Extraits

— Il ne faudrait pas la tester d’abord ?

— Ah oui, il faudrait. Très bien, faisons ça.

Hein ? Me tester ? J’enfonce mes ongles dans le bois de la porte, puis réalise qu’il y a un autre moyen de faire du bruit et de prévenir du danger qui s’est introduit dans la chambre. Je me retourne, lève le poing et m’apprête à tambouriner contre la porte quand tout à coup, le sommeil, qui me fuit depuis des heures, s’empare de moi, stoppe mon geste, me fait vaciller. C’est si puissant comme appel, je ne peux pas résister. Je ferme les yeux, m’écroule à moitié au sol, sens que des bras me rattrapent et me laisse aspirer par le sommeil tandis qu’on murmure autour de moi :

Spoiler(cliquez pour révéler)— Ce n’est pas notre meilleur kidnapping.

Spoiler(cliquez pour révéler)— C’est notre seul kidnapping, fait l’homme.

Spoiler(cliquez pour révéler)— Eh bien, ce ne sera clairement pas le meilleur.

— Quoi ? lâché-je. Maintenant il faut qu’on devienne copains et que tu t’intéresses à ma vie ? Je ne suis plus une petite Semie de merde qu’il faut protéger parce qu’elle ne peut pas se défendre toute seule ? Bah oui, c’est une Semie, comment pourrait-elle, hein ? Elle est si faible !

Mon ton sarcastique fait grimper la colère de Thresh en flèche.

— C’est ce que tu t’imagines que je pense de toi ? balance-t-il en retour.

Il serre mon épaule si fort que je commence à avoir mal. Si cette histoire tourne au grabuge et qu’il veut se battre, je ne pourrai pas gagner, à moins de faire appel à ma magie.

— Quoi d’autre ? Pour quelle raison tu insisterais pour m’escorter comme si j’étais une petite chose qu’il faut protéger ?

J’ai répondu avec froideur, sans crier. Il me pousse pour que je recule d’un pas, parce que Pégase s’agite dans son dos. Le silence entre nous dure quatre secondes, juste assez pour devenir gênant et intense.

— Parce que je m’inquiète pour toi, répond-il sur un ton plus bas. C’est si complexe que ça à comprendre 

Je me sens mal tout à coup, la tête me tourne, mes sens s’émoussent. Je vois flou, puis j’ai la sensation de perdre l’odorat. Je m’accroupis pour ne pas tomber. Prudence quitte mes bras pour rejoindre le sol. Petit Caïd vient se frotter contre moi et c’est tout juste si je sens la caresse de sa langue sur ma main. Les bruits disparaissent et, tout à coup, je me sens aspirée.

Le seul sens qui revient, c’est ma vue.

Mais ce que je vois me remplit d’horreur.

Claw est allongé au sol, en train d’être dévoré par les oiseaux. Prudence est à côté, éventrée. Et Heather a l’air de s’être cogné la tête contre la porte de la stalle, elle gît, inconsciente, à côté du box.

Je fronce les sourcils en triturant de l’index une mèche de mes cheveux blonds-roux-châtains-clairs. Je n’ai jamais été capable de mettre un nom sur cette couleur, mais j’aime les regards qu’ils me valent parfois de la part des camarades de mon lycée.

— Tu comptes jouer, ou tu comptes laisser le chrono tourner jusqu’à ce que tu arrives au bout ?

C’est Jake qui parle. Jake et son petit air supérieur. Jake et ses cheveux bruns mi-longs, qui tombent sur ses épaules et qui donnent envie à toutes les filles de l’école de se pâmer devant lui, comme s’il était un Cullen dans Twilight , un de ces vampires qui brillent au soleil et font palpiter le cœur des adolescentes. Jake aurait pu être le cliché du sportif incapable de faire rentrer une goutte d’intelligence dans son cerveau, mais dans ce cas, il n’aurait pas été face à moi, en train de me dévisager, tandis qu’un plateau de jeu d’échecs nous sépare.

— Tu accouches ?

— Non, ce n’est pas prévu pour aujourd’hui, rétorqué-je.

Je déteste ce type d’expression, qui vise seulement à mettre la pression. Je sonde le regard du jeune homme, passe le pouce sur l’ensemble du bout de mes doigts. C’est un geste que je fais par habitude, quand je cherche la solution à un épineux problème. Je n’ai même pas jeté un coup d’œil au plateau, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Pour moi, les échecs sont comme un jeu de poker. Quelle manœuvre compte tenter Jake, et comment puis-je l’empêcher de parvenir à son but ? C’est ça qui m’intéresse vraiment. Je ne veux pas juste le battre, je veux le ridiculiser une bonne fois pour toutes. Il n’avait qu’à pas se moquer de Cassandre à la course.