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Je me suis toujours demandé comment je réagirais en pareille situation. Lui et moi, face à face, des années après. Certes, il y avait peu de chances que cela se produise, lui séjournant aux États-Unis, moi en France. Mais l’idée d’une rencontre fortuite m’est passée par la tête une bonne centaine de fois. Bon, ok, un million de fois. Maladroite comme je suis, je me suis vue trébucher lamentablement en le croisant dans des escaliers, renverser mon café latte sur sa chemise immaculée ou encore lâcher mes dossiers et cogner ma tête contre la sienne en tentant de les ramasser. Vadim Arcadi a été mon premier amour. De ceux qu’on n’oublie pas, même si la terre entière s’échine à vous répéter « Grandis, passe à autre chose… ».

Ses yeux limpides survolent la pièce, se posent sur moi, s’écarquillent. Puis plus rien, ils sont déjà loin. Un simple regard et tout me revient. Ma respiration joue aux montagnes russes, mes membres s’engourdissent, je suffoque dans cette salle de réunion ultra climatisée, tire sur ma robe de tailleur comme une adolescente complexée. La pièce embaume désormais d’un parfum musqué aux effluves de cuir et de romarin, je reconnaîtrais cette fragrance envoûtante parmi des milliers : Paco Rabanne pour homme. Le parfum qu’il portait à l’époque, le premier cadeau que je lui ai offert.

À cet instant, j’ai à nouveau 18 ans. Lui semble différent. Je reprends mes esprits – du moins en partie – et fais en sorte de l’avoir à nouveau dans ma ligne de mire. Je l’étudie, l’observe, le détaille. Sa masse de cheveux bruns ondulés, dans lesquels j’aimais tant passer mes doigts est devenue une coupe mi-longue savamment coiffée-décoiffée. Le rebelle a laissé place au businessman, soucieux de maîtriser son image. Ses yeux gris délavé, si purs, semblent s’être encore un peu éclaircis avec les années. Ses mâchoires viriles recouvertes d’une barbe de trois jours ont remplacé ses joues imberbes. Le souvenir de sa peau divinement douce me revient, un frisson me parcourt les reins. Ses traits sont plus marqués, son corps semble s’être déployé, il a l’air plus grand, plus affirmé. Le Vadim de mon passé ne se séparait jamais de son Perfecto en cuir usé, le Vadim d’aujourd’hui, lui, étale son pouvoir et son argent dans un costume flambant neuf de grand créateur. Il est si beau. Plus beau qu’avant, si cela est seulement possible. Il doit avoir toutes les femmes à ses pieds. C’est idiot, je ne lui ai pas adressé un mot, nos regards se sont croisés à peine deux secondes, mais je sens déjà poindre une once de jalousie. Je n’ai jamais été possessive, ce n’est pas dans ma nature. Sauf avec lui.

Il y a prescription, Alma…

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