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La Maison des Vierges est pleine de chuchotements. Tandis qu'elles lavent et coiffent les cheveux d'Anamaya en trés fines tresses, les Méres lui jettent des coups d'oeil réprobateurs. Anamaya se répéte les paroles cruelles d'Inti Palla et la peur se loge au creux de son ventre : si l'Unique Seigneur décide qu'elle doit mourir sans avoir le droit de s'échapper dans l'Autre Monde, sera-t-elle dévorée par le puma ? Lorsque les Méres en ont fini avec sa coiffure, elles l'enveloppent dans un grand pagne de toile grége qui la recouvre de la poitrine aux chevilles.
Afficher en entierLa nuit derniére, comme à chaque nouvelle lune, elle a rêvé du village dans la forêt. Elle avait la main dans la main de sa mére et tout autour d'elle les cris retentissaient. Un souffle de feu embrasait sa poitrine. quand sa mére est tombée, un silence de glace l'a envahie, une terreur pleine d'incompréhension.
Afficher en entierAnamaya se détourne, repliant soigneusement sa couverture de tissage pour masquer sa peine. S'il y a bien une chose qu'elle sait, c'est cela. Non seulement elle n'est pas une princesse de sang royal, mais plus son corps grandit plus il est différent de celui des jeunes Incas. Ses jambes et ses cuisses s'étirent quand celles des princesses s'arrondissent. Son visage s'allonge alors qu'il devrait s'élargir. Son front ne se bombe pas, ses lévres restent trop fines, ses sourcils sont deux fois moins épais... Et puis il y a ses yeux!
Afficher en entierElle ne fait toujours pas un mouvement. Il tend sa lance et son casque au soldat, s'approche d'elle sans brusquerie. Il s'agenouille et prend dans ses doigts fins le menton de l'enfant. Il léve son visage vers lui. Son regard attentif attrape le rayon lumineux de deux yeux bleus. Sous le coup de la surprise, il manque basculer en arriére. Anamaya voit le visage d'un homme au nez fier, aux lévres bien dessinées.
Afficher en entierL'exclamation s'échappe de ses lévres à l'instant o˘ il s'effondre. En tombant, le fil de son collier de turquoises se rompt, les petites pierres bleues roulent dans la poussiére et se noient dans la boue. Un sang noir coule de sa tempe et se mélange aux peintures rouges et noires de ses joues. La pierre de fronde est entrée dans son cr‚ne. Anamaya perçoit le frisson qui parcourt sa mére des pieds àla tête. La trompe rugit encore, pareille au feulement d'un animal sauvage, et le roulement des tambours fait trembler la forêt. Des hurlements déchirent l'air. Les hommes se précipitent dans les cases pour prendre leurs armes.
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