Extraits

Sur le papier, on reconnaissait mon profil et ma cape. Au-dessus était écrit « Je suis moi. Je suis Louise. »

– C’est gentil, Fatia. Mais je crois que tu te trompes.

– Mais non, tu es devenue une icône.

– Je ne veux pas être une icône. Nous n’avons pas besoin d’icônes.

Avant qu’elle ne proteste, j’ai filé dans la tente où les filles avaient commencé à peindre des banderoles. J’ai pris un pinceau, je l’ai trempé dans un pot de peinture noire et j’ai recouvert « Louise ». Ne restait que « Je suis ».

J’ai relevé la tête vers elle.

– Je suis, c’est pas mal, mais je crois qu’il y a mieux.

D’un trait, j’ai effacé « Je suis » et j’ai plongé mon pinceau dans la peinture violette.

J’ai écrit : « Nous sommes ! »

Je lui ai tendu l’affiche, dégoulinante de peinture.

– « Nous sommes », ça c’est vraiment nous.

Fatia m’a regardée avec un sourire.

– Ouais, ça sonne bien « Nous sommes ».

Les filles autour ont approuvé.

L’une d’entre elles a dit :

– Oui, nous sommes, c’est mieux. Nous sommes… nous sommes des Félines !

Une autre a ajouté :

– Et nous sommes en colère !

Et puis ça a été un tourbillon de cris et d’idées :

– Nous sommes l’étincelle !

– Nous sommes le feu !

– Nous sommes l’orage !

– Nous sommes amoureuses !

– Nous sommes des princesses !

– Des princesses à poils !

– Nous sommes des sorcières !

– Maléfiques !

– Étranges !

– Puissantes !

– Terrifiantes !

– Extraordinaires !

– Nous sommes complètement dingues !

Nous avons toutes explosé de rire.

Quand le calme est revenu, j’ai dit :

– Nous sommes l’avenir. Et nous sommes déjà là.

Toutes ces choses qu'on n'a pas le courage de partager. On se dit qu'on a le temps. Toute la vie devant soi. C'est comme voir une étoile filante dans le ciel et se dire qu'on fera un voeu demain ou la semaine prochaine. Mais la vérité, c'est que ces moments ne reviennent jamais. Les étoiles passent et s'éteignent. Ça ne sert à rien de faire un voeu sous un ciel vide.

Un jour, j'ai lu que la vérité est toujours confisqué par les plus forts.

C'est faux. Elle appartient à ceux capables d'imposer le silence.

On se dit qu'on a le temps. Toute la vie devant soi. C'est comme voir une étoile filante dans le ciel et se dire qu'on fera un vœu demain ou la semaine prochaine. Mais la vérité, c'est que ces moments ne reviennent jamais. Les étoiles passent et s'éteignent. Ça ne sert à rien de faire un vœu sous un ciel vide.