Extraits

- Mec, si je te pose une autre question, tu me jures que tu ne vas pas me frapper ?

- Ça dépend de la question.

- C'est comment, avec elle ? C'est vrai ce qu'on dit sur les nanas plus âgées ?

- Elle n'est pas beaucoup plus âgée que nous.

- Mouais, bon, ok. Bref, c'est comment ?

- C'est incroyable.

- Qu'est-ce qu'elle fait ?

- Elle fait tout, Ben.

— J’ai déjà pensé à ça. Je suis stérile.

Cette révélation était si inattendue que je n’ai tout d’abord pas su quoi dire.

— À cause du cancer ?

— Oui. J’ai eu un paquet de chimio.

— Oh, T.J., je suis désolée… Je n’avais pas réfléchi.

Rien de tel que parler de désir de bébé à quelqu’un ayant échangé sa fertilité contre sa survie…

— Ce n’est rien. Avant de commencer la chimio, le médecin m’a expliqué que, si je voulais avoir des enfants un jour, je devais tout de suite faire congeler du sperme, parce que ce serait trop tard une fois que le traitement aurait débuté. J’ai décidé de garder la possibilité d’en avoir.

— Eh bien, ce n’est pas vraiment le genre de décision que doivent prendre les adolescents de quinze ans.

— Non. Notre souci, c’est plutôt de ne pas mettre les filles enceintes. Mais la suite va peut-être te faire rire. Donc, j’ai pris rendez-vous à la banque de sperme. Ma mère m’a dit qu’elle allait m’y conduire, et elle m’a donné l’un des exemplaires de Playboy de mon père – en passant, j’avais des revues bien plus trash cachées dans mon placard – en me demandant le plus sérieusement du monde si je savais comment faire.

— Non, tu plaisantes, là !

— Non, s’est-il esclaffé. J’avais quinze ans, Anna. J’étais un expert en la matière, mais je n’avais aucune envie de parler de branlette avec ma mère !

— Oh, mon Dieu, je vais m’étouffer, ai-je hoqueté, riant si fort que des larmes roulaient sur mes joues.

— Quand je suis retourné à la banque de sperme, c’est mon père qui m’a emmené.

Je me suis essuyé les yeux en essayant de calmer mon fou rire.

— Tu veux savoir quelle est ta plus grande qualité ?

— Je suis beau comme un dieu ? a-t-il répliqué du tac au tac.

J’ai été prise d’un nouvel accès d’hilarité.

— Je vois que mon compliment t’est monté droit à la tête. Non, ce n’est pas ça. Je veux que tu saches qu’il est presque impossible de ne pas être heureux quand tu te trouves dans les parages.

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J'ai trouvé T.J. au bord de l'eau.

- Quelqu'un a regardé la date dans le calendrier.

Un sourire s'est dessiné sur ses lèvres.

- Je ne voulais pas manquer la Saint-Valentin.

Je l'ai embrassé.

- Tu es si gentil avec moi.

- Ce n'est pas difficile, Anna, a-t-il répliqué, m'attirant plus près.

Quand j'ai plongé les yeux dans les siens, il m'a entraînée dans un slow. Je lui ai enlacé le cou, et nous avons dansé, le sable chaud et doux sous nos pieds.

- Tu n'as pas besoin de musique, on dirait.

- Non, a répondu T.J. En revanche, j'ai besoin de toi.

- Je m'ennuie, ai-je soupiré tandis qu'Anna et moi faisions des allers et retours à la nage dans le lagon en attendant les dauphins.

- Moi aussi, a-t-elle avoué en faisant la planche. Hé, on pourrait essayer de faire le porté de Johnny et Bébé !

- Je n'ai rien compris à ce que tu viens de dire.

- Tu n'as jamais vu Dirty Dancing ?

-Non.

Dommage, car le titre me plaisait assez.

- C'est un chouette film. Je l'ai vu quand j'étais au lycée. En 1987, je crois.

- J'avais deux ans.

- Oh. Parfois, j'oublie à quel point tu es jeune.

J'ai secoué la tête.

- Je ne suis pas si jeune que ça.

