Commentaires de livres faits par MarieFontaine
Extraits de livres par MarieFontaine
Commentaires de livres appréciés par MarieFontaine
Extraits de livres appréciés par MarieFontaine
Il n'est plus là et pourtant il se voit. Il flotte au-dessus de son abri. Il monte et descend sur la houle qui respire. Maitenant, il ne se voit plus mais il se sent. Il ne voit pas le paysage, il le vit. Il s'est fondu dans un ailleurs, un autre moi, une enveloppe nouvelle, un univers illimité. Il ne comprend pas ce qui se passe mais il n'en est pas troublé. Il est au-dessus de lui, physiquement mais sans la sensation de son corps.
Il est bouleversé par la misère apparente de son état et par la précarité de son refuge mais l'espace est si beau et le souffle des montagnes en lui est si doux que la plénitude l'envahit. A chaque inspiration, il se liquéfie dans le manteau neigeux, il se solidifie dans le grain de la pierre, il s'évapore dans les nuées glacées. Il n'est plus là et pourtant il perçoit son corps avec une acuité extraordinaire.
Il est dans son corps qui est dans le corps de la montagne qui est lui...
Il entend des sons graves, très bas, presque indistincts, une espèce de murmure répétitif, une mélopée inconnue. Il n'essaie pas de comprendre avec des mots. Tout est déjà en lui. Il entend la Terre. Oui, c'est ça. Il entend la Terre et il la comprend. Il sent étrangement que c'est normal puisqu'il respire en elle, qu'il est dans son souffle et que l'air le nourrit. Il sait qu'il ne regarde pas le monde mais qu'il en fait partie. Il n'est pas lui, il est le monde et le monde se constitue aussi de lui, il n'est pas une particule séparée du reste, il est l'ensemble, l'ensemble n'est pas divisible et pourtant il sait qu'il est multiple...
Il n'a pas envie de redescendre. Il comprend tout ici mais ne pourrait rien en dire. Des galaxies entières s'engouffrent dans son être ouvert et rejoignent les particules étoilées qui le remplissent. Il perçoit l'énergie de ses cellules, électrisées par l'Univers qui le visite. Son étincelle n'a jamais été aussi lumineuse.
Tout en lui est dans le Tout. Et le constitue...
...
A la première tentative, les jambes ne se sont pas pliées. Pourtant, l'ordre était clairement énoncé dans sa tête. Au deuxième essai, le genou droit a cassé la gangue de glace qui le fige et a retrouvé, au plus profond de sa mémoire de genou, un mouvement de flexion. Il est très fier de cette victoire... Il en appelle au deuxième genou, lui expliquant qu'il ne peut pas rester ainsi à la traîne de son compagnon, que lui aussi doit montrer qu'il est capable de vaincre l'impossible, qu'il n'y a qu'un délai d'obtention, que la vie est la plus forte... Il sent des mots jaillir, une allégresse extraordinaire qui le bouleverse... D'où vient-elle cette force, que fait-elle encore là ?
Extrait de la nouvelle "Le chat"...
L’enfant entendit un miaulement derrière lui et se retourna. C’était un gros chat tigré, occupé à gratter le collier de cuir marron qui enserrait son cou. Une laisse était attachée à ce collier et flottait dans les airs, comme tenue par une main invisible. Le petit garçon se releva, intrigué. Le cordon se tendit et l’animal fut tiré en arrière. Il planta ses yeux d’émeraude dans ceux de l’enfant, comme pour l’implorer de lui porter secours et se volatilisa dans l’espace.
Extrait de la nouvelle "Je ne suis pas fou"
Il remercia le ciel d’avoir retrouvé un semblant de normalité. Le trajet se déroula sans incident jusqu’à l’arrêt où il devait descendre, juste en face de la banque dans laquelle il travaillait comme caissier. Le tram s’immobilisa et un flot de passagers s’en échappa, avides de respirer l’air du dehors.
Tous se dispersèrent rapidement mais Patrick resta planté là, immobile au milieu du trottoir, un cri muet étranglé dans sa gorge. Où était sa banque ? A l’endroit où elle aurait dû s’élever, il ne voyait qu’un petit square, joliment fleuri. Tout était à sa place, dans le quartier, sauf la banque, volatilisée. Il arrêta un passant pour lui demander s’il savait ce qu’était devenu l’immeuble. L’autre lui répondit poliment qu’il n’y avait jamais eu de banque dans les parages.
