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Dans ce siècle récemment achevé, La vitesse signe et identifie notre modernité. (...) Qu'on le veuille ou non, c'est ainsi. Un éloge réactionnaire de la lenteur contraint à flatter la nostalgie, à entretenir la passion facile pour les souvenirs et à cultiver l'angoisse du futur.
Afficher en entierTâche d’entrer dans un monde inconnu, sans prévenance, en spectateur désengagé, soucieux ni de rire ni de pleurer, ni de juger ni de condamner, ni d’absoudre ni de lancer des anathèmes, mais désireux de saisir de l’intérieur, de comprendre – selon l’étymologie. Le comparatiste désigne toujours le touriste, l’anatomiste signale le voyageur. [...] Aller quelque part, c’est la plupart du temps se diriger au-devant des lieux communs associés depuis toujours à la destination élue.
Afficher en entierDans le voyage, on découvre seulement ce dont on est porteur. Le vide du voyageur fabrique la vacuité du voyage.
Afficher en entierToutes les idéologies dominantes exercent leur contrôle, leur domination, voire leur violence sur le nomade. Les Empires se constituent toujours sur la réduction à rien des figures errantes ou des peuples mobiles.
Afficher en entierLe voyage commence donc dans une bibliothèque. Ou dans une libraire. [...] on rencontre la sédentarité des rayonnages et des salles de lecture, voire celle du domicile où s’accumulent les ouvrages, les atlas, les romans, les poèmes, et tous les livres qui, de près ou de loin, contribuent à la formulation, à la réalisation, à la concrétisation d’un choix de destination.
Afficher en entierVoyager suppose donc refuser l’emploi du temps laborieux de la civilisation au profit du loisir inventif et joyeux. L’art du voyage induit une éthique ludique, une déclaration de guerre au quadrillage et au chronométrage de l’existence. […] Partir c’est emboîter le pas des bergers, c’est expérimenter un genre de panthéisme extrêmement païen et retrouver la trace des dieux anciens – dieux des carrefours et de la chance, de la fortune et de l’ivresse, de la fécondité et de la joie, dieux des routes et de la communication, de la nature et de la fatalité – et rompre les amarres avec les entraves et les servitudes du monde moderne. […] Voyager met en demeure de fonctionner à plein sensuellement.
Afficher en entierLe réel n'existe pas en soi, dans l'absolu, mais perçu.
Afficher en entier[...] j’aime les espaces jaunes du colza, verts du blé en herbe, violets ou mauves de la lavande, j’aime voir les rivages découpés, les côtes du littoral, les courants et les jeux de la mer, les réseaux hydrographiques, lacs, rivières, étangs, marécages transformés en miroirs violents par le soleil, j’aime voir passer les voitures, petites traces lentes sur les routes, files les trains, longs serpents ondulants, glisser les péniches, lourdes et lentes, ou marcher les humaines, futiles et essentiels.
Afficher en entierPlus tard, le temps de l’événement loin derrière soi, il reste des instants congelés en formes susceptibles de réactivations immédiates. Ces traces justifient moins le voyage qu’elles le rendent partiellement immortel.
Afficher en entierDonc, les livres et en premier lieu, l’atlas – bible du nomade, nécessairement nourri de géographie, de géologie, de climatologie, d’hydrologie, de topographie, d’orographie. Sur une carte, on effectue son premier voyage, le plus magique, certainement, le plus mystérieux, sûrement.
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