- Enfin bref, Patrick Swayze y jouait le rôle de Johnny Castle, un professeur de danse d'un village-club des catskill. Jennifer Grey était Bébé Houseman, une jeune femme qui passait là des vacances avec sa famille. (Anna a marqué une légère pause.) Dis donc, je viens de penser à un truc. Bébé devait y séjourner tout l'été avec ses parents, exactement comme toi.

- Et elle était furax, elle aussi ? Ai-je demandé.

Anna a secoué la tête en riant.

- Je ne crois pas. Johnny et elle sont sortis ensemble et ont passé beaucoup de temps au lit.

Pourquoi je n'ai jamais vu ce film ? Ça a l'air génial !

- Mais ensuite Penny, la partenaire de danse de Johnny, est tombée enceinte, et Bébé a dû prendre sa place, a poursuivi Anna. Il y avait un mouvement particulièrement difficile qu'elle n'arrivait pas à exécuter, au début, alors ils se sont entraînés dans l'eau.

- Et c'est ça que tu veux faire ?

Si ça signifiait que je devrais la toucher, j'étais plus que partant.

- J'ai toujours voulu essayer. Ça na doit pas être si difficile que ça. (Elle s'est placée debout devant moi.) Bon, je vais courir vers toi. Quand je sauterai, tu devras mettre tes mains là.

Elle a pris mes mains et les a posées sur ses hanches.

- Ensuite tu devras me soulever au-dessus de ta tête, bras tendus. Tu penses que tu réussiras à me soulever ?

J'ai levé les yeux au ciel.

- Bien sûr.

- Bizarrement, Bébé portait un pantalon dans l'eau pour s'exercer à faire ce mouvement. Je n'ai jamais compris pourquoi. Bon, tu es prêt ?

Lorsque j'ai répondu « oui », Anna a couru vers moi et a sauté. Dès que mes mains ont effleuré ses hanches, elle s'est effondré sur moi, prétextant que je la chatouillais. Mon visage s'est retrouvé pile entre ses jambes.

- La prochaine fois, ne me chatouille pas, a-t-elle lancé après s'être libérée.

J'ai éclaté de rire.

- Je ne te t'ai pas chatouillée. J'ai juste posé les mains là où tu m'as dit de les mettre.

- Bon, recommençons. (Elle a reculé pour prendre son élan.) J'arrive !

Quand j'ai tenté de la porter, j'ai perdu l'équilibre, car l'eau était trop profonde. Je suis tombé en arrière, et Anna a atterri sur moi , ce qui n'était pas pour me déplaire.

- Merde, c'était ma faute, me suis-je excusé. Il faut se rapprocher un peu du rivage. Essaie encore.

Cette fois, nous avons parfaitement exécuté le mouvement. J'ai soulevé Anna, qui a tendu les bras et les jambes en arquant le dos.

- On a réussi ! S'est-elle écriée.

Je l'ai tenue en l'air aussi longtemps que je l'ai pu, puis j'ai fléchi les bras. J'avais reculé de quelques pas pour remonter une légère pente et, dès que les pieds d'Anna ont touché le sable, sa tête s'est retrouvée sous la surface. Je l'ai relevée. Elle a repris son souffle et a passé les bras autour de mon cou. Quelques secondes plus tard, elle a enroulé les jambes autour de ma taille.

Elle semblait surprise, soit parce qu'elle ne s'attendait pas à ce que l'eau soit si profonde, soit parce que j'avais les mains posées sur ses fesses.

- J'ai trouvé ça vraiment amusant, ai-je déclaré.

En fait , si je la laissais descendre un peu plus bas, elle sentirait très exactement à quel point je m'amusais.

- Tant mieux.

Elle s'accrochait toujours à moi, et je m'apprêtais à l'embrasser quand elle a annoncé :

- On a de la compagnie.

Tournant la tête, j'ai aperçu quatre dauphins entrer dans le lagon. Ils sont aussitôt venus nous donner de petits coups de museau, leur manière de nous demander de jouer avec eux. Déçu, je me suis rapproché un peu du rivage avant de déposer Anna à un endroit où j'étais sûr qu'elle aurait pied.

J'adorais jouer avec les dauphins, mais je préférais mille fois jouer avec Anna.

"Ne renifle plus mes sous-vêtements dorénavant, ok?"

"Tu as vu ça, huh?"

"Oui"

(selon ma traduction)

"Tu ne vas pas guérir si tune tiens pas en place, T.J."