Le docteur était passé dans la matinée. Il avait tristement hoché la tête et prévenu le vieil homme que son épouse ne passerait probablement pas la nuit. Le rhume qu'elle avait attrapé trois semaines auparavant, malgré les antibiotiques, s'était dégradé en une virulente bronchite infectieuse, la fièvre la dévorait depuis cinq jours et en raison de son grand âge, elle n'avait aucune chance de survivre. Assis à son chevet depuis des heures, Auguste et ses voisines s'attendaient donc au pire. La nuit était tombée, la lune inondait la chambre de ses rayons de lait par la fenêtre grand ouverte. Dans l'âcre et pesante atmosphère qui avait enseveli la maison, on n'entendait plus que les pénibles sifflements de la mourante, par-dessus le martèlement régulier de l'horloge comtoise du salon. Avec un gros pincement au cœur, le mari pensa que bientôt, on arrêterait son balancier. La Mort, quant à elle, commençait à sérieusement s'impatienter.
Au fur et à mesure, les années passant, sa collection de bibelots chinés s'était enrichie de très belles nouvelles pièces. Mais aucune n'avait jamais supplanté dans son âme l'amour inconditionnel qu'il portait à sa toute première acquisition. Elle était toujours restée fidèle à ses côtés, amie discrète, le suivant aveuglément dans toutes les étapes qui avaient jalonné sa vie. Elle avait été le témoin silencieux de ses premières amours, le témoin compatissant de ses premiers chagrins. Elle avait connu sa femme, ses enfants, et maintenant, ses petits-enfants, le reste de sa famille, le cercle de ses amis... Tous connaissaient l'existence de cette lampe, affectueusement affublée du qualificatif de magique. Monsieur Marcel avait parfaitement conscience qu'on le prenait pour un vieux farfelu, qu'on plaisantait dans son dos à propos de sa manie pour un objet antique, pas très beau et totalement inutile. Mais il n'en avait cure, il savait très bien, lui, que son trésor était vraiment magique.
Il lui aurait suffi, pour leur rabattre le caquet, de prendre un chiffon doux et avec, frotter les flancs de cuivre noirci. Le génie serait apparu et plus personne n'aurait osé douter de sa croyance. Mais quelque chose d'indicible avait toujours retenu sa main. Comme une voix intérieure qui lui soufflait que ce n'était pas le bon moment. Le plus grand sacrilège, aux yeux de monsieur Marcel, aurait été de désobéir à cette voix. Alors, pendant toutes ces années, la lampe était restée sagement posée sur un meuble, attendant son heure...
« Hé ! » fit-il en clignant des yeux.
Les étoiles brillaient dans le firmament ténébreux – plusieurs heures devaient s'être écoulées – environnant la figure d'une jeune fille. Bien qu'encore désorienté, il reconnut Laneth.
« Que fais-tu ici ?
– Comment ça ? Je viens te chercher bien sûr ! C'est ce qui était convenu, non ? »
Pelmen produisit un son qui tenait à la fois du bâillement et du gémissement. « Je ne me rappelle pas t'avoir demandé de me réveiller au beau milieu de la nuit.
– Ne fais pas semblant de ne pas comprendre. Je devais t'apprendre l'art de la lutte, tu te souviens?
– Maintenant ?
– Le plus tôt sera le mieux pour toi. Le trajet ne sera pas si long.
– C'est Xuven qui t'envoie ? grommela-t-il.
– Non. »
Pelmen l'examina en ayant conscience que non loin, Ielun venait de remuer dans son sommeil. Il poussa un soupir et se leva, davantage parce qu'il ne souhaitait pas réveiller ses compagnons que pour toute autre raison.
Elle le conduisit à une centaine de coudées de là, à proximité de plantes odoriférantes. « Comment allons-nous faire ? marmonna-t-il en réfrénant un nouveau bâillement. C'est à peine si je t'aperçois.
– Justement, l'exercice est excellent. Tu vas devoir te fier à tes sensations. Laisse ton corps trouver ses points d'équilibre. »
Pelmen soupira derechef. En cet instant, le seul point d'équilibre de sa carcasse aux membres douloureux se situait au plus profond de sa litière. »