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La diplomatie, c'est la guerre avant les canons.
Afficher en entierAu revoir, Lorn. Faites de votre destin un allié. Il n'en est pas de plus puissant. Lorn salua gravement l’Émissaire d'un signe de tête, avant de s'apercevoir qu'il avait toujours le chat roux dans les bras.
- Vous oubliez votre chat! lança-t-il.
- Les chats n'appartiennent à personne, rétorque le drac qui s'éloignait déjà. Mais celui-ci semble vous avoir adopté. Gardez-le auprès de vous.
- A-t-il un nom ?
- Très certainement , mais je ne le connais pas.
Afficher en entierLorn, la tête haute, lui rendait un regard tout aussi éloquent.
Un regard tranquille, mais qui disait :
"Va chier."
Afficher en entierLorn mangea sans appétit.
Il finissait son repas lorsque Alan vint le rejoindre et, sans façon, s’assit pour picorer dans son assiette. Ils échangèrent un regard mais ne dirent rien. Parce qu’ils étaient de véritables amis, le silence ne les avait jamais embarrassés. Pourtant, celui qui s’installait entre eux était d’une qualité différente. Il n’était pas l’expression d’une complicité qui se passe de mots, mais la manifestation d’une gêne, chacun hésitant à parler le premier. Lorn ne se sentait pas capable d’exprimer quoi que ce soit, pas même de la reconnaissance. Quant au prince, il ne savait quelle attitude adopter, partagé entre la volonté de prendre soin de son ami, la crainte d’être maladroit et une pudeur imbécile qui le retenait.
Il ne pouvait, en outre, s’empêcher de se sentir coupable.
- Tes yeux ont changé, dit-il enfin sur le ton de la conversation.
Il étalait, à la pointe du couteau, une noisette de beurre sur un bout de pain.
Lorn fronça les sourcils.
- Quoi ?
- Tes yeux. Ils ont changé de couleur. Le droit, surtout. Enfin, je crois.
Lorn alla décrocher le petit miroir en étain pendu au-dessus de la bassine destinée à la toilette. Puis il s’approcha de la fenêtre, afin de profiter de la lumière qui passait les petits carreaux en losange.
Alan avait raison.
Lorn était né avec les yeux bleus. Le droit, désormais, était d’un gris très délavé. La nuit passée, dans la pénombre de la cabine, il ne s’en était pas rendu compte. D’ailleurs, il avait évité de trop se regarder. Il y avait des années qu’il n’avait vu son visage, et ce visage l’effrayait.
- Comment est-ce arrivé ? demanda le prince.
- Aucune idée.
Mais Lorn connaissait aussi bien qu’Alan la cause de ce changement. Il jeta le miroir sur les draps défaits de la couchette et revint s’asseoir.
- Ce n’est pas si grave, reprit Alan. Je parie même que cela plaira beaucoup aux femmes. Cela te donne un air… euh… mystérieux.
Lorn haussa les épaules.
La vérité était qu’il se moquait bien que l’un de ses yeux ait changé de couleur. Il savait que Dalroth lui avait fait pire, en lui dérobant à jamais une partie de son âme.
Afficher en entierCertaines victoires ont d'abord été des combats perdus d'avances n'est ce pas?
Afficher en entierIl lui rappelait certains vétérans chez qui la guerre a tué l'humanité, à force d'horreurs commises, vues ou subies. Cela faisait d'excellents combattants. Mais si ces hommes étaient de ceux qui remportent les victoires et bouleversent les destins, s'ils étaient des adversaires redoutables et des alliés précieux sur les champs de bataille, ils étaient aussi des âmes perdues qui sombrent tôt ou tard.
Afficher en entierLa lumière écarta les ténèbres à mesure que la porte s’ouvrait en gémissant. Le cachot était divisé en deux par une grille. Une paille humide jonchait les dalles grises. Il y avait un grabat et une couverture de l’autre côté des barreaux. La pièce, sinon, était nue. Il y flottait une odeur de vieille pierre, de pourriture et d’urine.
