Extraits

Le conteneur fut déposé au bord du cratère et le garçon musculeux qui avait accueilli le clan fit aussitôt sauter les fermoirs maintenant le capot en place. Les enfants se pressaient autour de lui, alléchés par ce coffre aux trésors remplis de choses succulentes.

On parlait peu à l’intérieur du cratère car la configuration du trou – un porte-voix tourné vers le ciel – amplifiait considérablement le moindre mot. Un chuchotement émis à quinze ou vingt mètres en contrebas vous parvenait avec une parfaite netteté, comme si la bouche inconnue murmurant ces paroles se tenait près de votre oreille. Cette acoustique particulière rendait vain le plus simple espoir d’intimité. Toute parole franchissant vos lèvres devenait aussitôt la propriété du clan tout entier, ce phénomène avait joué un mauvais tour à plus d’un visiteur car il fallait se garder de médire de ses voisins si l’on ne voulait pas du même coup s’attirer leur haine. Entre eux les enterrés communiquaient par gestes.

Le clan rebroussa donc chemin pour rejoindre le cratère qui s’ouvrait au nord de la plaine. Malgré l’absence de cartes et l’uniformité trompeuse des repères géographiques on pouvait aisément localiser l’endroit en se hissant sur une excroissance rocheuse ou en escaladant le tronc d’un arbre artificiel. C’était un entonnoir d’un diamètre moyen, mais assez profond, et dont les parois vitrifiées descendaient en pente vive vers la flaque d’obscurité qui stagnait tout en bas. Pour un coureur de désert habitué à l’immensité monotone du paysage laminé par les chars, l’impact constituait un séjour angoissant parce que étroit, sombre et mal aéré. Le lieu, pour bizarre qu’il fût, présentait tout de même des avantages, et c’étaient ces avantages que la tribu des enterrés monnayait âprement dès qu’on lui demandait l’hospitalité.

Personne ne savait qui avait eu un jour l’idée de suivre les chars. Cela c’était fait comme ça, sans que quelqu’un énonce clairement la décision…

Non, en réalité ce n’était pas tout à fait vrai. En cherchant bien, Dan se rappelait que quelqu’un avait lancé :

« — On dirait qu’on serait des Indiens, et qu’on galoperait à travers la prairie pour chasser le bison. »

Souvent, Dan revivait en rêve l’arrivée du Rinocérox. La vibration du sol d’abord, telle une démangeaison sous la plante des pieds, quelque chose d’agaçant qui vous donnait envie de vous gratter, puis l’enchaînement des petits éclatements secs, comme des gifles. Paf-paf-paf. Il lui avait fallu un moment pour comprendre qu’il s’agissait en réalité du bruit des cailloux explosant sous la formidable pression des chenilles-squelettes. Ce n’est qu’en voyant le char à l’œuvre qu’il avait enfin entrevu l’incroyable puissance de l’engin.