Extraits

Wan ferma les yeux. Il pouvait passer outre les cris et les pleurnicheries des enfants qui lui perçaient les tympans. Il pouvait faire abstraction des absurdes et incessantes conversations entre Dji et Miu. Il pouvait même momentanément oublier qu'il traînait un chariot plein d'appétissante viande humaine avec lui. Mais il ne pouvait ignorer la fureur qu'il ressentait en voyant Zenki serrer Maya dans ses bras.

Une partie d'elle tenta de la secouer, de lui dire qu'elle devait le repousser, le marteler de coups de poing, le réduire en bouillie, lui arracher le cœur... mais une autre partie d'elle, une partie folle, délirante, éprouvait quelque chose, quelque chose d'inconnu et de si fort et si doux à la fois, que ça la faisait trembler et lui donner envie de pleurer.

— Oui, j'aime lire, répondit Nel.

Norah n'en revenait pas. Que les Yokaïs sachent lire alors que la majorité des humains avaient oublié ce savoir depuis longtemps...

— Pourquoi ?

— Parce que j'aime être surprise.

— La vie en offre pourtant beaucoup... de surprises, répliqua Norah d'un ton amer.

Nel haussa les épaules.

—La vie est une histoire dont on connaît déjà la fin.

La Rapaï disait vrai. Tout le monde finissait toujours par mourir. Et ça, qu'on soit Yokaï ou humain, mais...

— L'intérêt de l'existence ne réside peut-être pas dans sa destination mais dans tout ce qu'il se passe avant. Dans les pages qu'on tourne avant que l'histoire ne se termine, répondit Norah.

Nel la dévisagea et révisa l'idée qu'elle se faisait de Norah. Oui, il n'était pas impossible qu'elles puissent devenir amies, finalement

L'imagination est le berceau de tous les rêves, sans elle, nous sommes comme des oiseaux à qui on aurait coupé les ailes.

Les humains ne naissent pas mauvais. Si nous voulons qu'ils changent, nous devons les éduquer.

- Je peux savoir pourquoi ?

- Dji n'aime pas les Serpaïs, il les trouve antipathique, expliqua Miu.

Wan passa nerveusement la main sur son visage.

- Antipathiques ?

- Ben oui.

-Ze veux voir l'ours, dit soudain Hugo.

Ronan fronça les sourcils.

-Quel ours ?

-Ah oui, je ne te l'ai pas dit ? On a vu un ours aujourd'hui, dit Bert. Il est resté à l'entrée de la grotte un bon moment, puis il est reparti.

Une lueur soucieuse s'alluma dans les yeux de Ronan.

-C'est la première fois que tu le vois traîner par ici ?

-Oui, répondit Bert.

-Non, fit Juliette.

Les deux hommes tournèrent aussitôt la tête vers elle.

-Je l'ai déjà vu plusieurs fois, poursuivit-elle. Il ne s'est jamais approché à ce point, mais...

-Pourquoi n'as-tu rien dit ? demanda Bert d'un ton de réprimande.

-Pourquoi l'aurais-je fait ? Les animaux sauvages, c'est pas ce qu'il manque dans le coin.

Ronan poussa un grognement.

-Quoi ? fit Bert.

-Il faut que je termine rapidement la cabane. On doit quitter sa grotte au plus vite.

-Sa grotte ? s'étonna Bert.

-S'il revient aussi souvent, c'est probablement parce qu'on occupe la grotte où il hiberne chaque hiver, expliqua Ronan.

Juliette grimaça.

-Oh ! Oh ! Cohabiter avec un gros ours ne me dit rien du tout, on a déjà juste assez de place pour nous.

-Les ours ne cohabitent pas avec les humains, ils les tuent, répondit Ronan.

-Arrête ! Tu vas lui faire peur ! le sermonna Bert.

Ronan tourna la tête vers Juliette. Elle sourit.

-On déménage quand ?

« - Je te préviens : si tu essaies de t’échapper, on te bouffe, l’avertit Miu.

- Mais on pourrait aussi te bouffer même si tu n’essaies pas, ajouta Dji.

Miu secoua la tête en regardant son frère.

- Non.

- Non ?

- Non.

- Bon ben tant pis, soupira Dji.

Maya leva les yeux au ciel.

- Vous êtes dingues, vous en êtes conscients ?

- C’est ce que tout le monde dit tout le temps mais nous, on le croit pas, répondit Dji.

- Non, nous on pense que ce sont les autres qui sont dingues, précisa Miu.

- Dingues ou pas, vous n’avez pas le droit de me faire du mal, affirma Maya.

- Pourquoi ? demanda Miu.

- Parce c’est la loi et qu’elle vous interdit de tuer un membre d’un autre clan sans jugement.

- Mais on pourrait t’arracher une jambe, dit Dji. »