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Des larmes voulaient jaillir de mes yeux, mais je faisais tous mes efforts pour me retenir, et j'y parvins. J'étais comme entêtée à ne pas vouloir lui montrer ce que j'éprouvais même si, moi-même, je me torturais. Non, cette cruauté en moi ne pouvait pas être naturelle. Ma mère n'avait pas pu me dresser ainsi contre elle avec la seule sévérité de sa conduite à mon égard ! Non, j'avais été pourrie par l'amour fantastique, exclusif, que je portais à mon père.
Afficher en entierLe soir on me ramena en haut. Je m’endormis avec la fièvre. Dans la nuit, je m’éveillai en pleurant, à cause des cauchemars que j’avais. Le matin, la même cérémonie : de nouveau on me conduisit chez la princesse. Enfin, elle se lassa de raconter mes aventures à ses visiteurs et ceux-ci de les entendre
Afficher en entierDe nouveau il prit son violon. J’avais vu ce violon et je savais ce que c’était, mais maintenant j’attendais quelque chose de terrible, d’effrayant, de merveilleux, et je tressaillis aux premiers sons.
Afficher en entierTout ce qu’il possédait se trouvait chez mon beau-père, qui présenta aussitôt la preuve de son droit indiscutable à l’héritage : le défunt avait laissé un papier déclarant qu’en cas de décès Efimov était son seul héritier.
Afficher en entierLa petite princesse éclata d’un rire nerveux. Puis, tout d’un coup elle souleva sa tête brûlante et se mit à me regarder fixement. Des larmes, comme des perles, tremblaient au bord de ses longs cils.
– Et qu’est-ce qu’il y a en toi pour que je t’aime tant ? Tu es pâlotte, tes cheveux sont blonds, tu es sotte, pleurnicheuse, des petits yeux bleus, une petite orpheline !
Catherine se pencha et de nouveau se mit à m’embrasser sans fin... Quelques larmes coulèrent sur mes joues. Elle était profondément émue.
Afficher en entierD’un bond elle quitta sa place et, toute rouge, en larmes, elle se jeta à mon cou. Ses joues étaient humides, ses lèvres gonflées comme des cerises, ses boucles en désordre. Elle m’embrassa comme une folle le visage, les yeux, les lèvres, le cou, les mains. Elle sanglotait comme dans une crise de nerfs. Je me serrai fortement contre elle, et nous nous enlaçâmes doucement, joyeusement, comme des amies, comme des amants qui se retrouvent après une longue séparation. Le cœur de Catherine battait si fort que j’en percevais chaque coup. Mais une voix se fit entendre dans la pièce voisine : on appelait Catherine chez la princesse.
Afficher en entierMa passion pour elle ne connaissait maintenant plus de bornes. Depuis ce jour où j’avais eu si peur pour elle, je n’étais plus maîtresse de moi. Je languissais d’angoisse, j’étais mille fois sur le point de me jeter à son cou, mais la crainte me clouait sur place. Je me rappelle que je cherchais à m’éloigner d’elle, afin qu’elle ne vît pas mon émotion. Mais quand, par hasard, elle entrait dans la chambre où je m’étais réfugiée, je tressaillais et mon cœur commençait à battre si fort que la tête me tournait. Je crois même que l’espiègle enfant le remarqua, après quoi, pendant deux jours, elle parut même un peu confuse. Mais bientôt elle s’habitua à cet état de choses.
Afficher en entierJe ne répondis pas. Alors elle me releva la tête, me regarda doucement, avec une telle tendresse et tout son visage éclairé d’un tel sourire maternel, que mon cœur se mit à battre fortement et se serra. En outre, elle m’avait appelée Niétotchka, ce qui signifiait qu’à ce moment elle m’aimait particulièrement. C’est elle qui avait inventé ce petit nom, transformant affectueusement en ce diminutif Niétotchka mon nom d’Anna. Quand elle m’appelait ainsi, c’était le signe qu’elle voulait me combler de caresses. J’étais très émue. Je voulais l’embrasser, me serrer contre elle, pleurer avec elle. Pauvre mère, elle me caressa la tête, longtemps, machinalement peut-être, et, oubliant qu’elle s’adressait à moi, elle répétait sans cesse : « Mon enfant, Annetta, Niétotchka ! » Des larmes roulaient dans mes yeux prêtes à s’échapper, mais je les retins. Je me raidis pour ne pas lui laisser voir ce que je ressentais, bien que j’en souffrisse moi-même. Non, cette hostilité ne pouvait pas être naturelle en moi. Ce qui m’excitait ainsi contre elle, ce ne pouvait pas être uniquement sa sévérité à mon égard ! Non. C’est cet amour fantastique, exclusif pour mon père qui me perdait.
Afficher en entierMais voici un autre fait qui, plus encore que le premier, contribua à mon étrange rapprochement avec mon père. Un jour, à dix heures du soir, ma mère m’envoya dans une boutique chercher de la levure. Mon père n’était pas à la maison. En revenant, je tombai dans la rue et renversai ma tasse. Ma première pensée fut la colère de maman. Cependant je ressentais une terrible douleur dans le bras gauche et ne pouvais pas me relever. Des passants s’attroupèrent autour de moi. Une vieille femme m’aida à me relever, et un gamin qui courait devant moi me frappa avec une clef sur la tête. Enfin on me mit sur pied. Je ramassai les morceaux de la tasse brisée et, chancelante, pouvant à peine remuer les jambes, je me dirigeai du côté de chez nous. Tout d’un coup j’aperçus mon père. Il était dans la foule, devant une belle maison qui se trouvait, juste en face de la nôtre. Cette maison appartenait à des nobles. Elle était merveilleusement éclairée. Près du perron stationnaient une quantité de voitures et des sons de musique arrivaient au dehors à travers les fenêtres. Je saisis mon père par le bas de son veston. Je lui montrai la tasse cassée et, en pleurant, je lui exprimai ma crainte de rentrer chez maman. J’étais sûre, je ne sais pourquoi, qu’il intercéderait pour moi. Mais pourquoi en étais-je sûre, qui me l’avait dit, qui m’avait appris qu’il m’aimait plus que ma mère ? Pourquoi m’étais-je approchée de lui sans crainte ?
Afficher en entierIl prit alors son violon et se mit à jouer ses variations sur des chansons russes. B... disait que ces variations étaient sa première œuvre pour violon et sa meilleure, et qu’il n’avait jamais plus joué aussi bien et avec une telle inspiration. Le propriétaire, qui, du reste, ne pouvait écouter avec indifférence la musique, pleurait à chaudes larmes. Quand ce fut terminé, il se leva de sa chaise, prit trois cents roubles qu’il tendit à mon beau-père en lui disant :
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