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À peine arrivée dans la salle de débarquement où les passagers attendent leurs bagages, je retrouve l’avocat au costard noir et visage arrogant qui vient se planter devant moi. Son air triomphant ne me dit rien de bon.
– Souriez un peu, personne ne portera plainte contre vous aujourd’hui.
– Je. N’ai. Rien. Fait ! lâché-je en détachant chaque syllabe.
– C’est votre façon de me dire merci ?
– Je suis épuisée par cette journée, vous n’avez pas idée. Vous ne voulez pas me foutre la paix ?
– Je pourrais, mais je suis coincé ici et je m’ennuie. Ah oui, et en échange de mes services de médiateur et contre la promesse de pas ébruiter l’affaire, la compagnie m’offre en bonus une chambre d’hôtel jusqu’à ce que les vols reprennent. Je n’ai pas tout perdu…
Je secoue la tête, médusée par tout ce qui sort de sa bouche ourlée et tellement séduisante.
– Gagner, vous adorez ça, non ? C’est votre raison de vivre ?
– C’est mon métier.
– Dans mon top 5 des professions que je déteste le plus au monde, il y a agent immobilier, dentiste, banquier, nutritionniste et avocat. Loin devant tous les autres.
– Maître Rio Delacroix, enchanté, résonne sa voix grave.
Il s’amuse avec moi et c’est parfaitement horripilant.
– Comme c’est un peu grâce à vous que j’ai obtenu ce superbe appart-hôtel tout près de l’aéroport, je vous propose de partager. Milla, c’est ça ?
– C’est honnêtement la pire approche de drague que j’aie jamais entendue. Merci pour la négociation dans l’avion mais non merci pour le reste. Et c’est Willa.
Il lève ses mains de chaque côté de sa tête, en signe de repli. Enfermés dans son costard griffé, ses épaules me paraissent plus larges et ses bras, plus musclés qu’une heure plus tôt.
Si seulement ce type était un peu plus désagréable à regarder…
– Et comment vous connaissez mon prénom, d’ailleurs ?
– Vous vous appelez Milla ?
– Non.
– Donc je ne le connaissais pas, sourit l’avocat.
– À une lettre près, c’était le bon.
– Il m’arrive de lire des magazines, Willa Larsson.
À l’entendre prononcer mon nom en entier, un petit trou de rien du tout se creuse dans mon estomac.
– Bref, aucun problème si vous préférez vous chercher une chambre minable et hors de prix en pleine tempête de neige, reprend-il. Et en même temps que ces centaines de gens qui ont déjà récupéré leur valise et se dirigent vers la sortie. Faites comme vous voulez.
– Vous avez vraiment réponse à tout, hein ? Mais ça ne suffit pas toujours d’être beau, dans la vie. Il faudrait aussi voir à être un peu moins insupportable.
– Vous ne me connaissez pas, Willa. Et je pense que sur ce terrain-là vous et moi, on se vaut largement.
– Vous commencez à me chauffer… grommelé-je.
– Vous m’en voyez ravi.
– Je ne voulais pas dire « chauffer » dans ce sens-là !
Afficher en entierJ’imagine qu’un type comme lui a l’habitude d’admirer des corps parfaits, minces, sans trop de reliefs ni de défauts, peut-être pulpeux parfois, mais pas aussi ronds, aussi charnus, aussi forts que le mien. C’est même sûrement la première fois qu’il voit une femme « comme moi » de si près. La première femme à avoir des seins lourds, des hanches pleines, des fesses imposantes, des cuisses qui se rejoignent et se câlinent. Une femme normale en somme, mais que la société a juste décidé de rendre invisible.
Afficher en entierJe suis ce que je suis. Et ce que je suis suffit.
Afficher en entierJ'ai longtemps craint le jugement des autres sur ma façon de manger, trop, trop peu, trop gras, trop sain, mais quand j'ai compris que j'étais jugée et questionnée quoi que je fasse, j'ai arrêté. La liberté donne un bien meilleur goût à tout.
Afficher en entierChapitre 4 : Embarquement immédiat
Willa
«… — Super speech contre la grossophobie… Mais est-ce qu’on ne pourrait pas juste laisser cet avion décoller ?
J’ai à peine le temps d’entrevoir son profil. Le mec en costard noir me tourne le dos, retire son pardessus gris chiné très chic puis le glisse dans le coffre au-dessus de sa tête sans daigner m’adresser un regard.
— Vous avez raison, rétorqué-je. On essaiera de changer le monde une autre fois. Je suis sûre que votre mètre quatre-vingt-dix et votre corps sculpté sont très sensibles à ma cause quand ils en ont le temps.
— Je rêve ou vous vous en prenez gratuitement à mon apparence physique, là ?
Le grand brun se retourne lentement pour finir par m’adresser un petit sourire parfaitement arrogant. Regard de braise, tignasse épaisse mais maîtrisée, teint mat, mâchoires acérées, sang chaud.
Ah non, la chaleur, ça c’est en moi après l’effet qu’il me fait. … »
Afficher en entierAvant, je pensais qu'il n'y avait rien de plus douloureux que vivre dans mon corps. Maintenant, je sais que c'est bien pire de vivre sans le sien.
Afficher en entier"J'ai lutté et j'ai perdu, souffle l'homme qui fond sur moi. Quoi que je fasse, c'est toi qui gagnes. J'aime toutes les "toi", Willa."
Rio à Willa
Afficher en entierAlors je ne dis rien, je pense à ma nudité et je me demande si je peux décemment attraper ce tapis de bain trempé pour me le jeter nonchalamment dessus, à la manière d'un drap de satin comme dans les films où les filles ont toujours sous la main de quoi se couvrir juste ce qu'il faut de fesses et de seins.
Foutue vraie vie.
Afficher en entierJe fais tout ça pour Ira, pour son regard sur le monde, sur elle-même, pour mon propre regard qu'elle arrive à changer sur moi, pour notre combat commun pour les femmes, les faibles, les différents, les invisibles, les trop visibles.
Afficher en entier- J'ai lutté et j'ai perdu, souffle l'homme qui fond sur moi. Quoi que je fasse, c'est toi qui gagnes. J'aime toutes les "toi", Willa.
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