Extraits

« Qu’est-ce que tu veux ?

— Toi.

— Je suis là.

— Toi, nu. »

Je la fixe. Est-ce que j’ai bien entendu ses paroles ?

« Tu as bu de l’alcool dans l’avion ?

— Non, pas une goutte.

— Tu as pris du crack ?

— Non plus.

— Dans ce cas, tu devrais dormir. Le manque de sommeil agit sur ton cerveau. »

Prologue :

" Il n’existe que deux sortes de gens : moi et les autres. Les autres étant ceux qui ressentent, éprouvent, aiment, détestent et qui m’emmerdent à longueur de journée. Mais depuis quelque temps, il y a aussi Abigael. Définitivement à mi-chemin entre ces deux catégories.

Or, pour la première fois de toute ma vie, j’éprouve quelque chose… quelque chose de si fort et de si violent que je ne sais pas comment y faire face. Je suis habitué à la colère, à la frustration, à toutes ces formes de violence qui me dominent et composent ma personnalité, mais là, il s’agit d’une forme nouvelle : une fureur si énorme, si colossale que je n’arrive même pas à la gérer. Elle plaque sur moi des mailles inhumaines et j’ai envie de tout exploser, tout flamber, tout massacrer, parce que…

Abigael est couchée sur ce lit, avec des tuyaux qui lui sortent de partout. J’entends le bip de son cœur qui bat lentement, de manière monotone. Ça me distrait de l’entendre, mais ses yeux sont clos depuis bien trop longtemps maintenant. Sa bouche ne s’ouvre pas pour me débiter toutes ses âneries. Elle n’est pas en train de me sourire pour tenter d’obtenir quelque chose en croyant que je ne la vois pas venir à des kilomètres. Elle ne parle pas sans arrêt jusqu’à me rendre presque sourd. Elle n’est pas allongée dans mon lit, soumise à mes désirs. Elle n’est pas… là.

La fureur prend forme dans mon âme de manière démesurée. Je regarde son enveloppe vide disposée sur ce lit et quand l’infirmière entre dans la chambre, elle a un mouvement de recul en apercevant mon visage. Si ça continue, je ne vais plus parvenir à me dominer.

Parce que… c’est ma faute si elle est là."

"Abiagel...écoute-moi, c'est la seule chose que tu ne peux pas me demander. Je. Ne. Peut. Pas. Être. Père. Quel genre d'homme sui-je ? Tu le sais mieux que quiconque. S'il n'existe pas de statistique pour déterminer si cet enfant aura ou n'aura pas ma capacité émotionnelle, s'il sera aussi maudit que je le suis, s'il sera normal ou anormal, es-tu prête à offrir à l'humanité un être tel que moi ? Es-tu prête à voir grandir un enfant incapable de t'aimer ? Un enfant qui ne pensera qu'à lui-même ou à la façon d'élaborer une nouvelle manière de blesser son prochain, parce que c'est amusant de le concevoir, et qui ne verra le monde que sous son pire aspect ? C'est vraiment ce que tu désires ?"

Ses larmes deviennent plus épaisses, en roulant sur ses joues en un flot intarissable.

"Et quand bien même cet enfant sera normal, à quelle menace comptes-tu l'exposer ? Il y a 99% de chance que j'ai envie de l’étouffer avec un oreiller quand il va hurler, pleurer ou geindre, 99% de chance que j'oublie de lui donner son petit déjeuner, 99% de chance que je me foute complètement de son existence. Je risque d'ignorer et de mépriser mon propre enfant. Abigael. Je pourrais partir de la maison en l'oubliant, parce que je ne m'en soucierai pas. Tu souhaites vraiment lui offrir un père tel que moi ? Si je cherche mon âme en toi, Abigael, à travers mes fantasmes, on sait tout les deux que je ne la trouverai jamais. Elle s'est perdue. Elle n'existe plus. Veux-tu vraiment confronter un être à ça ? L'inclure dans notre famille au point qu'il se détruira lentement, inéluctablement, et deviendra l'ombre de ce qu'il aurait dû être. Ne soit pas égoïste, arrogante ou pleine d'espoir. C'est la réalité de mon monde. C'est la raison pour laquelle je ne veux pas d'enfant. C'est peut-être le seul acte de générosité que je ferais dans ma vie".

Je lâche la structure métallique du lit d'Abigael et me dirige vers le fauteuil à ses côtés. Je m'y installe, repère la silhouette de l'infirmière qui se déplace aussitôt pour se poster devant moi, m'affichant son postérieur et me dissimulant le visage d'Abigael.

La colère jaillit d'un coup, elle me déborde, me vicie, devient obscure, obsédante et perverse.

Je me relève d'un bond, saisit brutalement le poignet de l'infirmière et la plaque contre le mur :

"Tu va arrêter de m'afficher ton gros cul et d'imaginer que j'ai envie de te culbuter. Même un singe aux neurones atrophiés n'en aurait rien à foutre. Tu t'occupes de ma fiancée avec le respect qu'elle mérite et tu déguerpies, si non je me ferais un plaisir de trancher tes putains de veines avec le scalpel du médecin que tu te tapes, c'est clair ?"

« Le désir de te posséder est sauvage. Il me déstabilise et me rend agressif… »

« Je suis un monstre. Je suis un monstre. Je suis un monstre… qu’une femme au cœur pur s’est surprise à aimer. Suis-je en train de démolir ce cœur? De le noircir au point de le rendre méconnaissable? »

« Les membres de ma famille sont des morceaux de verre : certains sont tranchants et acérés, et d’autres sont seulement brisés. »

« -Si ni mon cul ni mon portefeuille ne t’attirent, il te faudra un jour m’expliquer pour quelle raison tu comptes m’épouser. Je te conseille d’être convaincant à ce moment-là si tu veux que j’accepte ta proposition. Au demeurant, tu souhaites me saigner comme un cochon, alors sois très, très persuasif. »

« -Mais tu dois avoir peur, je m’exclame en me relevant. Je suis un putain de sociopathe, Abigael. Je suis en train de t’avouer que j’ai envie de te blesser. Tu devrais être morte de trouille, t’enfuir loin de moi, pleurer, crier, avoir une réaction normale. »

« -Plus je te possède, plus je t’aime. Plus je te tourmente, plus je t’aime. Plus je te manipule, plus je t’aime. »