Extraits

— Quelle est la prochaine étape ? s’enquit Blair.

— Je vais aller mettre ces affiches en ville, déclara Sydney en lui faisant signe de venir voir ce qu’il avait fait.

Elle s’approcha donc de lui et regarda par-dessus son épaule.

— Euh, mon petit pancake, ne crois-tu pas que tu as poussé un petit peu trop loin dans le mélo ?

— Pourquoi penses-tu ça ?

Blair pointa son doigt vers l’écran et lut la phrase d’accroche choisie par Sydney :

— « Burton n’est pas qu’un ours en peluche. Déposé dans mon berceau à ma naissance, il est le seul souvenir qu’il me reste de ma mère, décédée dans un tragique accident de voiture lorsque j’avais cinq ans, et de l’amour qu’elle me portait. Aidez-moi à le retrouver. »

Sydney se contenta de hausser les épaules.

— Et ?

— Ta mère est au courant que tu te sers d’elle pour récupérer ton doudou ? Aux dernières nouvelles, elle allait plus que bien, il me semble.

Sydney ne prit même pas la peine d’arborer un air coupable. Au contraire, il choisit de feindre l’innocence.

— Elle ne m’en voudra pas. C’est pour la bonne cause !

— Si tu le dis, pouffa Blair en secouant la tête.

« Thayne termina son œuvre. Mais au lieu de s’éloigner de lui comme Sydney l’avait escompté, il prit son temps pour prendre quelques inspirations.

— Qu’est-ce que tu fais ? demanda Sydney, ses yeux allant de droite à gauche, observant les visages de ceux qui les dépassaient.

— Je te respire.

— C’est une réplique de tueur en série, ça. Tu le réalise au moins ?

Thayne gloussa, les éclats de son rire se répercutant dans chaque once du corps de Sydney, toujours pressé contre le sien.

— J’aime ton odeur, susurra Thayne. »

 Mais le monde dans lequel Sydney évoluait et était le plus à l’aise, était un monde virtuel, fait « d’amis » qu’il n’avait jamais vus, qu’il ne verrait très probablement jamais non plus. C’était facile, sans contrainte. Il pouvait prétendre que tout allait bien, qu’il souriait alors qu’en fait, son visage était strié de larmes. Personne ne voyait rien derrière son écran. Avec Thayne, c’était réel. Et Sydney se sentait basculer dans le vide à chaque nouvel affrontement. 

— Tu n’as pas besoin de te coller à moi pour ça. En plus, des gens pourraient nous voir et penser que…

— Si tu savais à quel point je m’en tape de ce que les gens pensent, Syd, rétorqua Thayne en enfonçant les agrafes dans l’écorce. 

Faire face à des centaines d’élèves dans un amphithéâtre l’avait rendu quelque peu fébrile, et même, complètement perdu. Sa tendance à l’agoraphobie s’était pourtant calmée depuis qu’il avait emménagé ici. Sydney avait donc pensé qu’il n’y avait aucune raison de décliner l’invitation de son ancien professeur, lorsqu’il lui avait demandé de venir partager son expérience. Grosse, grosse erreur. Se retrouver à vomir dans une corbeille devant un parterre de petits malins pouffant sans retenue n’était pas le plan. Ou alors, il avait oublié de lire les petites lignes en bas du contrat avant de le signer. Le résultat en restait inchangé : l’humiliation et la défaite. 

Toi ? Tu as embrassé un autre mec ? Sérieusement ?

Sydney acquiesça. Il avait l’impression d’être un extraterrestre à ce moment-là. A son premier vrai baiser à vingt-quatre ans faisait sans doute de vous quelqu’un en dehors de la norme

Les pensées de Sydney le ramenèrent vers Burton. Où était-il ? Est-ce qu’il se sentait aussi seul que lui ? Est-ce qu’au moins il était bien traité et pas parqué au fond d’un carton sentant le moisi ? Une image de son doudou assis sur une chaise, retenu par des cordes, un journal du jour dans les mains et un flingue sur la tempe traversa l’esprit torturé de Sydney. Il secoua la tête, atterré par ses propres réflexions. On n’avait pas enlevé Burton contre une rançon, c’était ridicule. Après tout, c’était Blair qui l’avait fait sortir de l’appartement. Mais… Sydney avait eu le loisir de regarder beaucoup de séries criminelles. Elles s’accordaient toutes sur un point. Dans la grande majorité des cas, la personne enlevée connaissait son ravisseur. Il observa Blair d’un oeil soupçonneux, fronçant les sourcils. D’un coup, Sydney ne se sentait plus en sécurité dans cette voiture, seul avec elle.

Vraiment, il n’était pas doué avec les gens. Avec les enfants, c’était encore pire. Ils lui fichaient la frousse. Néanmoins, Sydney savait qu’il en voudrait un jour. Des gosses qui soient les siens. Il se disait qu’ils seraient moins chiants que ceux des autres s’ils étaient à lui. Oui, il aimait aussi rêver, parfois.

« — Ça veut dire que tu me vois maintenant comme un prince sur son cheval blanc ? le taquina Thayne.

Sydney rit, secouant la tête.

— Ça ne risque pas, non. Je t’imagine très mal en collants. »

« — With this ring, I ask you be mine.

Sydney ne pensait pas que Thayne l’avait entendu. Erreur. Il sursauta en même temps que Victor à l’écran lorsque la main d’Emily encercla son poignet. Car simultanément, Thayne murmura à son oreille :

— C’est une proposition ?

D’un coup, d’un seul, le film s’évapora. Toute son attention était focalisée sur les battements du cœur qu’il percevait dans son dos. Calmes. Et à la fois forts, vibrants.»