Extraits

– Ce n’est pas que je m’ennuie, mais une torture m’attend.

-Tu les imagines faire quoi, là-haut, toute la journée ?

-Jouer de la harpe, courir dans les prairies et tirer des petites flèches sur les humains afin qu'ils tombent amoureux. Entre autres.

-Entre autres ?

Il me semble entendre un ricanement du côté du guerrier.

-Ben je suppose qu'ils doivent aussi cueillir des feuilles de vigne pour s'en confectionner des strings et faire la lessive. Ils se fringuent tous en blanc, non ?

Un ancien archange vole des bonbons à un ange guerrier dans une grotte au milieu de nulle part après avoir donné un demi-cookie à un renard sous amphétamines... Tout est normal.

– Le yoga te ferait sûrement du bien, faucheuse.

Je lui tends mon majeur en souriant et lâche :

– Tiens, c’est la posture du « va te faire cordialement foutre », je la gère à la perfection.

Le métamorphe ne me tuerait pas, par contre je mettrais un terme à sa vie et Lucifer se chargerait des répercussions, puisqu’en tant qu’ambassadrice, il paraît que je dois être diplomate…

– Combien d’entre nous doivent périr pour que l’Enfer daigne bouger le petit doigt ?

– Tony est…

– Je ne parle pas de Tony ! Ça fait trois jours que j’ai signalé deux meurtres au coton-tige qui te sert d’assistant ! – Stagiaire, en fait, coton-tige stagiaire, précise Léandre en mettant les mains dans les poches de son jean. Il est de plus en plus à l’aise dans sa nouvelle vie et de plus en plus sarcastique, aussi. Si son humour a tendance à me faire rire, les métamorphes ne semblent pas de cet avis et mon obligation diplomatique m’empêche de sourire. Pourtant les occasions de faire fonctionner mes zygomatiques sont rares et je me laisserais bien distraire quelques instants par mon élève.

– J’étais en déplacement, je n’ai pas encore eu de rapport, méta. Recule d’un pas avant que je considère ton attitude comme une tentative d’intimidation sur une ambassadrice de Lucifer.

Il hausse un sourcil et croise les bras.

Donne-moi une bonne raison de te latter la face, Scoubidou…

S’il attaque en premier, je me contenterais de me défendre et j’aurais l’opportunité d’évacuer le stress que l’inquiétude fait naître en moi.

– Je t’intimide ? me demande-t-il en affichant un air satisfait que j’effacerais bien de sa face de cul.

– J’ai dit « tentative », mais peut-être que si je le siffle en ultrasons, tu saisiras mieux quand je parle ?

La diplomatie, c’est surfait.

– Vous voulez rester pour l’autopsie ? nous propose-t-il pendant qu’un damné en blouse blanche nous rejoint.

– Maître, vous m’avez appelé ? déclare le nouvel arrivant que je présume être Alec. Zagan se tourne vers lui et débite des instructions sur du matériel à apporter au plus tôt dans la morgue. Je n’écoute pas la moitié de ce qu’il dit, je suis restée bloquée sur l’autopsie.

N’étant pas sûre d’avoir compris, je me risque à répondre :

– Je pensais que la goule avait plus de valeur vivante que morte…

Il reporte son attention sur moi et son sourire s’agrandit plus encore. Si je m’enfuis sans me retourner, ça ferait désordre ? Parce que décidément, son air sérieux me manque. Je préfère être impressionnée face à lui en mode professionnel que terrifiée devant son… euphorie ? Bon sang, c’est de l’impatience que je lis sur son visage ! Il a hâte de travailler sur l’abomination !

– Bien sûr qu’elle est plus intéressante en vie !

– Excusez-moi, vous avez mentionné une autopsie, intervient Léandre, m’épargnant de préciser l’origine de mon doute.

– Je ne vois pas le rapport.

Ah oui, d’accord. Il me semblait qu’on pratiquait les autopsies sur des morts, j’ai encore dû louper un mémo.

Bon, ben on dirait qu’on va devoir collaborer avec le Ciel.

L’accomplissement de toute une vie prend forme… ou pas.

Dieu a bien fait de se tirer… je vous le dis

La trêve entre le Ciel et l’Enfer est claire et voilà comment je l’interprète : on ne s’aime pas, on ne se met pas pour autant sur la tronche, car les temps sont durs depuis que Dieu est mort.

** Extrait offert par Fleur Hana **

– Pourquoi un ange s’intéresse à notre âme ? m’interroge Léandre, comme s’il avait lu dans mes pensées.

– C’est une bonne question.

– Ils n’ont pas des trucs d’anges à faire ?

Je lui jette un regard en coin et, tout en m’agrippant mentalement à l’âme du gamin, je demande :

– Tu les imagines faire quoi, là-haut, toute la journée ?

– Jouer de la harpe, courir dans des prairies et tirer des petites flèches sur les humains afin qu’ils tombent amoureux. Entre autres.

– Entre autres ?

Il me semble entendre un ricanement du côté du guerrier.

– Ben je suppose qu’ils doivent aussi cueillir des feuilles de vigne pour s’en confectionner des strings et faire la lessive. Ils se fringuent tous en blanc, non ?

Je comprends l’intention de Léandre : emmerder l’ange qui ne doit rien louper de notre échange. Je rentre dans son jeu. Quitte à perdre une âme, autant rendre le moment le moins pénible.

– Oui, depuis qu’Eddy Barclay a débarqué au Paradis, c’est soirée blanche tous les jours de la semaine, je lui confirme.

– Je le savais ! Est-ce qu’ils sont tous blonds aux yeux bleus ?

– De vrais petits Aryens.

– Et l’auréole ?

– Ah, ça par contre, ils en ont une.[...]

– Du coup, pas de harpe ? me demande-t-il ensuite.

– Sur un malentendu, notre pote là-bas en joue. Sinon non, pas de harpe.

– Dommage, un mythe s’effondre, conclut Léandre.

De faucheuse, je suis devenue ambassadrice et à présent membre d’une sorte de communauté de l’anneau. Toujours sans le nain, je note. Ah oui, et les elfes, ça manque d’elfes, et ça à la rigueur, on doit pouvoir en dégoter.