de son cheval pour l’apaiser. Cela ne lui ressemblait pas d’être dans la lune, lui qui était d’ordinaire si méticuleux avec ses animaux.

Chassant la fille de Warwick de ses pensées, il se remit au travail.

Il ajoutait de l’avoine dans la musette de Goliath lorsque Simon s’approcha.

— Alors, ce n’est pas ce à quoi tu t’attendais ? demanda-t-il.

Draven savait déjà où son frère voulait en venir et ne tenait pas à aborder le sujet.

— Quoi, la musette ? dit-il, feignant de ne pas comprendre. J’utilise toujours la même.

Simon leva les yeux au ciel.

— Je me fiche de ta musette, et tu le sais très bien. Je te parle de la demoiselle. Qui aurait cru que le Lord au Grand Nez avait une fille aussi jolie ? Je n’ai jamais vu lady plus avenante.

— C’est la fille de mon ennemi.

— Et la femme que tu as juré de protéger.

Draven glissa la lanière de la musette sur la tête de son cheval.

— Pourquoi viens-tu m’embêter avec des détails triviaux que je connais déjà ? ronchonna-t-il.

Simon avait un côté diabolique. Si un autre que lui s’était amusé à le titiller ainsi, Draven aurait rapidement mis un terme à la plaisanterie. Toutefois, en dépit de son agacement, il aimait profondément son jeune frère.

Simon eut un sourire malicieux.

— Tu sais, j’ai rarement l’occasion de te voir mal à l’aise. Cela me plaît assez. Pour un peu, tu aurais presque l’air humain.

Draven caressa le front de Goliath, puis ramassa sa selle et ses sacoches sur le sol et s’apprêta à rejoindre ses hommes.

Il s’arrêta à la hauteur de Simon.

— Si jamais j’ai eu un jour des qualités humaines, je t’assure qu’elles ont disparu depuis longtemps. Tu es bien placé pour le savoir. Je la protégerai parce que le roi me l’a ordonné. Pour le reste, elle n’existera pas à mes yeux.

— Si tu le dis.

— Je le dis, grogna Draven en se dirigeant vers le feu.

— Un jour, j’espère que tu découvriras que tu n’es pas un monstre né en enfer, mon frère, lança Simon derrière lui.

Draven fit la sourde oreille. En vérité, il enviait à Simon son optimisme. C’était un don rare que leur mère avait légué à son fils benjamin. Lui n’avait pas eu cette chance, et le sort n’avait jamais été tendre avec lui. S’accrocher à des rêves et à des espoirs ne servait qu’à accroître le vide dans sa vie.

Il en avait toujours été ainsi et il en irait toujours ainsi. Tel était son destin, et il y survivrait comme il avait survécu à tous les coups qu’il avait reçus au cours de son existence.

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