Les Entremondes - La série

Seul dans sa misérable cabane, James Bird, le vieux noir, repense au jour où il est mort, pour la première fois... Cela s'est passé, il y a quarante ans environ. Le shérif Metzger, raciste notoire, avait tenté de l'assassiner. Les deux hommes s'étaient entretués avant de se retrouver ailleurs, dans un entremonde nommé Lazarr. Lazarr, c'est l'éternelle histoire de Caïn et Abel transposée dans le Mississipi des années cinquante par les frères Larcenet (amis et complices pour l'occasion, du moins, on le suppose). Les auteurs imaginent l'histoire d'un blanc et d'un noir liés par la haine viscérale que le premier voue au second. Ils les envoient régler leurs comptes (si faire se peut) dans un purgatoire aride. Ils en tirent un récit au fantastique bonhomme peuplé de créatures bêtes et méchantes. Tout ce beau monde s'étripe à qui mieux mieux en échangeant des propos savoureux quoique acerbes et salés. Bref, l'humour noir des frères Larcenet adoucit un constat désabusé: la réconciliation entre Caïn et Abel, ce n'est pas pour demain.

Une nouvelle collection est née. Fraîche comme un gardon. Pas le genre à nager en eau tiède. Plutôt ... nouvelle vague. Bon. Une fois évacuées les images maritimes et poissonnières, on peut dire que "Poisson Pilote" - dont la partie "Pilote" évoque le journal où naquit une magnifique génération d'auteurs - est une collection pas comme les autres, dans la mesure où elle ressemble plus à une "école" qu'à un ramassis de livres de même format qui parleraient tous de la pêche à la morue, par exemple. D'ailleurs, quand "Poisson Pilote" sera devenue culte - ça lui pend au nez -, on la citera comme la célèbre école qui eut le bon goût de naître un 1er avril. (Poisson d'avril, rions un peu...) En attendant, "Poisson Pilote" est une famille (un banc, si vous voulez) d'auteurs spécialement inventifs qui ont avancé dans la BD comme on explore une terre vierge. Pour ne citer qu'eux : David B., Manu Larcenet, Frank Le Gall, Pierre Le Gall, Fabrice Parme, Joann Sfar, Lewis Trondheim. Si farfelues que soient leurs trajectoires, elles donnent le sentiment d'une cohérence et d'une exigence : on dirait que ces gens-là ont vraiment réfléchi à cette forme d'art et aux immenses possibilités qu'elle offrait. Ou alors ça leur est venu comme ça, en faisant cuire le café. Allez savoir. Ils existaient déjà, la collection "Poisson Pilote" a été créée pour eux.