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On ne quitte pas une femme qu'on ne voit plus, qui ne fait pas de scènes, qui ne fait pas de bruit, qui ne claque pas les portes, c'est bien trop pratique.
Afficher en entierJe déteste les fleurs artificielles. Une rose en plastique ou en synthétique, c'est comme une lampe de chevet qui voudrait imiter le soleil.
Afficher en entierJe n'étais pas en blanc le jour de mon mariage mais, grâce au sourire de Léo, je portais la plus belle des robes, celle de l'enfance de ma fille.
Afficher en entierMais comme je n'ai jamais eu le goût du malheur, j'ai décidé que ça ne durerait pas. Le malheur, il faut bien que ça s'arrête un jour.
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Que veux-tu que je devienne si je n’entends plus ton pas, est-ce ta vie ou la mienne qui s’en va, je ne sais pas.
Je m’appelle Violette Toussaint. J’ai été garde-barrière, maintenant je suis garde-cimetière.
Je déguste la vie, je la bois à petites gorgées comme du thé au jasmin mélangé à du miel. Et quand arrive le soir, que les grilles de mon cimetière sont fermées et la clé accrochée à ma porte de salle de bains, je suis au paradis.
Pas le paradis de mes voisins de palier. Non.
Le paradis des vivants : une gorgée de porto – un cru 1983 –, que me rapporte José-Luis Fernandez chaque 1er septembre. Un reste de vacances versé dans un petit verre en cristal, une sorte d’été indien que je débouche vers 19 heures, qu’il pleuve, qu’il neige, qu’il vente.
Deux dés à coudre de liquide rubis. Le sang des vignes de Porto. Je ferme les yeux. Et je savoure. Une seule gorgée suffit à égayer ma soirée. Deux dés à coudre parce que j’aime l’ivresse mais pas l’alcool.
José-Luis Fernandez fleurit la tombe de Maria Pinto épouse Fernandez (1956-2007) une fois par semaine sauf au mois de juillet, là c’est moi qui prends le relais. D’où le porto pour me remercier.
Mon présent est un présent du ciel. C’est ce que je me dis chaque matin, quand j’ouvre les yeux.
J’ai été très malheureuse, anéantie, même. Inexistante. Vidée. J’ai été comme mes voisins de palier mais en pire. Mes fonctions vitales fonctionnaient mais sans moi à l’intérieur. Sans le poids de mon âme, qui pèse, paraît-il, que l’on soit gros ou maigre, grand ou petit, jeune ou vieux, vingt et un grammes.
Mais comme je n’ai jamais eu le goût du malheur, j’ai décidé que ça ne durerait pas. Le malheur, il faut bien que ça s’arrête un jour.
J’ai très mal commencé. Je suis née sous X dans les Ardennes, au nord du département, dans ce coin qui fricote avec la Belgique, là où le climat est considéré comme « continental dégradé » (fortes précipitations en automne et fréquentes gelées en hiver), là où j’imagine que le canal de Jacques Brel s’est pendu.
Le jour de ma naissance, je n’ai pas crié. Alors on m’a mise de côté, comme un paquet de 2,670 kilos sans timbre, sans nom de destinataire, le temps de remplir les papiers administratifs pour me déclarer partie avant d’être arrivée.
Mort-née. Enfant sans vie et sans nom de famille.
La sage-femme devait me trouver un prénom vite fait pour remplir les cases, elle a choisi Violette.
J’imagine que je l’étais de la tête aux pieds.
Quand j’ai changé de couleur, quand ma peau a viré au rose et qu’elle a dû remplir un acte de naissance, elle n’a pas changé mon prénom.
On m’avait posée sur un radiateur. Ma peau s’était réchauffée. Le ventre de ma mère qui ne me désirait pas avait dû me glacer. La chaleur m’a ramenée vers le jour. C’est sans doute pour cela que j’aime tellement l’été, que je ne rate jamais une occasion de me caler dans le premier rayon de soleil venu comme une fleur de tournesol.
Mon nom de jeune fille c’est Trenet, comme Charles. Après Violette, c’est sans doute la même sage-femme qui m’a donné mon nom de famille. Elle devait aimer Charles. Comme je l’ai aimé à mon tour. Je l’ai longtemps considéré comme un cousin éloigné, une sorte d’oncle d’Amérique que je n’aurais jamais rencontré. Quand on aime un chanteur, à force de chanter ses chansons, on a comme qui dirait un lien de parenté quand même.
Toussaint est venu plus tard. Quand je me suis mariée avec Philippe Toussaint. Avec un nom pareil, j’aurais dû me méfier. Mais il y a des hommes qui s’appellent Printemps et qui cognent leur femme. Un joli nom, ça n’empêche personne d’être un salaud.
Ma mère ne m’a jamais manqué. Sauf quand j’ai eu de la fièvre. Quand j’ai été en bonne santé, j’ai grandi. J’ai poussé très droit comme si l’absence de parents m’avait mis un tuteur le long de la colonne vertébrale. Je me tiens droite. C’est une particularité chez moi. Je n’ai jamais penché. Pas même les jours de chagrin. On me demande assez souvent si j’ai fait de la danse classique. Je réponds que non. Que c’est le quotidien qui m’a disciplinée, qui m’a fait faire de la barre et des pointes chaque jour.
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Un seul être nous manque et tout est dépeuplé.
Mes voisins de palier n’ont pas froid aux yeux. Ils n’ont pas de soucis, ne tombent pas amoureux, ne se rongent pas les ongles, ne croient pas au hasard, ne font pas de promesses, de bruit, n’ont pas de sécurité sociale, ne pleurent pas, ne cherchent pas leurs clés, leurs lunettes, la télécommande, leurs enfants, le bonheur.
Ils ne lisent pas, ne payent pas d’impôts, ne font pas de régime, n’ont pas de préférences, ne changent pas d’avis, ne font pas leur lit, ne fument pas, ne font pas de listes, ne tournent pas sept fois leur langue dans la bouche avant de parler. Ils n’ont pas de remplaçants.
Ils ne sont pas lèche-cul, ambitieux, rancuniers, coquets, mesquins, généreux, jaloux, négligés, propres, sublimes, drôles, accros, radins, souriants, malins, violents, amoureux, râleurs, hypocrites, doux, durs, mous, méchants, menteurs, voleurs, joueurs, courageux, feignants, croyants, vicelards, optimistes.
Ils sont morts.
La seule différence entre eux, c’est le bois de leur cercueil : chêne, pin ou acajou.
Afficher en entierJe me suis longtemps demandé ce que j'avais fait de mal pour mériter ça. Je me suis longtemps demandé de quoi on avait voulu me punir. J'ai revu toutes mes erreurs.
Afficher en entierChristian Bobin a dit : « Les mots tus s’en vont hurler au fond de nous ».
Il ne l’a pas dit exactement comme ça. Mais moi, j’étais plein de silences qui hurlaient au fond de moi. Qui me réveillaient la nuit. Qui m’ont fait grossir, maigrir, vieillir, pleurer, dormir toute la journée, boire comme un trou, me cogner la tête contre les portes et les murs. Mais j’ai survécu.
Afficher en entierJ'ai la vie devant moi, mais pas l'amour d'un homme. Quand on a pris l'habitude de vivre seul, on ne peut plus vivre à deux. De ça, je suis sûre.
Afficher en entierNe juge pas chaque jour à la récolte que tu fais, mais aux graines que tu sèmes.
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