Laelia

Prévu pour la journée suivante, le départ de Caius et Gemellus était précédé d'un somptueux dîner orchestré par Agrippina, Livilla et Drusilla. A l'heure du dessert, ceux qui étaient venus assurer leur allégeance à la famille impériale s'enthousiasmèrent à l'annonce d'un numéro exotique, que tout le gratin romain s'arrachait pour animer des réjouissances privées. "Il paraît que c'est un charmeur de serpent, accompagné d'un cobra indien, très venimeux, lança Caius aux femmes qui lui faisaient la conversation. J'espère que vous n'avez pas peur des reptiles, si ?

- En cas de problème, nous avons tes prétoriens pour nous protéger.

- J'ignore s'ils sont formés pour dompter les serpents. Aquila, Chaerea, avez-vous reçu une formation spécifique pour tuer les animaux dangereux ?

- Non, mais nous sommes formée pour nous adapter à tous les dangers, l'informa Chaerea de sa voix nasillarde, que Caius qualifiait d'effeminée.

- Vois, Iulia ! Nous sommes sauvés si jamais un incident survenait."

Intriguée par le silence inhabituel de Laelia, à demie allongée aux côtés de Marius, Agrippina se pencha vers elle pour s'enquérir de sa santé :

"Je te trouve bien discrète, ma chère amie, toi qui monopolises d'ordinaire les conversations. Le repas n'est pas à ton goût ? Trouves-tu le vin trop corsé ?

- Mon épouse se plaint de nombreux maux de tête ces derniers temps, mais le médecin dit que c'est guérissable, la devança Marius.

- Des maux de têtes ? J'ai une potion efficace contre ces désagréments si tu le souhaites.

- Je te remercie, Agrippina, mais cela ira.

- Les turbulences de Caius et de mes soeurs ne doivent pas arranger ton état. Ils sont plongés dans une sorte d'excitation que nul ne parvient à dompter. Je crois qu'ils ont fumé quelques herbes étranges cet après-midi......Tout à l'heure, Caius s'est senti pousser des ailes et a voulu sauter de la fenêtre de l'étage, persuadé qu'il volerait comme Icare. Heureusement qu'Aquila était présent pour l'en dissuader."

Laelia eut la sensation qu'un étau se resserrait sur sa gorge quand elle épia dans la direction dudit prétorien. Au lendemain de leur rupture, elle était tombée malade, noyée dans un état mélancolique que les guérisseurs ne parvenaient à nommer. Elle avait refusé de boire et manger, préférant s'aliter plusieurs jours d'affilés.

Une semaine s'était déjà écoulée à la suite de leur dernière entrevue et d'ici quelques nuits, ils seraient amenés à ne plus se revoir pendant longtemps, peut-être des années.