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Ma génération est passée en un clin d’oeil de l’inconséquence à la paranoïa. J’ai l’impression que le changement a eu lieu en une nuit. Soudain, tous mes potes destroy des années 80 ne jurent plus que par la nourriture bio, le quinoa, le véganisme et les randonnées à vélo. Une sorte de GGBG (Gigantesque Gueule de Gois Générationnelle) s’est emparée de nous. Plus mes amis étaient foncedés dans les toilettes du baron il y a vingt ans plus ils me donnent des leçons d’hygiène de vie et de santé aujourd’hui. C’est d’autant plus surréaliste que je ne l’ai pas vu venir! J’étais peut-être dans un trou noir avec mes divorces et mes émissions de télé, je croyais qu’il était encore cool de se droguer avec des escort girls, je n’avais pas vu le monde changer autour de moi. Des mecs qui terminaient dans le caniveau à huit heures du mat sont devenus des ayatollahs des légumineuses, et mes anciens dealers, des apôtres de la marche en montagne chaussés de croquenots North Face. Tout d’un coup, si tu allumes une cigarette tu es un assassin suicidaire; si tu commandes une caïpirovska, un déchet puant. T’as pas lu Sylvain Tesson? Pauvre de toi. C’est leur passé qu’ils engueulent. Même Sylvain a failli crever à force de grimper bourré sur les toits. Arrêtez d’en faire un moine écologiste ! Tesson est comme moi : un alcoolique russophile qui a peur de crever.
Afficher en entierQuelque chose est advenu avec la révolution numérique: la mutation de l'égocentrisme en idéologie planétaire.
Afficher en entierLe selfie exhibé sur les réseaux sociaux est la nouvelle idéologie de notre temps: ce que l'écrivain italien Andrea Inglese appelle "l'unique passion légitime, celle de l'autopromotion permanente".
Afficher en entierAlterner la solitude et le brouhaha me protège de toute question désagréable sur le sens de ma vie.
Afficher en entier— Papa, j’ai pas envie que tu meures... Comme il est délectable de retirer sa carapace... Cette fois c’était moi qui m’embuais en réfugiant mon nez dans la douceur de son shampooing à la mandarine et au citron vert. Je ne comprenais toujours pas comment un homme aussi laid avait pu enfanter une fille aussi jolie.
— T’inquiète pas chérie, lui ai-je répondu, à partir de maintenant, plus personne ne meurt.
Nous étions beaux à voir, comme souvent les gens tristes. Le malheur embellit le regard. Toutes les familles heureuses se ressemblent, écrit Tolstoï au début d’Anna Karénine, mais il ajoute que chaque malheur est unique. Je ne suis pas d’accord : la mort est un malheur banal. Je me suis éclairci la gorge comme le faisait mon grand-père militaire quand il sentait qu’il était temps de rétablir l’ordre dans sa maison.
— Mon amour, tu te trompes complètement: certes, les gens, les animaux et les arbres mouraient pendant des millénaires, mais à partir de nous, c’est terminé.
Il ne me restait plus qu’à tenir cette promesse inconsidérée.
Afficher en entierLe selfie est le langage nouveau d'une époque narcissique: il remplace le cogito cartésien. "Je pense donc je suis" devient "Je pose donc je suis".
Afficher en entierLa mort est une image fractale: on plonge dans une figure mathématique qui se démultiplie à l'infini.
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