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- Vous vous inquiétez, Madame, de savoir si notre Sire le roi...
Elle s'arrêta de nouveau, mais Clémence l'encouragea des yeux.
- Rassurez-vous, Madame, dit Eudeline ; Monseigneur Louis n'est pas empêché d'avoir un héritier, comme de méchantes langues le prétendent dans le royaume et même à la cour.
- Sait-on... murmura Clémence.
- Moi, je sais, répliqua Eudeline lentement, et l'on a pris bien soin que je sois seule à le savoir.
- Que veus-tu dire ?
- Je veux dire le vrai, Madame, parce que moi aussi j'ai un lourd secret. Sans doute devrais-je me taire... Mais ce n'est pas offenser une dame telle que vous, de si haute naissance et de si grande charité, que de vous avouer que ma fille est de Monseigneur Louis.
La reine contemplait Eudeline avec un étonnement sans mesure. Que Louis ait eu une première épouse n'avait guère posé à Clémence de problèmes personnels. Louis, comme tous les princes, avait été marié selon les intérêts d'Etat. Un scandale, la prison, puis la mort l'avaient séparé d'une femme infidèle. Clémence ne s'interrogeait pas sur l'intimité ou les mésententes secrètes du couple. Aucne curiosité, aucune représentation n'aissaillaient sa pensée. Or voici que l'amour, l'amour conjugal, se dressait devant elle en la personne de cette belle femme rose et blonde, à la trentaine plantureuse ; et Clémence se mettait à imaginer...
Eudeline prit le silence de la reine poun un blâme.
- Ce n'est pas moi qui l'ai voulu, Madame, je vous l'assure ; c'est lui qui y avait mis bien de l'autorité. Et puis, il était si jeune, il n'avait point de discernement ; une grande dame l'eût sans doute effarouché.
D'un geste de la main, Clémence signifia qu'elle ne souhaitait point d'autre explication.
- Je veux voir ta fille.
Une expression de crainte passa sur les traits de la lingère.
- Vous le pouvez, Madame, vous le pouvez, bien sûr, puisque vous êtes la reine. Mais je vous demande de n'en rien faire, car on saurait alors que je vous ai parlé. Elle ressemble tant à son père que Monseigneur Louis, par crainte que sa vue ne vous blesse, l'a fait enfermer dans un couvent juste avant que vous n'arriviez. Je ne la visite qu'une fois le mois et, dès qu'elle sera en âge, elle sera cloîtrée.
Les premières réactions de Clémence étaient toujours généreuses. Elle oublia pour un moment son propre drame.
- Mais pourquoi, dit-elle à mi-voix, pourquoi cela ? Comment croyait-on qu'un tel acte pût me plaire, et à quel genre de femmes les princes de France sont-ils donc accoutumés ? Ainsi, ma pauvre Eudeline, c'est pour moi que l'on t'a arraché ta fille ! Je t'en demande bien grand pardon.
- Oh ! Madame, répondit Eudeline, je sais bien que cela ne vient pas de vous.
- Cela ne vient pas de moi, mais cela s'est fait à cause de moi, dit Clémence pensivement. Chacun de nous n'est pas seulement comptable de ses mauvais agissements, mais aussi de tout le mal dont il est l'occasion même à son insu.
Afficher en entier"Philippe le Bel avait laissé la France en situation de première nation du monde occidental. Sans recourir aux guerres de conquête, mais par négociations, mariages et transactions, il avait largement accru le territoire, en même temps qu'il s'était constamment appliqué à centraliser et renforcer l'Etat. Toutefois, les institutions administratives, financières, militaires, politiques dont il avait voulu doter le royaume et qui, relativement à l'époque, apparaissaient souvent comme révolutionnaires, n'étaient pas suffisamment ancrées dans les moeurs et l'Histoire pour pouvoir se perpétuer sans l'intervention personnelle d'un monarque fort. "
Afficher en entier"Les ministres bourgeois, qui avaient fait la force du règne précédent, venaient d'être emprisonnés, et le corps du plus remarquble d'entre eux, Enguerrand de Marigny, ancien recteur général du royaume, pourrissait aux fourches du gibet de Montfaucon."
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