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Gino, mon pote qui avait peur des mygales qu'on ramassait dans son jardin et qui se mettait à plat ventre quand on entendait un orage au loin, ce même Gino voulait mener la guérilla avec une kalachnikov plus grande que lui dans le brouillard des montagnes des Virunga.
Afficher en entierPlus tard, j'ai appris que c'était une tradition de passer de la musique classique à la radio quand il y avait un coup d'Etat. Le 28 novembre 1966, pour le coup d'Etat de Michel Micombero, c'était la sonate pour piano n°21 de Schubert; le 9 novembre 1976, pour celui de Jean-Baptiste Bagaza, la symphonie n°7 de Beethoven, et le 3 septembre 1987, pour celui de Pierre Buyoya, le Boléro en do majeur de Chopin.
Ce jour-là, le 21 octobre 1993, nous avons eu droit au Crépuscule des Dieux de Wagner.
Afficher en entierL'enfance m'a laissé des marques dont je ne sais que faire.
Afficher en entier-Vous avez lu tous ces livres? j'ai demandé.
-Oui. Certains plusieurs fois, même. Ce sont les grands amours de ma vie. Ils me font rire, pleurer, douter, réfléchir. Ils me permettent de m'échapper. Ils m'ont changée, ont fait de moi une autre personne.
-Un livre peut nous changer?
-Bien sûr, un livre peut te changer! Et même changer ta vie. Comme un coup de foudre. Et on ne peut pas savoir quand la rencontre aura lieu. Il faut se méfier des livres, ce sont des génies endormis.
Afficher en entierJe ne voulais pas savoir.
Je ne voulais rien entendre.
Je voulais me lover dans un trou de souris, me réfugier dans une tanière, me protéger du monde au bout de mon impasse, me perdre parmi les beaux souvenirs, habiter de doux romans, vivre au fond des livres.
Afficher en entierDepuis quelque temps, des hommes en assassinaient d'autres en toute impunité, sous le même soleil de midi qu'autrefois.
Afficher en entierAvec le reste de notre récolte, nous sommes retournés dans le Combi Volkswagen pour nous gaver de mangues. Une orgie. Le jus nous coulait sur le menton, les joues, les bras, les vêtements, les pieds. Les noyaux glissants étaient sucés, tondus, rasés. L’envers de la peau du fruit raclé, curé, nettoyé. La chair filandreuse nous restait entre les dents.
Afficher en entierMamie en voulait à Maman de ne pas nous parler kinyarwanda, elle disait que cette langue nous permettrait de garder notre identité malgré l’exil, sinon nous ne deviendrions jamais de bons Banyarwandas, « ceux qui viennent du Rwanda ». Ma mère se fichait de ces arguments, pour elle, nous étions des petits blancs, à la peau légèrement caramel, mais blancs quand même.
Afficher en entierLe génocide est une marée noire, ceux qui ne s'y sont pas noyés sont mazoutés à vie. p.185
Afficher en entierIl m'obsède, ce retour. Pas un jour sans que le pays ne se rappelle à moi. Un bruit furtif, une odeur diffuse, une lumière d'après-midi, un geste, un silence parfois suffisent à réveiller le souvenir de l'enfance.
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