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Acte III
Bérenger
Cela en avait bien l'air pourtant. Si vous aviez vu dans quel état... l'expression de sa figure...
Dudard
C'est parce que c'est vous qui vous trouviez par hasard chez lui. Avec n'importe qui cela se serait passé de la même façon.
Bérenger
Devant moi, étant donné notre passé commun, il aurait pu se retenir.
Dudard
Vous vous croyez le centre du monde, vous croyez que tout ce qui arrive vous concerne personnellement ! Vous n'êtes pas la cible universelle !
Bérenger
C'est peut (être juste. Je vais tacher de me raisonner. Cependant le phénomène en soi est inquiétant. Moi, à vrai dire, cela me bouleverse. Comment l'expliquer ?
Dudard
Pour le moment, je ne trouve pas encore une explication satisfaisante. Je constate les faits, je les enregistre. Cela existe, donc cela doit pouvoir s'expliquer. Des curiosités de la nature, des bizarreries, des extravagances, un jeu, qui sait ?
Bérenger
Jean était très orgueilleux. Moi, je n'ai pas d'ambition. Je me contente de ce que je suis.
Dudard
Peut-être aimait-il l'air pur, la compagne, l'espace... peut-être avait-il besoin de se détendre. Je ne dis pas ça pour l'excuser...
Bérenger
Je vous comprends, enfin j'essaye. Pourtant, même si on m'accusait de ne pas avoir l'esprit sportif ou d'être un petit-bourgeois, figé dans un univers clos, je resterais sur mes positions.
Dudard
Nous resterons tous les mêmes, bien sur. Alors pourquoi vous inquiétez-vous pour quelques cas de rhino cérite ? Cela peut-être aussi une maladie.
Bérenger
Justement, j'ai peur de la contagion.
Dudard
Oh ! N'y pensez plus. Vraiment, vous attachez trop d'importance à la chose. L'exemple de Jean n'est pas symptomatique, n'est pas représentatif, vous avez dit vous-même que Jean était orgueilleux. A mon avis, excusez-moi de dire du mal de votre ami, c'était un excité, un peu sauvage, un excentrique, on ne prend pas en considération les originaux. C'est la moyenne qui compte.
Bérenger
Alors cela s'éclaire. Vous voyez, vous ne pouviez pas expliquer le phénomène. Eh bien, voilà, vous venez de me donner une explication plausible. Pourtant, il avait des arguments, il semblait avoir réfléchi à la question, muri sa décision... Mais Bœuf, Bœuf, était-il fou lui aussi ?... et les autres, les autres ?...
Dudard
Il reste l'hypothèse de l'épidémie. C'est comme la grippe. Ça c'est déjà vu des épidémies.
Bérenger
Elles n'ont jamais ressemblé à celle-ci. Et si ça venait des colonies ?
Dudard
En tout cas, vous ne pouvez pas prétendre que Bœuf et les autres, eux aussi, ont fait ce qu'ils ont fait, ou sont devenus ce qu'ils sont devenus, exprès pour vous ennuyer. Ils ne se seraient pas donné ce mal.
Bérenger
C'est vrai, c'est sensé ce que vous dites, c'est une parole rassurante... ou peut-être, au contraire, cela est-il plus grave encore ? (On entend des rhinocéros galoper sous la fenêtre du fond.) Tenez, vous entendez ? (Il se précipite vers la fenêtre.)
Dudard
Laissez-les donc tranquilles ! (Bérenger referme la fenêtre.) En quoi vous gênent-ils ? Vraiment, ils vous obsèdent. Ce n'est pas bien. Vous vous épuisez nerveusement. Vous avez eu un choc, c'est entendu ! N'en cherchez pas d'autres. Maintenant, tachez tout simplement de vous rétablir.
Bérenger
Je me demande si je suis bien immunisé.
Dudard
De toute façon, ce n'est pas mortel. Il y a des maladies qui sont saines. Je suis convaincu qu'on en guérit si on veut. Ç a leur passera, allez.
Bérenger
Ça doit certainement laisser des traces ! Un tel déséquilibre organique ne peut pas ne pas en laisser...
Dudard
C'est passager, ne vous en faites pas.
Bérenger
Vous en êtes convaincu ?
Dudard
Je le crois, oui, je le suppose.
Bérenger
Mais si on ne veut vraiment pas, n'est-ce pas, si on ne veut vraiment pas attraper ce mal qui est un mal nerveux, on ne l'attrape pas, on ne l'attrape pas !...Voulez-vous un verre de cognac ?
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