Extraits

Non, non, une personne de sexe on ne peut plus masculin. Enfin, on ne peut plus… Assez bizarre, comme signalement, non ?

- Je suis un homme de langues, Mikael.

- Ah?

- Oui. Mais vous et moi, nous allons faire un voyage au-delà du langage.

Il déploya une toile noire qu'il tenait pliée dans sa main droite et posa des objets brillants sur la table en fer, à côté de lui.

- Qu'est-ce que vous voulez dire?

Se tordant désespérément sur sa couchette, Mikael fixa des yeux le feu qui crachait devant lui, puis le reflet de son visage distordu sur le cadre métallique du fourneau.

- Il existe de jolis mots pour décrire la plupart des choses, dans la vie, reprit l'homme. Surtout quand il s'agit d'amour, n'est-ce pas? Dans votre jeunesse, vous avez sûrement lu Keats, Byron et les autres. Je suis certain qu'ils ont assez bien capté le phénomène amoureux. Mais la douleur sans fond, Mikael, il n'y a pas de mots pour la décrire. Personne n'y est encore parvenu, pas même les plus grands artistes. C'est là que nous allons, Mikael. Là où il n'y a plus de mots.

Elle envisagea de pirater le serveur de la légiste, mais opta pour une méthode moins conventionnelle : une demande en bonne et due forme. Elle lui écrivit donc un mail.

Le passé devint une bombe à retardement.

-Et vous savez quoi ? reprit-il. Ne pas être cru peut rendre fou. Complètement dingue, à vrai dire.

-Comment ça ?

-En ignorant les gens pendant toute leur vie, on finit par les briser.

Spoiler(cliquez pour révéler)- Mon Dieu, marmonna Mikael. Mais qu'est-ce que vous avez ?

- Qu'est-ce que j'ai ? répéta-t-elle en se levant.

Pendant quelques secondes, ils se regardèrent dans le blanc des yeux, tous deux furieux. Mikael eut le sentiment absurde d'être en plein duel, ou face à un adversaire dans un ring de boxe et, sans qu'il comprenne comment ni pourquoi, ils se rapprochèrent peu à peu. Soudain, il sentit son haleine, perçut une lueur ardente dans son regard, vit sa tête se pencher sur le côté et les mouvements de sa poitrine qui se soulevait. Il l'embrassa, pensant un instant qu'il commettait une bêtise irréparable. Mais elle lui rendit son baiser, puis ils se dévisagèrent, stupéfaits, tous deux abasourdis.

Elle saisit la nuque de Mikael et l'attira à nouveau. Très vite, la situation dérailla. Ils se retrouvèrent sur le canapé, puis sur le sol et, en pleine folie, Mikael comprit qu'il la désirait depuis qu'il avait contemplé ses photos sur Internet.

Souvent, les morts n’ont pas de nom ni, pour certains, de tombe.

L’ambiance était à la fête alors qu’au-dessus, dans le parc, le mendiant trépassait. De son vivant, il avait accompli des actes héroïques, d’innombrables prouesses et vécu d’invraisemblables péripéties mais, dans la liesse populaire, personne ne s’en souciait. Encore moins qu’il n’eût aimé qu’une femme, et qu’elle aussi eût trouvé la mort dans une accablante solitude.