Le prisonnier était assis sur sa couche, adossé au mur du fond, les poignets sur ses genoux relevés, mains pendantes et tête baissée. Il n’esquissa pas un geste en entendant la clé jouer dans la serrure, ni lorsque la lumière l’éclaira. Il n’était vêtu que d’une chemise et de chausses. Des plaies croûteuses couvraient ses avant-bras, ses chevilles et ses pieds sales. Longs et crasseux, ses cheveux tombaient devant son visage.
Le capitaine avança jusqu’à la grille.
- Chevalier, appela-t-il.
Comme le prisonnier ne réagissait pas, le capitaine répéta :
- Chevalier. Chevalier, m’entendez-vous ?
Faute d’une réponse, il se tourna vers le geôlier.
- A-t-il sa raison ? demanda-t-il. Est-ce qu’il m’entend seulement ?
Pour toute réponse, le geôlier fit la moue et haussa les épaules.
- Ouvre, lui ordonna le capitaine en s’efforçant de ne pas prêter attention aux voix qui lui chuchotaient à l’oreille.
Des voix qu’il n’entendait normalement que dans son sommeil…
Le geôlier obéit, déverrouilla la grille et s’effaça pour laisser passer deux soldats. Ils prirent le prisonnier sous les aisselles et le soulevèrent. L’homme se laissa faire. Il était grand, large d’épaules, le corps séché par les rigueurs des geôles. Il puait et semblait sans force.
- Chevalier ? tenta à nouveau le capitaine.
Inquiet, il lui prit le menton entre le pouce et l’index et, délicatement, lui fit redresser la tête. Les cheveux s’écartèrent, révélant un visage émacié au regard vide et aux traits tirés. C’était le visage d’un homme encore jeune, mais qui avait traversé plus d’épreuves que l’on peut en supporter. Un chaume sombre recouvrait ses joues creuses. Une entaille lui barrait le sourcil gauche. Ses lèvres étaient sèches.
Le capitaine chercha en vain une lueur dans les yeux du prisonnier.
- Emmenez-le, dit-il.
Il se sentait oppressé. Épié. Menacé par les ténèbres de Dalroth. Comme les autres, il n’avait soudain plus qu’une hâte : fuir ces lieux maudits.
Afficher en entier« Dalroth était ceinte de hauts murs et d’une mer lointaine. D’aucuns la disaient hors du monde. Elle avait été érigée lors des Ténèbres, contre les armées des Dragons d’Ombre et d’Oubli. Elle avait survécu à l’usure patiente des siècles, mais l’Obscure y restait puissante, apte à corrompre et les âmes et les corps et les rêves des maudits. »
Chroniques (Livre d’Ombre)
Afficher en entierCet amour toujours possible flattait son orgueil et le soutenait.
Quoi de plus plaisant et stimulant que de se savoir irrémédiablement et patiemment aimé dans les coulisses? Les hommes s'y habituent vite et ils se sente trahis lorsque tout cesse, sans avoir pourtant rien fait pour que cet amour dure. Ce qui n'était qu'un privilège immense leur semblait être un dû, et la perte de ce privilège était un vol qui les laissait étrangement peiné mais toujours égoïstes.
Afficher en entierLa nuit était chaude, étouffante, envahir par l'odeur de vase qui montait des canaux et empuantissait jusqu'aux plus sombres et discrètes venelles des vieux quartiers d'Alencia.
Une lanterne brûlait au fond de l'une de ces rueelles. Entourée d'un ballet d'insectes, elle éclairait une porte à laquelle Lorn Askariàn frappa d'un poing ganté de cuir.
Ignorant qu'il paierait bientôt le prix de sa loyauté, il venait de secourir un homme dont la vie lui semblait valoir plus que la sienne.
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