Extrait

Damen portait des vêtements vérétiens. Il les sentait sur lui, le col haut, le tissu lacé pour épouser les lignes de son corps, les manches longues, les hautes bottes luisantes. Même ses cheveux avaient été coupés dans le style vérétien. Il vit l’homme voir tout cela d’abord, puis il le vit le voir, lui.

— La dernière fois que nous nous sommes parlé, c’était durant la saison des abricots, dit Damen en akielonien. Nous avons marché ensemble dans le jardin, la nuit. Tu as pris mon bras et tu m’as offert tes conseils, mais je ne t’ai pas écouté. Nikandros de Delpha lui rendit son regard. D’une voix stupéfaite, parlant comme pour lui-même, il dit :

— Ce n’est pas possible.

— Mon vieil ami, tu arrives dans un pays où rien n’est comme nous le pensions.

Nikandros ne réagit pas. Il le regarda en silence, aussi blanc que s’il avait reçu un coup. Puis, comme si ses jambes se dérobaient sous lui l’une après l’autre, il s’agenouilla lentement,commandant akielonien se prosternant sur les pierres rudes et usées d’un fort vérétien. Il dit :

— Damianos.

Avant que Damen n’ait pu dire à Nikandros de se relever, il entendit une autre voix répéter son nom. Puis une autre encore. Son nom parcourait les hommes assemblés dans la cour, prononcé d’un ton de stupeur respectueuse. L’intendant, près de Nikandros, s’agenouillait. Puis quatre hommes parmi les premiers rangs. Puis d’autres, par dizaines, rangée après rangée de soldats. Sous les yeux de Damen, l’armée tomba à genoux, jusqu’à ce que la cour ne soit plus qu’un océan de têtes baissées, et que le silence ait remplacé les murmures, les mots répétés tant et tant de fois :

— Il est vivant. Le fils du roi est vivant. Damianos !