Extraits

La plupart des gens, lorsque je leur dis que je suis infirmier, me regardent étrangement. Ouais, j’imagine bien ce qu’il se passe dans leurs têtes. Comment un biker peut-il faire ce métier-là ? Forcément, avec l’image que véhiculent certains MC, ça laisse perplexe. Oh, mon Dieu, un biker dans le milieu médical ! Mais les parents n’ont pas peur de laisser leur enfant entre ses mains ? Et bla-bla-bla ! Et je vous emmerde ! Ouais, j’emmerde tous ces abrutis pleins d’a priori. J’aime ce que je fais et je n’ai pas à me justifier. Ce n’est pas parce que je chevauche une moto, que je porte des couleurs, que j’ai des tatouages et les cheveux longs, que je vais systématiquement égorger des gamins. C’est fou ce que l’apparence peut susciter comme jugement. J’en sais quelque chose…

Pulp

— Quand est-ce que tu vas retirer ton costume de con ?

Je sursaute à la voix de Wild qui se laisse tomber sur la banquette à mes côtés. Je croise son regard pâle tatoué.

— Peut-être quand tu vireras ta panoplie de curieux, on t’a envoyé en mission de renseignement ? je réplique froidement.

— Bien, reprend-il en haussant un sourcil, que me vaut l’honneur de cette visite matinale « ô combien » bruyante dans cette tenue plus que… délabrée. Ton T-shirt est douteux Kay, tu le sais ça ? Tu t’es perdu en cherchant ta salle de bain ?

Pulp

— Ouais ! Un mec ! Je l’ai baisé hier soir ! Et j’en ai branlé un autre qui m’a aussi sucé !

— Pulp… tente Sher.

— Et c’est ta faute « le silencieux » ! j’accuse violemment Wild en appuyant un doigt sur sa poitrine. Et pas la peine de me regarder avec cet air étonné, genre qu’est-ce que j’ai fait ? Tu m’as embrouillé avec tes histoires de merde d’horizons multiples !

Je tape son torse à plusieurs reprises sans me soucier du fait que l’Écossais pourrait me briser en deux secondes juste en me collant une droite. Il ne frémit pas d’un cil ni ne bouge sous mes poussées rageuses. Je laisse ma frustration se déverser, sans me retenir, parce que de toute façon je ne suis plus en mesure de me contrôler.

— Et toi ! je reprends en faisant vivement volte-face vers Gade appuyé au comptoir du bar, pareil ! Même sauce avec tes jouissances expérimentales ! Explore, tente, jouis ! Ben j’ai joui dans le cul d’un mec ! Le côté obscur ! Je l’ai baisé comme un sauvage ! Et c’est de votre faute putains d’enfoirés ! Et maintenant ? Maintenant, je ne sais plus si je suis hétéro, bi, homo ou quoi que ce soit d’autre ! Et le premier qui l’ouvre pour se foutre de ma gueule, je le plombe à l’aide de George ! Et si j’ai envie de me pinter pour oublier que j’ai kiffé, eh ben je me pinterai compris ?

Pulp

— Merde, il est prédisposé.

— Tu crois ?

— Ouais, sensible au parfum, conscient de la force et du bien-être… signes significatifs… rappelle-toi…

— Merde, t’as raison, ça traînait sûrement en lui depuis un moment, mais il en avait pas conscience.

— Donc l’avorton en est.

— Ouais.

— Tu crois qu’il faut lui dire ?

— J’en sais rien, il pourrait mal le prendre.

— Hé ! je m’écrie, je suis là au cas où vous l’auriez oublié ! C’est quoi cette connerie de prédisposé !?

Gade jette un regard gêné à Sher, se tourne vers moi, se mordille la lèvre comme s’il ne savait pas comment m’annoncer ce qu’il a à me dire et lance soudain d’un ton exagérément sérieux :

— Tu es attiré par les mecs vieux, désolé de te l’apprendre.

— Qu… quoi ?

Et ces deux abrutis éclatent de rire en chœur à leur connerie monumentale, se bidonnent à mes dépends.

— Vous êtes vraiment de beaux enculés ! je les insulte en finissant par joindre mon rire aux leurs.

— Totalement vrai ! s’esclaffe Sher entre deux rires. Fallait bien dédramatiser le truc, Pulp, depuis ton arrivée tu es passé par toutes les couleurs…

— De l’arc-en-ciel !

Et Gade de rire de plus belle. Quel connard !

Pulp

— T’en a discuté avec Wild ? m’interroge Sher.

— Quoi ? Non !

— Je pense pas que l’Écossais soit du genre à s’étaler sur ses parties de cul avec Lys, observe Gade en haussant les sourcils.

— Je ne vais pas ameuter les foules parce que je ne suis pas foutu de gérer un truc qui me dépasse, je marmonne en labourant mes cheveux d’un geste nerveux, mais ce bougre de « silencieux » est un foutu observateur, il a dû détecter un truc, il m’a fait une remarque bizarre le jour où j’ai plombé Cats.

— Genre ?

— Une histoire d’horizons multiples…

— Du Wild tout craché.

— Ce mec parle toujours par énigmes, on devrait rajouter un dictionnaire pour le comprendre, je maugrée.

— Le message est pourtant très clair, élude Gade avec un soupir désespéré, explore, expérimente, le monde est vaste et propose tellement de possibilités.

— Tu parles le Wild toi ? Depuis quand ? s’étonne Sher moqueur.

