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Quand la morte saison d’été fut venue, un vent de panique souffla au Bonheur des Dames. C’était le coup de terreur des congés, les renvois en masse dont la direction balayait le magasin, vide de clientes pendant les chaleurs de juillet et d’août.
Afficher en entierPuis, un instinct lui fit [Denise] lever la tête, pendant qu'un inspecteur ouvrait la porte, fermée depuis le matin. Et elle aperçut Mouret. Il était toujours en haut de l'escalier, sur le grand palier central, dominant la galerie. Mais il avait oublié l'inventaire, il ne voyait pas son empire, ces magasins crevant de richesses. Tout avait disparu, les victoires bruyantes d'hier, la fortune colossale de demain. D'un regard désespéré, il n'y eut plus rien, la maison noire.
Fin Chapitre X.
Afficher en entierDu coup, il était lui-même redevenu immobile, la bouche ouverte. Tout ce luxe de la femme le rendait rose de plaisir. Il avait la beauté d’une fille, une beauté qu’il semblait avoir volée à sa sœur, la peau éclatante, les cheveux roux et frisés, les lèvres et les yeux mouillés de tendresse. Près de lui, dans son étonnement, Denise paraissait plus mince encore, avec son visage long à la bouche trop grande, son teint fatigué déjà, sous sa chevelure pâle. Et Pépé, également blond, d’un blond d’enfance, se serrait davantage contre elle, comme pris d’un besoin inquiet de caresses, troublé et ravi par les belles dames de la vitrine. Ils étaient si singuliers et si charmants, sur le pavé, ces trois blonds vêtus pauvrement de noir, cette fille triste entre ce joli enfant et ce garçon superbe, que les passants se retournaient avec des sourires.
Afficher en entierDu coup, il était lui-même redevenu immobile, la bouche ouverte. Tout ce luxe de la femme le rendait rose de plaisir. Il avait la beauté d’une fille, une beauté qu’il semblait avoir volée à sa sœur, la peau éclatante, les cheveux roux et frisés, les lèvres et les yeux mouillés de tendresse. Près de lui, dans son étonnement, Denise paraissait plus mince encore, avec son visage long à la bouche trop grande, son teint fatigué déjà, sous sa chevelure pâle. Et Pépé, également blond, d’un blond d’enfance, se serrait davantage contre elle, comme pris d’un besoin inquiet de caresses, troublé et ravi par les belles dames de la vitrine. Ils étaient si singuliers et si charmants, sur le pavé, ces trois blonds vêtus pauvrement de noir, cette fille triste entre ce joli enfant et ce garçon superbe, que les passants se retournaient avec des sourires.
Afficher en entier"Crever pour crever, je préfère crever de passion que de crever d'ennui !" Parole d'Octave Mouret, au chapitre XI
Afficher en entier"...au milieu, une fontaine d'argent, une Bergère debout sur une moisson de fleurs, et d'où coulait un filet continu d'eau de violette, qui résonnait musicalement dans la vasque de métal. Une senteur exquise s'épandait alentour, les dames en passant trempaient leurs mouchoirs."
Afficher en entierTous deux parlaient du baron Hartmann, directeur du Crédit Immobilier. Mme Desforges, fille d’un conseiller d’État, était veuve d’un homme de Bourse qui lui avait laissé une fortune, niée par les uns, exagérée par les autres. Du vivant même de celui-ci, disait-on, elle s’était montrée reconnaissante pour le baron Hartmann, dont les conseils de grand financier profitaient au ménage ; et, plus tard, après la mort du mari, la liaison devait avoir continué, mais toujours discrètement, sans une imprudence, sans un éclat. Jamais Mme Desforges ne s’affichait, on la recevait partout, dans la haute bourgeoisie où elle était née. Même aujourd’hui que la passion du banquier, homme sceptique et fin, tournait à une simple affection paternelle, si elle se permettait d’avoir des amants qu’il lui tolérait, elle apportait, dans ses coups de cœur, une mesure et un tact si délicats, une science du monde si adroitement appliquée, que les apparences restaient sauves et que personne ne se serait permis de mettre tout haut son honnêteté en doute. Ayant rencontré Mouret chez des amis communs, elle l’avait détesté d’abord ; puis, elle s’était donnée plus tard, comme emportée dans le brusque amour dont il l’attaquait, et, depuis qu’il manœuvrait de manière à tenir par elle le baron, elle se prenait peu à peu d’une tendresse vraie et profonde, elle l’adorait avec la violence d’une femme de trente-cinq ans déjà, qui n’en avouait que vingt-neuf, désespérée de le sentir plus jeune, tremblant de le perdre.
