Extraits

C’était donc cela, la jalousie ? Cette sensation qu’un poison mortel se rependait lentement dans tout notre organisme.

Encore des secrets, toujours des secrets... Ma vie est un perpétuel secret.

Je peux choisir n'importe quoi ? m'assurai-je avec prudence. Mêle les souvenirs incluant... un garçon ?

- Surtout s'ils comprennent un garçon ! s'exclama Tellissia au bord de la jubilation.

- Je ne pense pas..., tenta de raisonner Leïna.

- De toute façon, tu ne penses jamais comme il faut, toi ! Mets-la en veilleuse, pour une fois !

L'accueil que Tellissia me réserva près du feu de joie, en compagnie d'une trentaine d'Ylas, me le confirma :

- Mily, prépare-toi au grand chamboulement ! Je vais être brève. Te voilà devant notre feu de joie. Il ne sert à rien d'autre qu'à nous rassembler. Inutile de pousser Magnensia dedans, ça ne lui fera rien. Je sais, c'est triste. Bref. Toutes les Ylas portant une robe rouge sont des niveaux 1 ou 2, sauf toi. Mais bon, tu t'en serais doutée.

Seule Magni demeurait hermétique à l'humour de Tellissia. Sa réaction provoqua d'autant plus mon amusement.

Le cancre réfractaire à toute forme d'autorité et la narcoleptique amnésique. Voilà ce à quoi Jules et moi étions réduits au regard des autres orphelins.

Les scientifiques appellent cela "mémoire éidétique" ou "mémoire absolue". Pour moi, c'est plutôt "mémoire anticonformiste". Tout portait à croire à une mauvaise blague :

" Quel est le comble pour une amnésique ?

Avoir une mémoire capable de retour absolument tout."

Je n'avais néanmoins pas la moindre idée des moyens par lesquels une catastrophe naturelle pouvait être cause d'autant de dégâts sur une seule personne à la fois. Qu'une tempête de cet acabit soit meurtrière, je le concevais très bien. Mais qu'elle me dépouille ainsi de tout repère... pas vraiment. Et pourtant, c'était bien réel. Je me souviens très clairement de na pas me souvenir (étrange comme tournure, n'est-ce pas ?).

Le secteur de la faune, donc. J'avais relevé le changement radical de couleur, passant du vert au jaune. C'est en levant la tête qu'il devint impossible de douter du secteur dans lequel nous nous trouvions. On aurait dit l'arche de Noé sans arche, sans Noé et sans limite du nombre d'animaux.

-Tu es quelqu’un de spécial, Mily, me réconforta Ilia. Je ne sais pas encore en quoi tu l’es, mais je sens que tu as un rôle important à jouer ici. Le peu de fois où j’ai eu l’occasion de te croiser, tu n’as fait qu’incarner ce qu’il manque cruellement sur Ylorior : une part d’humanité.

― Laissez-moi deviner… Ses parents sont des astronautes partis en mission dans l’espace et ils ont prévu de revenir dans cinquante-deux ans après avoir colonisé la planète Mars ?

À ces mots, Madame Peyrot s’esclaffa et répliqua :

― Cela fait un moment qu’il ne me l’a pas ressortie, celle-là !

― Ses parents voulaient avoir une fille, alors il est parti de chez lui parce qu’il en avait marre de porter des jupes et qu’on l’appelle Juliette ? tentai-je à nouveau.

― Je vois que je ne suis pas la seule à avoir le droit à ses histoires farfelues ! ricana Madame Peyrot de plus belle. J’espère que tu ne l’as pas cru tout de même !