— Depuis la première fois où j’ai rencontré ce foutu mec sur un ring, siffle Gade avec une moue désabusée, il m’a juste dit qu’il m’épargnerait et il l’a fait.

Pulp

— Y’a ce toubib, bordel… quand il apparaît dans mon champ de vision, je… je me transforme en passoire et tout ce qu’il dégage s’insinue en moi et vient titiller mon côté… animal, je… je suis réceptif à ce putain de chef de service ! Tu y crois à ça ? Merde ! J’veux dire que… qu’il m’a excité et ce genre de truc ne s’était jamais produit avant ! Et sans compter sur ce putain de motard avec qui j’ai…

— Tu as ? m’enjoint à poursuivre Gade devant mon hésitation.

Son regard interrogateur s’enfonce dans le mien et me met à mal avec ma conscience. C’est Gade, je peux tout lui dire non ?

— Je l’ai branlé, il m’a branlé, il m’avait bandé les yeux et j’ai trouvé ça… hyper excitant ! Putain Gade, c’était foutrement bon ! Et ces deux mecs me rendent dingue ! Je sais plus où j’en suis. J’ai besoin que tu me dises ce que tu en penses. J’ai une fichue trouille et pourtant je suis curieux. Qu’est-ce que ça fait de moi ? Hein ? je balance tout de go, si rapidement que j’en suis presque en manque de souffle.

— Au 1er abord, ça fait de toi un mec qui a besoin de baiser.

— Et au 2e ? Parce qu’il y a un 2e forcément.

— Le 2e ? C’est que ce n’est pas réellement sain de se battre contre quelque chose qui nous attire.

— J’ai peur Gade, peur parce que j’en ai trop envie.

— Ouais, et détourne pas le sujet, y’a un truc qui tourne carré dans ta caboche, faudrait peut-être voir à raboter les angles pour que ça tourne à nouveau rond, alors j’attends ! dit-il en croisant les bras sur sa poitrine.

Pulp

Je frissonne au souffle chaud qui glisse sur mon oreille. Putain, il a retiré son casque ! Son parfum épicé m’enivre et me tourne la tête, je retiens ma respiration alors que sa voix grave à l’intonation veloutée dérape dans mon cerveau. Je sens ses lèvres bouger contre le pavillon de mon oreille et je ferme brutalement les yeux derrière le bandeau, au frisson qui dévale le long de mon dos. Oh bordel ! Je ne sais pas ce qui lui passe par la tête, et encore moins dans la mienne, mais je me laisse hypnotiser par le ton suave de sa voix. D’un hochement de tête, je lui signifie que je suis OK, et je ne sais pas dans quoi je m’embarque. J’ai peur, peur comme lorsque je me trouve au bord d’un précipice et que ce foutu vertige m’envahit.

— Enfin… souffle-t-il en posant sa bouche juste à la jonction de mon cou et de mon épaule. La violence de la sensation qui me prend aux tripes est tellement phénoménale que toute envie de lutter me déserte. Les battements de mon cœur sont irréguliers, un gémissement m’échappe lorsque ses lèvres remontent le long de mon menton et que ses dents s’emparent doucement de ma lèvre inférieure. Le désir explose en moi en une déflagration puissante. Oh putain ! Je reste surpris une fraction de seconde face aux réactions de mon corps dont les hanches se poussent contre lui, cherchant un contact plus appuyé. Agréable vertige qui serre soudain mes tripes et se dilue à travers mon corps tendu d’envie.

— Oui, c’est ça, ne lutte pas, Sexy, dit-il contre mes lèvres, c’est si bon l’abandon…

Sa bouche prend possession de la mienne et les dernières miettes de ma raison s’évanouissent sous sa langue intrusive. Oh bon sang ! Bon sang ! Bon sang ! Mes mains viennent s’accrocher à ses hanches et je me frotte contre lui sans aucune retenue. Je le sens sourire contre mes lèvres. Je déconnecte totalement.

— Intense, murmure-t-il, je le savais…

Nos respirations saccadées se mêlent tandis qu’une de ses mains vient empaumer ma queue à travers mon jean. Oh seigneur ! D’un geste sec il descend ma fermeture éclair avec un grognement sourd. Mon cœur tape comme un fou dans ma poitrine.

— Je vais te faire vibrer, promet-il en s’emparant de ma bouche pour un nouveau baiser ravageur.

Pulp

— T’as le chic pour te fourrer dans des situations merdiques, balance-t-il entre deux rires, Gade ! Pulp a un amoureux !

— Quoi ? renchérit Renegade en dévalant la montée d’escaliers pour venir nous rejoindre au salon, t’as viré ta cuti l’avorton ?

— La ferme Gade, j’ai rien viré du tout ! C’est juste qu’il m’est arrivé un truc bizarre hier soir et ton abruti de mari brode autour comme une concierge en manque ! J’aurais mieux fait de fermer ma gueule ! Je pensais avoir le soutien d’un ami, j’espérais que cet ami pourrait, au préalable, m’expliquer le pourquoi, comment et tout le bastringue, mais visiblement je me suis trompé de porte ! Et le présumé ami va s’en prendre une s’il n’arrête pas de se marrer !

— Il s’est fait draguer par un mec, lui dit Sherodan entre deux rires alors que Gade s’assoit à ses côtés et l’attire sur ses genoux pour lui donner un baiser.