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« Je ne sais pas si l'argent est la pire des drogues ; mais en tout cas, ça a bousillé notre vie. »
Afficher en entierLe désert n'a-t-il pas de fin ? Marcher et toujours marcher sans jamais pouvoir s'arrêter. Tout autour de nous, du sable, des cactus, des roches et encore du sable sans jamais savoir exactement où nous étions. Tout se ressemble dans le désert. L’endroit où vous étiez il y a dix minutes est le même que celui où vous êtes à présent, et le risque est de tourner en rond. Jim et moi tracions une ligne droite à travers le désert, en espérant qu'un jour, nous en verrions le bout, et qu'à ce bout se trouverait une petite ville. La civilisation... Comme j'en rêvais. Pour me motiver à continuer, j'imaginais une assiette pleine m'attendant dans le dîner à la limite de la ville. Je pouvais même imaginer l'odeur qui se dégageait de la cuisine. J'étais alors une sorte de mort-vivant, traînant les pieds dans le sable, animé par la seule pensée de nourriture. Je n'étais plus vraiment vivante ; mais je n'étais pas non plus complètement morte... du moins pas encore. Combien de temps ce supplice allait-il encore durer ?
Afficher en entierUn court silence s'installa entre nous. Des gamins comme Jim, il en existait des tas. C'était seulement la première fois que j'en côtoyais un. Des gamins comme Jim, la société n'en a que faire. Elle préfère fermer les yeux, et ignorer leur sorts. Les gamins dans son genre sont les sacrifiés du pays.
Afficher en entierJim était loin devant moi, nous guidant à travers cet étendu de sable et de cactus. Il faisait comme s'il savait où nous allions, mais en vérité, je suis sûre qu'il était aussi perdu que moi. Je le regardais avancer, en m'imaginant à quoi il ressemblerait, si je lui avais collé une balle dans la tête à Vegas. Le soleil me brûlait la peau et les yeux. J'aurais donné n'importe quoi contre un peu d'ombre, de l'eau, et une voiture. J'en commençais même à regretter Las Vegas.
Jim s'est arrêté soudainement.
Je me suis arrêtée à mon tour, gardant un espace de cinq mètres entre nous. Plissant les yeux, je l'ai regardé pour voir ce qu'il faisait. Le truc, c'est qu'il ne faisait rien. Il s'était simplement immobilisé, et s'était mis à regarder tout autour de lui, comme quelqu'un de perdu. Un guide ? Tu parles !
⸺ Me dis pas que tu sais pas où on est... ai-je lancé.
⸺ J'essaye de me repérer.
⸺ Te repérer ?! me suis-je exclamée avec un rire étouffé. Tu te fous de ma gueule ?! Tu veux te repérer dans le désert ?
Jim n'a pas répondu et a repris la route. Je l'ai suivi en rouspétant et l’injuriant à voix basse. Il a dit qu'il y aurait une ville bientôt. Je ne voyais aucune ville, moi, rien ; mis à part du sable et des cactus.
Afficher en entierLe tambourinement contre la porte me donnait mal à la tête, et j'aurais fait n'importe quoi pour qu'il s'arrête ; y compris me flanquer une balle dans le crâne. Je regardai tour à tour l'arme et mon reflet dans le miroir, et me disais que c'était peut-être la meilleure chose à faire. J'ai pris l'arme, et me la suis flanquée sur la tempe. Ma main tremblait, je ne ressentais pas la force d'appuyer sur la détente. Pourquoi était-ce à moi de mourir ? Pourquoi pas Jim ? Jim mort, il n'y aurait plus de problème. J'ai baissé mon arme, me suis de nouveau regardé dans le miroir. Oui, Jim devait mourir. J'ai pris une grande inspiration, et suis sortie en trombe de la salle de bain, faisant valser Jim en arrière.
J'ai pointé mon arme vers lui.
Afficher en entierLe cowboy a récupéré sa mise pour se lancer dans une deuxième partie. Il m'a glissé dans la main, sous la table, quelque chose que j'avais deviné, grâce à la texture, comme étant un billet. J'ai baissé les yeux pour avoir confirmation. Il m'offrait cent dollars.
⸺ Un cadeau, pour m'avoir porté bonheur mon ange, a-t-il soufflé.
J'ai relevé les yeux vers lui, lui souriant discrètement. Il a sorti de sa poche deux autres billets, et les a agité devant mon nez.
⸺ Tu restes ?
Afficher en entierJe ne savais pas quelle heure il était, et je ne savais pas non plus quel jour on était. C'est ça le piège à Vegas, à force de rester dans les casinos, on finit par perdre la notion du temps, et certains deviennent même fous. Les jours se suivent continuellement, et alors que tu crois être resté deux heures, t'y es depuis deux jours. Comment tu le devines ? À la tête des clients. Ce qui te maintient éveillé ? L'alcool et l'excitation des jeux.
Afficher en entierÀ Vegas, on vient pour jouer, bien sûr, mais aussi pour être vu et montrer toute l'étendue de sa richesse à travers ses vêtements et ses actions aux jeux. Ceux qui n'ont peur de rien sont ceux qui ont le moins à perdre. J'ai descendu les escaliers doré avec Jim, bras dessus, bras dessous. Je ne pouvais m'empêcher de sourire en voyant toutes ces têtes inconnues penchées au-dessus des tables de jeux et des machines à sous, tremblant pour la moindre carte jouée, pour le dé jeté et pour la roue tournée.
Afficher en entierPourquoi raconter notre histoire ? Et pourquoi maintenant ? Les médias s'en chargeaient déjà par ailleurs. Même s'il leur arrivait d'arranger la vérité à leur avantage, ils racontaient déjà notre histoire. J'ai ouvert le journal, et me suis mise à tourner les pages vides sans y voir un réel intérêt. Aujourd'hui, j'écris dans ce journal, et je commence doucement à comprendre l’intérêt derrière tout ça. Jim a senti que notre fin était proche et qu'il serait mieux de raconter nous-mêmes notre histoire ; au lieu de la voir écrite par un autre.
Afficher en entierJe suppose que, nous les femmes, sommes condamnées à être oubliées au détriment de nos semblables masculins. C'est amusant de voir qu'on ne connaît que très peu de hors-la-loi féminine, mais nous en connaissons des centaines masculins. Le sort qu'on a réservé à toutes ces femmes hors-la-loi et criminelles qu'on a oubliées semble me pendre au nez. Et si, à la fin, on ne se souvient que de Jim ? Et si, à la fin, le nom de Jim Warner resterait dans les annales, tandis que le mien serait oublié des mémoires communes ? Le nom de June Austin sera tombé dans l'oubli comme tous ceux de mes anciennes, et j'aurais alors fait tout ça pour rien, tous ces braquages, pour qu'au final, personne ne se souvienne de moi. C'est peut-être la raison pour laquelle j'écris ce journal après tout ; pour qu'on ne m'oublie pas. Et alors, ça me fait plaisir de savoir que des gens vont le lire, et auront mon nom gravé dans leur mémoire. Vous au moins, vous vous souviendrez de June Austin.
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