"Je m'ennuie. Et j'ai vraiment besoin d'un bain. Est-ce que tu pourras m'aider quand tu seras revenue?"

"Quoi? Non, je ne vais pas te donner de bain." C'est gênant.

"Anna, tu peux m'aider, ou tu peux me sentir."

(selon ma traduction)

Spoiler(cliquez pour révéler)— Tu savais qu’Anna finirait par rompre avec moi ?

Ma mère a hésité une seconde avant de répondre :

— Oui.

— Et comment pouvais-tu le savoir ?

Et comment se fait-il que, moi, je n’aie rien vu venir ?

Elle a baissé le son de la radio.

— Parce que je t’ai eu à vingt-cinq ans, T.J., et je te désirais de tout mon cœur. Ensuite, il m’a encore fallu attendre cinq ans avant de tomber enceinte de Grace. Voyant que ça ne marchait pas tout de suite, je me suis d’abord inquiétée, puis j’ai vraiment paniqué. Deux ans après la naissance de Grace, Alexis est arrivée, et j’ai enfin eu le sentiment que ma famille était au complet. Anna est certainement prête à fonder un foyer, T.J.

— Je l’aurais fondé avec elle.

— Elle a sans doute pensé qu’il ne serait pas sage d’accepter.

J’ai gardé les yeux rivés sur la voiture qui me précédait.

— Je lui ai dit que j’avais envie de passer le restant de ma vie avec elle. Elle m’a répondu que j’avais des choses à terminer. Des expériences à faire.

— Elle avait raison. Le fait qu’elle n’ait pas voulu t’en priver en dit beaucoup sur elle.

— C’est ma décision, maman.

— Mais cette décision n’affecte pas que toi.

Frappé par une subite prise de conscience, je me suis garé, serrant les dents si fort que j’en avais mal.

— C’est pour ça que tu étais si cool avec elle ? ai-je grondé, le visage en feu. « Soyons gentils avec la petite amie de T.J. en attendant qu’elle le largue », c’est ça ?

J’ai martelé le volant de coups de poing.

Ma mère a tressailli, puis a posé la main sur mon bras.

— Non. J’aime beaucoup Anna. Je l’apprécie encore plus maintenant que j’ai appris à la connaître. C’est quelqu’un de bien, T.J. Mais j’ai essayé de t’expliquer qu’elle en était à une autre étape de la vie que toi, et tu n’as pas voulu m’écouter.

J’ai regardé par la vitre jusqu’à ce que je me calme, puis me suis de nouveau engagé sur la route.

— Je l’aime toujours.

— Je sais.

— C’est une sacrée offre que T.J. t’a faite là.

— Oui.

Les larmes m’ont de nouveau brûlé les paupières avant de rouler sur mes joues. Je les ai essuyées du revers de la main.

— Mais je ne pourrais jamais tenir dans mes bras un bébé qui ait ses yeux ou son sourire si lui n’est pas là avec moi.

T.J. :

J'ai effleuré un string rouge, et j'ai regardé de plus près la fine ficelle noire reliée à la ceinture.

Puis j'en ai pris cinq ou six dans la main et y ai enfoui mon visage en inspirant.

- Qu'est ce que tu fais? s'est écriée Anna.

J'ai fait volte-face.

- Bon sang, tu m'as fait peur !

- Je cherche ton tee-shirt des REO Speedwagon.

J'ai précipitamment remis dans la valise le dessous que je tenais encore dans ma main.

- Vraiment? Parce que j'ai plutôt l'impression que tu joues avec mes petites culottes,, a-t-elle répliqué avant de ranger le shampoing.

Comme elle ne semblait pas fâchée, j'ai ressorti le string et le lui ai montré.

- Ca a vraiment l'air inconfortable.

- Donne-moi ca !

Je ne peux pas continuer comme ça, Sarah, avais-je poursuivi. Comment pourrait-il accepter un bébé alors qu'il est incapable de s'engager ? (J'avais secoué la tête.) Ca semble si facile, quand je regarde les autres femmes... Elles se marient. Un an ou deux après, elles fondent une famille. C'est simple, non ? Quand John et moi évoquons notre avenir, c'est à peu près aussi romantique qu'une transaction immobilière, avec presque autant de négociations.

Anna