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C'est donc ici que je commence, non l'apologue d'un Bacchus ou l'hymne à un Pâris, comme Néron sut si bien le faire, mais l'histoire d'un petit garçon, né dans une taverne de Subure, qui fut tour à tour esclave, eunuque, galle et putain.
Si quelqu'un trouve ceci un jour, qu'il ne le lise pas en soupirant : « Pauvre garçon ! », car je ne suis ni l'un ni l'autre. Je suis fier de ce que j'ai été, de ce que je suis devenu et, si je n'ai pas le talent de Néron pour dépeindre les événements avec de simples mots, j'espère que l'on ira chercher, bien par-delà mes piètres tournures, tout le plaisir que m'a apporté cette vie, car que cela soit clair : seuls les regrets m'ont parfois rongé ; les remords, jamais...
Afficher en entier— Et là, à ta droite, c'est le bel Attis, le parèdre de la Déesse. C'est en son honneur qu'Animus porte ce titre.
Je me tournai légèrement et remarquai, contre le mur est, la seconde statue, de marbre cette fois et de taille plus modeste, debout sur son piédestal couvert de fleurs et de quelques ex-voto. Je marchai lentement vers elle et levai la main pour caresser le visage aux courbes féminines. Pour un peu, j'aurais pu croire que j'étais en face de mon propre portrait. Je ne savais pas pourquoi, mais cette statue éveillait de douces résonances en moi. Comme si j'avais enfin trouvé le frère que je cherchais depuis toujours. Un jumeau, comme celui qui était mort à ma naissance, un autre moi-même dont j'avais toujours eu conscience, mais qui ne prenait réellement forme qu'en cet instant.
Euphorbe s'approcha avec respect et m'observa avec une adoration similaire à celle dont il avait honoré la déesse.
— Tu n'es pas venu ici par hasard, n'est-ce pas ? demanda-t-il. C'est la Déesse qui t'a conduit à nous, affirma-t-il, les yeux brillants de fanatisme.
Mais je ne l'écoutais plus, je luttais pour me souvenir. Qui était cet autre ? Cette part de moi-même que l'on m'avait enlevée ? Devant la statue d'Attis, si semblable à moi, j'avais l'impression d'être enfin complet.
— Sporus ?
Euphorbe posa la main sur mon épaule et je tressaillis, reculant d'un pas. Une sueur froide me coulait le long du dos et mes mains tremblaient. Lorsque je les frottai l'une contre l'autre, je m'aperçus qu'elles étaient glacées.
— Je... j'ai eu une impression bizarre, bredouillai-je. Ce n’est rien.
Le visage d'Euphorbe rayonnait d'une joie mystique, le souffle court et oppressé.
— Tu es Attis, murmura-t-il en m'entourant les épaules des bras pour m'obliger à me tourner vers l'éphèbe nu, sculpté dans la pierre. Regarde ! Tu es Attis ! Tu es Attis !
La gorge sèche, je laissai glisser mon regard sur le corps de marbre et poussai un hurlement : les organes génitaux de la statue avaient été arrachés, laissant une crevasse sur le ventre de marbre blanc.
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