Extraits

La danse accéléra, et les danseurs avec. Bod était à bout de souffle, mais il n'imaginait pas que le bal pût un jour s'arrêter: la Danse macabre, la danse des vivants et des morts, la danse avec la Mort. Bod souriait, et tout le monde souriait.

Et l'on pu croire alors que tout le cimetière allait s'en mêler: chaque habitant proposait ses comparaisons entre l'enfant et un être depuis longtemps oublié, lorsque Mrs Owens prit la parole.

- Il ne ressemble à personne d'autre qu'à lui-même, dit-elle d'une voix ferme. Il ne ressemble à personne.

- Alors va pour Personne, dit Silas. Nobody. Nobody Owens.

Et là, comme en réaction à son nom, l'enfant ouvrit de grands yeux, bien éveillé. Il regarda tout autour de lui, s'imprégna des visages des morts, et de la brume, et de la lune.

Dors, dors mon tout petit

Dors jusqu'au bout de la nuit

Un jour tu verras le monde

Tu verras comme la Terre est ronde.

Danse, danse avec ton amour,

Pose un baiser sur ses lèvres,

Tu trouveras ton nom un jour

Et un trésor dans les ténèbres ...

Un cimetière en principe n'est pas une démocratie, cependant la mort est la démocratie suprême(...)

La peur, c'est contagieux. Ça s'attrape. Parfois, il suffit que quelqu'un vous dise qu'il a peur pour que cela devienne réel.

Mo était terrifiée, et à présent Nick l'était aussi.

- Et alors ? Ce n'est jamais que la mort. C'est vrai, quoi, tous mes meilleurs amis sont morts.

- Oui. (Silas hesita.) Ils le sont. Et ils en ont, pour la plupart, terminé avec le monde. Pas toi. Tu es en vie, Bod. Cela veut dire que tu disposes d'un potentiel infini. Tu peux tout faire, tout fabriquer, tout rêver. Si tu changes le monde, le monde changera. Le potentiel. Une fois que tu es mort, c'est terminé. Fini.

Tu as fait ce que tu as fait, rêvé ton rêve, écrit ton nom. Tu peux être enterré ici, tu peux même te déplacer. Mais ce potentiel n'existe plus.

Bod réfléchit à ce qu'il pourrait dire de rassurant, comme par exemple « il n'y a rien de méchant là-dedans », mais comme les histoires de cheveux blanchis et de gens jamais remontés l'empêchaient de l'affirmer en toute conscience, il préféra rester prudent.

« C'est comme les gens qui s'imaginent qu'ils seront plus heureux en allant vivre ailleurs, mais qui apprennent que ça ne marche pas comme ça. Où que l'aille, on s'emmène avec soi. »

Mr et Mrs Owens étaient morts plusieurs siècles avant qu'il fût établi que battre les enfants était mal, et Mr Owens avait, à regret, accompli ce qu'il considérait comme son devoir, c'est pourquoi le derrière de Bod lui faisait un mal de chien. Mais c'était l'inquiétude sur le visage de Mrs Owens qui lui avait fait le plus mal, bien plus que tous les coups du monde.

Les conseils du poète sont la politesse des rois !