Extraits

- Ces gens se dirigent vers le nord à cause de moi, m'entendis-je dire. Ils ont entendu parler des événements à Naimes et ils pensent que je peux les aider. Ils croient que je suis une sainte.

- Ils ont peut être raison. Tu es suffisamment odieuse et agaçante pour en être une. Pour ce que j'en sais, c'est là le critère principal.

Il n’y avait encore pas si longtemps, le silence me serait apparu comme un soulagement béni. À présent, l’idée m’en paraissait plus lugubre que je ne pouvais l’imaginer. Si la Dame se montrait miséricordieuse, peut-être le revenant et moi serions réunis dans l’au-delà.

Sarathiel était en train de se briser en mille morceaux, et je pouvais sentir qu’il en était de même pour mon revenant.

Follement, je m’imaginai rassemblant ses morceaux de mes mains pour les étreindre contre ma poitrine, refusant de les laisser s’échapper.

— Lâche prise, me dit le revenant.

Sa voix était un horrible hurlement, presque méconnaissable, une tempête balayant mon esprit.

Je le serrai encore plus fort contre moi.

— Tu vas mourir ! rugit-il.

Je tins bon, animée par l’énergie du désespoir.

Le revenant se mit à lutter contre moi. La douleur était si intense que je pouvais à peine penser. J’oubliai un instant ma mission, pour m’en souvenir soudain dans une vague de souffrance qui me donna l’impression d’être réduite en charpie. Avec acharnement, je me mis à prier.

Dame, si je t’ai bien servie, épargne le revenant. Si Tu es miséricordieuse, laisse-le vivre. J’ai fait tout ce que Tu m’as demandé. J’ai souffert pour Toi. C’est la seule chose que je demande en retour.

Épargne le revenant.

Je t’en conjure, épargne le revenant…

Ma vision s’emplit d’une lumière argentée. Aucune réponse ne me parvint. Mais Elle ne pouvait pas m’ignorer pour toujours. Si Elle refusait de m’écouter, je Lui ferais regretter sa décision.

Je mourrais, et je me retrouverais alors bientôt face à Elle.

Qu'avait pu ressentir sainte Eugenia en affrontant le revenant sur cette colline, comme le dépeignait la tapisserie du scriptorium ? Avait-elle eu peur, ou la foi lui avait-elle donné un cœur d'acier ? Mais y avait-il seulement eu une colline baignée de soleil, un cheval cabré, une glorieuse bataille ? Peut-être ces éléments avaient-ils été inventés, de la même manière que ma sainte flèche ? Peut-être que les moments qui façonnaient le cours de l'Histoire ne relevaient pas de scènes dignes de figurer dans les légendes et sur les tapisseries, mais se déroulaient plutôt dans des endroits ordinaires comme celui-ci, dans une atmosphère de doute et de désespoir.

La chèvre, le revenant et moi, nous n'étions pas très différents, après tout. Peut-être qu'au fond de chaque être se dissimulait un animal effrayé, craignant d'être blessé, et que cela expliquait toutes ces choses déroutantes et méchantes et terribles que nous faisions.

p.367

L'autre nonne soupira. Je sentis le revenant se crisper et su avant de l'entendre qu'il s'agissait de mère Dolours.

- Je crains qu'une époque de saints et de miracles n'ait rien de réjouissant, sœur Marie. La Dame ne nous envoie pareils présents que dans les temps de ténèbres. Vous rappelez-vous les écrits de sainte Liliane ?

L'autre sœur garda un instant le silence, avant de répondre dans un murmure :

- "Et alors la cloche muette sonnera pour annoncer les Morts ; et la dernière chandelle sera allumée pour s'opposer à la nuit qui vient…"

p.219

Spoiler(cliquez pour révéler)Dame, si je t'ai bien servie, épargne le revenant. Si Tu es miséricordieuse, laisse-le vivre. J'ai fait tout ce que Tu m'as demandé. J'ai souffert pour Toi. C'est la seule chose que je demande en retour.

Spoiler(cliquez pour révéler)Épargne le revenant.

Spoiler(cliquez pour révéler)Je t'en conjure, épargne le revenant...

Spoiler(cliquez pour révéler)Ma vision s'emplit d'une lumière argentée. Aucune réponse ne me parvient. Mais Elle ne pouvait pas l'ignorer pour toujours. Si Elle refusait de m'écouter, je Lui ferais regretter sa décision.

Spoiler(cliquez pour révéler)Je mourrais, et je me retrouverais alors bientôt face à Elle.

J'aurais voulu dire ceci au revenant : Tu vois, c'est là la grâce de la Dame. Elle a toujours été présente. Elle m'a manifesté Sa grâce dans une gorgée d'eau quand j'étais assoiffée, dans un morceau de pain quand j'avais faim, et dans un lit quand j'étais fatiguée ; non par des miracles, mais par la bonté de ceux qui n'avaient rien à gagner à me secourir. C'est par les mains d'inconnus qu'Elle a accompli Sa volonté.

Si j'étais choisie pour recevoir une éducation plus poussée au sein de la Clergie, il me faudrait parler à des gens. Puis, une fois les études terminées, je serai ordonnée prêtresse, ce qui impliquait de devoir parler à encore plus de gens et aussi d'essayer de résoudre leurs problèmes spirituels, une perspective qui me paraissait horrible ; je les ferais sûrement pleurer.

Juste par curiosité, quand tu choisis une cachette, tu jettes toujours ton dévolu sur l’option la plus déplaisante qui s’offre à toi ?

Je balayai l’endroit du regard.

- Revenant, je te rappelle que tu es mort.

- Cela ne veut pas dire que j’aime me retrouver au milieu d’autres morts, rétorqua-t-il.