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Les pensées se bousculaient dans l'esprit de Rosalind. Elle était la plus grande enchanteresse de cette époque dénuée de magie, mais elle n'avait pas le pouvoir de vaincre les scélérats anonymes qui faisaient régner leur loi. Bien sûr, si elle leur mettait la main dessus, elle pouvait les transformer en pierres ou en insectes.
Afficher en entierN'importe qui d'autre aurait purement et simplement arrêté de penser, à ce stade. N'importe qui d'autre aurait accepté l'inéluctabilité des basses-fosses jusqu'à en oublier sa propre existence.
Certaines de ses pensées étaient folles. Elles passaient et repassaient dans la bouilloire desséchée qui lui servait de tête. Si elle ne prenait pas garde, ces idées risquaient de prendre de l'élan, de se libérer, de s'échapper de son esprit fissuré. C'est ainsi que s'installait la folie. Mais elle n'en était pas encore là.
Afficher en entierConfuse, Belle recula vivement. Aussi clairement que si elle avait été présente, elle avait vu la vérité : le prince devenu Bête, le mauvais sort, la rose, l’enchanteresse.
Sa mère.
La rose venait de son jardin. C’était pour cela qu’elle lui semblait si familière.
Belle tenait la rose devant ses yeux. Exactement comme l’avait fait sa mère dix ans auparavant.
Mais dans sa main, sous l’éclat de la lune, la fleur s’étiola. Les pétales tombèrent et se transformèrent en poussière rouge qui disparut avant de toucher le sol. La tige s’évapora progressivement jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.
La Bête rugit de désespoir.
Afficher en entierBelle fronça les sourcils. Il était trop âgé pour dormir dans lit d'enfant qui se trouvait là, mais il était aussi trop jeune pour en être le père. Qui pouvait-il bien être ? Le mystère ne faisait que s'épaissir.
Belle aperçut alors une lueur rosacée du coin de l'œil.
Là-bas, tout au fond de la pièce, devant la fenêtre, se trouvait un guéridon au plateau de pierre blanche, préservé de la folie destructrice qui avait ravagé la chambre. Dessus, Belle vit deux objets scintiller à la lueur de la lune. Le premier était un élégant miroir main en argent.
Le second était une rose rouge sous une cloche de cristal.
Afficher en entierVous, vous aviez votre miroir magique pour voir le monde en dehors de votre château. Moi, j’avais des livres. Lire me permettait de voyager. De devenir quelqu’un d’autre. De vivre une autre vie... bien moins triste et solitaire.
Afficher en entier- Je suis désolée, la Bête.
Il lui adressa une ébauche de sourire empreint de tristesse.
- J'avais un nom, avant.
- Et quel est-il ?
- Cela n'a plus aucune importance, maintenant, dit-il en secouant la tête. Même si... Même si je redevenais un homme, je ne serais plus jamais cet homme là.
Afficher en entier-Non!
Rosalind déploya le peu de force qui lui restait pour crier.
- Il n'a pas de magie ! lança-t-elle en cherchant des mots que ces monstres comprendraient. Ce n'est pas un... magus ! Il est pur. Il est innocent. LAISSEZ-LE !
La porte au fond de la pièce claqua. Rosalind se retrouva plus seule que jamais.
Afficher en entier- Je crois, dit Maurice en passant un bras autour des deux amoureux, que nous devrions passer une dernière soirée tous les quatre, avant votre départ. Nous avons beaucoup d'histoires à nous raconter.
- Et la plupart, observa Belle avec un sourire en coin, ont une fin presque heureuse.
Afficher en entierIls se mirent en route sous la neige tombante. Leurs traces menant au château disparaissaient comme une vague de glace qui les suivant silencieusement.
Afficher en entierMême dans le monde éclairé et moderne de ce dix-huitième siècle, la mort et le chagrin faisaient partie de la vie de tous les jours.
Belle prit le bras de la Bête et ils marchèrent tous deux, en silence, vers le château.
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