Commentaire de Sherlocked_666

Pour l’exactitude historique… on repassera. Il ne faut surtout pas aborder ce livre comme une biographie romancée puisqu’il s’agit d’une œuvre de fiction. Et c’est principalement ce qui m’a déplu concernant la relation du protagoniste avec Néron, pourtant si intéressante à étudier.

Le mot de l’auteure à la fin du roman a surtout retenu mon attention en ce que celle-ci tente d’expliquer pourquoi son œuvre est une fiction qui ne doit pas être prise comme un travail d’historienne. En effet, elle prétend tout d’abord vouloir faire connaître le personnage de Sporus, qui est en effet trop peu étudié, mais elle le présente bien malheureusement comme une personne qu’il n’était pas vraiment et fantasme l’histoire de sa vie (ce que je ne saurais d’ailleurs pas lui reprocher, les sources d’information à ce sujet étant très maigres).

Ensuite, elle prétend ne pas avoir eu envie de présenter les « trop complexes » rouages moraux, religieux et politiques de l’époque pour mieux éviter de perdre le lecteur moyen, justifiant ainsi de nombreuses lacunes de son texte. Ce n’est d’ailleurs pas franchement compréhensible ni très futé dès lors que pour manipuler le personnage de Néron, il faut nécessairement le replacer dans son contexte. Par ailleurs, elle prétend qu’il ne peut pas être décrit de manière manichéenne, et c’est bel et bien le cas - on met ici le doigt sur la question des biais des sources primaires et de leurs abréviations. Cependant, elle fait de "son" Néron un personnage bancal presque plus déséquilibré que celui que Suétone et ses confrères nous ont vendu, en ce qu’il pouvait avoir de terrifiants accès de colère et être perçu comme un véritable monstre, puis devenir un petit agneau dont Sporus tombe amoureux en un claquement de doigts.

Nulle mention des nombreux crimes qui lui sont d’ailleurs imputés, démentis ou non par la communauté scientifique, ni des raisons personnelles et spirituelles qui l’ont poussé à épouser Sporus (la ressemblance avec Poppée est vaguement évoquée puis reléguée au second plan). C'est dommage, l'intrigue aurait vraiment gagné en profondeur !

Alors oui, si j'ôte ma casquette de chercheur en histoire ancienne, je peux dire que j’ai apprécié cette lecture car il s’agissait d’une fiction divertissante comme je les aime. C’était bien écrit, il y avait une bonne balance entre l’action et l’introspection. J'ai principalement été décontenancé par ce travail de « réhabilitation des personnages », comme l’auteure l’a elle-même qualifié : si Néron est effectivement un bon exemple pour s'y essayer, j'ai trouvé le résultat à la fois fragile et mal amené.

Le souci reste que ces personnages auraient très bien pu être fictifs : le roman serait resté tout aussi bon. Et, hélas, c'est là qu'est l'os.

Les seuls points noirs que j’ai pu relever, je les ai évoqués plus haut et je sais pertinemment qu’ils ne dérangeront pas la majorité des lecteurs (pour peu qu’ils soient plus indulgents que moi sur le côté peu authentique de la chose). Après tout, c'est une fiction. Mais comme toute fiction historique, celle-ci emprunte de multiples raccourcis et contribue à fausser l'image de personnages et de périodes que tant de spécialistes s'acharnent à dépeindre correctement.