Afficher en entierCependant, Baudu criait plus fort, en accusant ce déballage d’en face, ces sauvages, qui se massacraient entre eux avec leur lutte pour la vie, d’en arriver à détruire la famille. Et il citait leurs voisins de campagne, les Lhomme, la mère, le père, le fils, tous les trois employés dans la baraque, des gens sans intérieur, toujours dehors, ne mangeant chez eux que le dimanche, une vie d’hôtel et de table d’hôte enfin ! Certes, sa salle à manger n’était pas grande, on aurait pu même y souhaiter plus de jour et plus d’air ; mais au moins sa vie tenait là, il y avait vécu dans la tendresse des siens. En parlant, ses yeux faisaient le tour de la petite pièce ; et un tremblement le prenait, à l’idée inavouée que les sauvages pourraient un jour, s’ils achevaient de tuer sa maison, le déloger de ce trou où il avait chaud, entre sa femme et sa fille. Malgré l’assurance qu’il affectait, quand il annonçait la culbute finale, il était plein de terreur au fond, il sentait bien le quartier envahi, dévoré peu à peu.
– Ce n’est pas pour te dégoûter, reprit-il en tâchant d’être calme.
Afficher en entierLa dernière phrase de Liénard rappelait une scène qui s’était passée la veille, au café Saint-Roch. Maintenant, Deloche et lui ne se quittaient plus. Le premier avait pris, à l’hôtel de Smyrne, la chambre de Hutin, lorsque celui-ci, nommé second, s’était loué un petit logement de trois pièces ; et les deux commis venaient ensemble le matin au Bonheur, s’attendaient le soir pour repartir ensemble. Leurs chambres, qui se touchaient, donnaient sur la même cour noire, un puits étroit dont les odeurs empoisonnaient l’hôtel. Ils faisaient bon ménage, malgré leur dissemblance, l’un mangeant avec insouciance l’argent qu’il tirait à son père, l’autre sans un sou, torturé par des idées d’économies, ayant pourtant tous deux un point de commun, leur maladresse comme vendeurs, qui les laissait végéter dans leurs comptoirs, sans augmentations. Après leur sortie du magasin, ils vivaient surtout au café Saint-Roch. Vide de clients pendant le jour, ce café s’emplissait vers huit heures et demie d’un flot débordant d’employés de commerce, le flot lâché à la rue par la haute porte de la place Gaillon. Dès lors, éclataient un bruit assourdissant de dominos, des rires, des voix glapissantes, au milieu de la fumée épaisse des pipes. La bière et le café coulaient. Dans le coin de gauche, Liénard demandait des choses chères, tandis que Deloche se contentait d’un bock, qu’il mettait quatre heures à boire. C’était là que celui-ci avait entendu Favier, à une table voisine, raconter des abominations sur Denise, la façon dont elle avait « fait » le patron, en se retroussant, quand elle montait un escalier devant lui. Il s’était retenu de le gifler. Puis, comme l’autre continuait, disait que la petite descendait chaque nuit retrouver son amant, il l’avait traité de menteur, fou de colère.
Afficher en entierDix heures sonnèrent, le vacarme de l’inventaire montait, dans le branle-bas des rayons. Et, sous les cris, jetés sans relâche, qui se croisaient de toutes parts, la même nouvelle circulait avec une rapidité surprenante : chaque vendeur savait déjà que Mouret avait écrit le matin, pour inviter Denise à dîner. L’indiscrétion venait de Pauline. En redescendant, secouée encore, elle avait rencontré Deloche aux dentelles ; et, sans remarquer que Liénard parlait au jeune homme, elle s’était soulagée.
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